Conflit du Haut-Karabakh: les Eglises appellent à la fin des combats

Alors que des affrontements sanglants opposent depuis le 27 septembre 2020 les troupes du Haut-Karabakh, région de population arménienne et soutenue par l’Arménie voisine, à celles de l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, les patriarches et les chefs des Eglises de Jérusalem ont appelé à la fin des combats.

Ils demandent installement aux dirigeants européens, aux présidents de la Russie et des Etats-Unis et au secrétaire général des Nations unies d’intervenir pour mettre fin aux hostilités.

Selon Artak Belgarian, médiateur des droits des civils en temps de guerre de la République autoproclamée du Haut-Karabakh – que les Arméniens appellent Artsakh -,  la moitié de la population de ce territoire au statut contesté a été déplacée. Les combats continuaient mercredi 7 octobre 2020. Durant la nuit, la capitale Stepanakert a été une nouvelle fois bombardée. Plus de 70’000 personnes ont fui les bombardements azéris visant le territoire séparatiste et nombre d’entre eux ont trouvé un refuge provisoire en Arménie.

Depuis une dizaine de jours, la reprise de la guerre entre l’Azerbaïdjan et cette région de peuplement arménien a déjà fait plusieurs centaines de morts, parmi lesquels des civils victimes des bombardements les plus intenses depuis 1994, qui visent notamment Stepanakert.

Intervention des Eglises

Dans une déclaration, les patriarches et les chefs des Eglises de Jérusalem, dont le patriarche arménien orthodoxe Nourhan Ier Manoukian, appellent les hommes et les femmes influents à œuvrer pour un cessez-le-feu immédiat et à négocier une paix durable. «Une fois de plus, des innocents sont morts et de nombreux hommes, femmes et enfants sont déplacés à cause des horreurs de la guerre», écrivent-ils.  

De nouvelles violences, ajoutent-ils, ne peuvent qu’aggraver les divisions entre le Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan. Enfin, la déclaration invite à réfléchir aux paroles du prophète Isaïe (2, 4) : «Dieu sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée; ils n’apprendront plus la guerre».

Appel du pape François

Lors de la prière de l’Angélus du dimanche 27 septembre 2020, quelques heures après le début de l’offensive azerbaïdjanaise et les premiers bombardements frappant notamment Stepanakert, le pape François avait lancé un appel à la paix.

«Des nouvelles inquiétantes font état d’affrontements dans la région du Caucase, avait déclaré le pontife. Je prie pour la paix dans le Caucase et j’appelle les parties au conflit à faire des gestes concrets de bonne volonté et de fraternité qui peuvent conduire à la résolution des problèmes, non pas par l’utilisation de la force et des armes, mais par le dialogue et la négociation».

Le pape en Arménie et en Azerbaïdjan en 2016

Le pape François avait effectué des voyages apostoliques en Arménie et en Azerbaïdjan en juin et septembre 2016, encourageant alors les efforts diplomatiques après une reprise de la guerre au printemps précédent. Des combats intenses avaient duré quatre jours, avant une accalmie relative. Des affrontements sporadiques ont néanmoins continué à se produire régulièrement sur la ligne de front du Haut-Karabakh, mais aussi à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Des accrochages avaient fait plusieurs morts en juillet dernier dans la région du Tavush, au nord-est de l’Arménie.

L’Eglise arménienne invoque «l’âme de l’Arménie»

Dans un tweet en anglais publié lundi 5 octobre 2020, le cardinal Leonardi Sandri, préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, a lancé cet appel: «Paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan! Arrêtez la bataille et, avec l’aide de la communauté internationale, commençons un nouveau dialogue pour la paix dans la région. Nous sommes proches de tous ceux qui sont en train de souffrir dans ces journées difficiles!»

Depuis la reprise du conflit, dimanche 27 septembre, l’Eglise apostolique arménienne encourage les combattants en invoquant «l’âme de l’Arménie». Le catholicos Karékine II, chef de l’Eglise apostolique arménienne, a lancé un appel, depuis Etchmiadzine, siège de l’Eglise arménienne, situé près de la capitale Erevan, pour renforcer les aumôneries militaires et envoyer des prêtres auprès des combattants arméniens. Samedi 3 octobre, un office de soutien à l’Artsakh et à ses défenseurs a eu lieu dans tous les monastères et églises d’Arménie ainsi que dans les diocèses de la diaspora.

Dans un message jeudi 1er octobre, Aram Ier, catholicos de Cilicie de l’Eglise orthodoxe arménienne, déclarait que le monde devrait savoir que l’Artsakh est «une terre façonnée par le sang, les prières et les âmes des Arméniens. Selon les lois internationales et règlements, son peuple a droit à l’autodétermination».

L’Eglise du Haut-Karabakh soutient les forces armées

Mgr Barkev Mardirossian, primat du diocèse d’Artsakh, a déclaré dans un message solennel que pour les Arméniens d’Artsakh, «c’est un combat pour la vie ou la mort. Une lutte pour notre survie. Vous le savez, nous n’avons jamais débuté une guerre, jamais violé l’armistice. Mais, de manière récurrente, traitreusement, on reprend le combat contre nous. C’est le droit de chaque homme, de chaque peuple, de défendre son existence».

Mgr Barkev Mardirossian, primat du diocèse d’Artsakh | armenews.com

Le primat affirme que «pour assurer notre droit à l’existence, nous sommes contraints de reprendre le combat an nom de la vie et de la paix. Je vous demande qu’armés d’une foi profonde, avec courage, vous ne formiez qu’un seul poing, n’ayant qu’un idéal et une volonté uniques pour aider par tous les moyens possibles notre armée et les Arméniens d’Artsakh».

Arayik Haroutunyan, président de l’Artsakh, n’hésite pas à présenter le conflit comme une «guerre sainte patriotique».

Appel à la médiation du Groupe de Minsk

Le Père Ioan Sauca, secrétaire général par intérim du Conseil œcuménique des Eglises (COE) à Genève, s’est dit «consternée par la position agressivement partisane adoptée par le gouvernement turc, qui, en tant que membre du Groupe de Minsk, devrait conserver un rôle neutre, plutôt que celui d’une partie au conflit». Il a appelé le 29 septembre les Eglises membres du COE au sein des pays «à s’engager auprès de leurs gouvernements pour transmettre ce message et encourager des efforts diplomatiques urgents et soutenus en faveur de la paix dans la région».

Le  Groupe de Minsk, composée de la France, de la Russie et des Etats-Unis, est chargé d’encourager la recherche d’une résolution pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Créé en 1992 sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), il inclut également l’Allemagne, la Biélorussie, la Finlande, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Turquie, et les deux parties en conflit. (cath.ch/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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