«Même un meurtrier reste un être humain»

L’aumônier de prison catholique Placido Rebelo rend visite chaque semaine aux détenus de Regensdorf (ZH). Ce prêtre indien, qui a œuvré dans des prisons du monde entier, considère que des progrès seraient à faire dans le système pénitentiaire, également en Suisse.

Alice Küng, pour kath.ch/traduction: Raphaël Zbinden

Placido Rebelo se promène sereinement devant le théâtre du Schiffbau, à Zurich. Le large sourire qu’il arbore semble le signe d’une grande paix intérieure. Ce prêtre natif d’Inde est un aumônier expérimenté, qui a visité des prisons dans le monde entier. Il réside en Suisse depuis cinq ans. Une fois par semaine, il va trouver les prisonniers de l’établissement de Pöschwies, à Regensdorf.

Son travail rejoint les préoccupations du pape François, dans sa dernière encyclique Fratelli tutti, parue le 4 octobre 2020. Le pontife y aborde la question de la dignité humaine dans les prisons, appelant notamment à améliorer les conditions de vie des détenus. Une position que Placido Rebelo salue: «Je suis très reconnaissant pour la sollicitude du pape François envers les prisonniers».

Une pastorale pour tous

«Même un meurtrier reste un être humain», affirme Placido Rebelo. On ne peut pas voir sur un prisonnier, s’il a ou non tué quelqu’un, relève-t-il. Pour cette raison, il s’efforce de traiter chaque détenu de la même façon. Ce qu’il a pu faire n’entre pas en compte dans la discussion. «Même si les circonstances de son emprisonnement doivent toujours être prises en compte, relève-t-il, et que cela demande beaucoup de sensibilité».

Le but de son travail est de permettre aux prisonniers d’ouvrir leur coeur. «Mes interlocuteurs doivent se sentir à l’aise». Une fois la confiance établie, les prisonniers racontent généralement ce qui les a amenés ici.

Le théologien catholique veut être ouvert à tous, alors que même les personnes d’autres confessions et les athées cherchent à discuter avec lui. «La pastorale va au-delà de l’affiliation religieuse», explique Placido Rebelo. L’aumônier âgé de 48 ans s’est tout de même choisi une «spécialisation», en approchant plus particulièrement les «Latins».

«La communication joue un rôle très important», note-t-il. Notamment le façon dont la langue est utilisée. «Contrairement aux contacts plutôt distants et formels qui prévalent pour les Suisses, pour les détenus qui parlent espagnol ou italien, il convient de s’exprimer de façon chaleureuse et directe. C’est très important, notamment lors de la première rencontre».

Les prisons suisses, plus «humaines»

Placido Rebelo a visité des prisons en Inde, aux Philippines, en Indonésie, ainsi qu’aux États-Unis, en Italie, ou encore en Slovaquie. Il y a observé de grandes différences. «Contrairement à ce qui se passe en Suisse, dans beaucoup d’autres pays, il y a de la violence et de la discrimination à l’intérieur des prisons. En Suisse, les prisonniers peuvent travailler, se former et sont bien nourris. Leur dignité humaine est garantie jusqu’à leur libération».

Dans les prisons indiennes, en revanche, les conditions d’hygiène sont précaires et le traitement des prisonniers dépend de leur statut financier et politique. Le droit aux lynchages y est également encore très répandu. «Le système judiciaire n’est pas clairement défini. Les activités criminelles impliquent souvent toute la famille», regrette Placido Rebelo. A cause de cela, les gens ont tendance à faire justice eux-mêmes.

Mais l’aumônier voit également des possibilités d’amélioration en Suisse. Les criminels peuvent certes maintenir le contact avec leurs proches, mais ils vivent très séparés des membres de leur famille. «Il serait particulièrement important pour leurs enfants et aussi pour leur partenaire qu’ils puissent passer, par exemple, tout un week-end ensemble».

Des solutions pour l’avenir

Dans Fratelli Tutti, le pape François aborde également la question de la peine de mort: «La prison à perpétuité est une peine de mort cachée», prétend-il (no 268). Une idée à laquelle Placido Rebelo souscrit: «Ces deux options sont extrêmes et ne permettent pas de trouver une solution durable». Les projets de réintégration, en revanche, sont essentiels et pourraient être davantage encouragés en Suisse.

Afin d’éviter les récidives, l’aumônier indien plaide pour la mise en place d’une confrontation directe entre l’auteur et sa victime. «Ce n’est que lorsque tous les acteurs impliqués traitent les uns avec les autres que tout peut vraiment être résolu. Cette méthode est appelée ‘justice réparatrice'». La question de savoir si et comment cela peut être mis en œuvre reste toutefois ouverte pour le moment.

Placido Rebelo est membre de la Commission internationale de la pastorale catholique des prisons (ICCPPC) pour la Suisse. Il a étudié les sciences politiques à l’Université de Mumbai et l’exégèse biblique à l’Institut biblique pontifical de Rome. (cath.ch/kath/ak/rz)

Rédaction

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