Le pape François futur Prix Nobel de la Paix?

Le pape François peut-il succéder à l’homme d’État éthiopien, Abiy Ahmed, prix Nobel de la Paix 2019, et devenir ainsi le premier pape de l’histoire à recevoir cette récompense? Depuis son élection en 2013, le pontife argentin a posé de nombreux gestes pour la paix et la justice dans le monde. Sa dernière encyclique, Fratelli tutti, parue le 4 octobre 2020, qui représente un plaidoyer vibrant pour la fraternité humaine et l’amitié sociale, pourrait servir sa cause.

Créé en 1901, le Prix Nobel de la Paix sera remis le 9 octobre prochain à «une personnalité ou une communauté qui aura le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix», résume ainsi le fondateur, Alfred Nobel.

Comme chaque année depuis le début de son pontificat, le nom de François circule parmi les «nobélisables». Son action inlassable pour mettre un terme aux conflits dans le monde, pour abolir l’esclavage, la peine de mort, l’usage des armes nucléaires ou encore sa pastorale sur les migrants et ses gestes d’amitié avec des responsables musulmans font de lui un légitime prétendant.

À genoux devant deux chefs ennemis

L’une des premières initiatives historiques du pape François fut sans doute l’organisation de la prière interreligieuse rassemblant côte à côte les présidents israélien et palestinien dans les jardins du Vatican, le 8 juin 2014. Quelques mois plus tôt, il avait invité les chrétiens à prier et à jeûner pour la paix au Moyen-Orient. De l’avis de certains évêques orientaux, l’initiative avait alors empêché une intervention militaire en Syrie.

Le pape François et la diplomatie vaticane se sont par ailleurs employés à la résolution ou l’apaisement de nombre de crises. Citons notamment le rétablissement en décembre 2014 des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis.

Dans certains cas, l’évêque de Rome n’a pas hésité à donner de sa personne, comme ce jour d’avril 2019 où il embrassa les pieds du président Salva Kiir, catholique, et de son opposant Riek Machar, presbytérien, afin de les exhorter à trouver le chemin de la paix.

L’usage de l’arme nucléaire est «immoral»

Autres arguments à mettre à l’actif du successeur de saint Pierre: ses condamnations répétées à l’utilisation des armes nucléaires. Un thème que les responsables du Nobel de la Paix avait mis en avant en 2017, en consacrant l’action de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) portée par plusieurs ONG.

À l’occasion de son voyage au Japon, en novembre 2019, le Primat d’Italie avait déclaré l’usage de ces armes «immoral». En septembre 2020, développant la position de l’Église sur le sujet dans un message vidéo envoyé lors de l’assemblée générale de l’ONU, il a précisé qu’il fallait démanteler «la logique perverse qui lie la sécurité personnelle et nationale à la possession d’armes».

Dans Fratelli tutti, sa pensée est parfaitement claire: «L’objectif ultime de l’élimination totale des armes nucléaires devient à la fois un défi et un impératif moral et humanitaire».

Pour le respect de la dignité des migrants

Le pape François s’est aussi illustré dans son action en faveur de l’accueil des migrants. En juillet 2013, quelques semaines après son élection, il avait effectué son premier déplacement hors de Rome sur la petite île de Lampedusa, au sud de l’Italie, où il avait dénoncé la «mondialisation de l’indifférence». Depuis, le Vicaire du Christ n’a cessé de renouveler ses appels pour que le monde respecte enfin la dignité de ces personnes déracinées.

En septembre 2015, en pleine crise migratoire, il avait demandé que «chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe accueille une famille» de réfugiés.

Sa dernière encyclique constitue une nouvelle interpellation puissante. S’adressant directement à l’Europe, il y déclare que ce continent «a les instruments pour défendre la centralité de la personne humaine et pour trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants».

Dénonciation des esclavages modernes

Un autre combat du pontife est celui de la lutte contre l’esclavage et du trafic humain. En 2014, lors d’une réunion de chefs religieux au Vatican, le pape François avait signé une déclaration dans laquelle était écrit que «l’esclavage moderne, en terme de trafic d’êtres humains, de travail forcé, de prostitution et de trafic d’organes (…) est un crime contre l’humanité, et doit être reconnu comme tel (…) par toutes les nations». Une condamnation répétée à l’occasion de nombreuses audiences et Angélus.

Dans Fratelli tutti, le Primat d’Italie confie être «étonné» qu’il ait fallu «si longtemps à l’Église pour condamner avec force l’esclavage et les diverses formes de violence.»

La peine de mort n’est plus admissible

L’abolition universelle de la peine de mort est également une volonté profonde du successeur de Pierre et de son administration. Alors que le Catéchisme de l’Église catholique reconnaissait que la peine capitale n’était pas exclue de certitude si celle-ci était «l’unique moyen praticable pour protéger» des personnes innocentes du criminel, François a demandé en 2018 que soit modifié cet aspect de la doctrine de l’Église. À ses yeux, elle est désormais «inadmissible, car elle blesse l’inviolabilité et la dignité de la personne».

Le pontife argentin relève également qu’aujourd’hui, tous les États sont en mesure de trouver d’autres moyens efficaces pour mettre hors d’état de nuire un criminel.

Le pape et la paix à travers les religions

Le pape François est aussi reconnu pour son action en faveur de la paix entre les religions. Pour lui, la violence n’a pas de fondement dans la religion et la vocation de tous croyants est l’adoration de Dieu et l’amour du prochain souligne-t-il dans Fratelli tutti.

En février 2019, lors de son voyage à Abou Dabi (Émirats arabes unis), le pape avait signé avec le grand imam de l’université cairote d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, une déclaration historique sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune. Un geste fort dans une décennie marquée par le terrorisme islamiste.

À rebours de la pensée actuelle qui vise à exclure la religion du champ politique, le pape François insiste par ailleurs dans sa dernière encyclique sur la place que doivent tenir les responsables religieux. Sans faire de la politique partisane, ils doivent s’impliquer de manière constante à la promotion du bien commun et du développement humain intégral.

Le pape François ne brigue pas de récompense

Les combats menés par le pape François et sa diplomatie vaticane font naturellement de lui un potentiel lauréat du Prix Nobel. Ses appels répétés, notamment durant la pandémie de coronavirus, à l’élaboration de trêves militaires ou sa détestation de la guerre allant même jusqu’à la remise en cause de l’expression de «guerre juste», vont évidemment en ce sens.

Mais l’attribution de ce Prix au pontife ne manquerait pas de soulever des critiques. Sur ce sujet, le pape avait balayé la question en juillet 2014, assurant que se voir attribuer un jour cette reconnaissance ne faisait pas partie de son «agenda». «Sans pour autant les mépriser, je n’ai jamais voulu recevoir des doctorats ou des prix», expliquait-il alors. (cath.ch/imedia/hl/rz)

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