«Pour mieux comprendre Jésus, il faut se plonger dans son monde»

Avec Jésus et son monde, le Père Ludovic Nobel propose de suivre Jésus selon une triple approche: historique, religieuse et géographique. Les pèlerinages qu’il a conduits en Terre Sainte et les cours de Nouveau Testament qu’il dispense à l’Université de Fribourg sont à l’origine de ce nouvel ouvrage paru chez Cerf en 2020.

Qu’est-ce que «Jésus et son monde», en deux mots?
Ludovic Nobel: Ce livre présente le monde dans lequel Jésus a vécu, avec cette idée que, pour bien comprendre Jésus et son message, il faut aussi se plonger dans le monde dans lequel il a vécu. Et donner quelques clés d’accès à ce monde.

Qu’est-ce que votre ouvrage apporte de nouveau?
Ce n’est pas une thèse de doctorat. Il ne va pas apporter quelque chose de nouveau à la recherche. Mais c’est son approche qui fait son originalité, puisqu’il vise plutôt un public laïc. Ce n’est pas une biographie de plus sur Jésus. Le livre essaye d’éclairer la lecture des évangiles et du Nouveau Testament en trois étapes: par le contexte historique, l’éclairage religieux et l’itinéraire géographique.

Sans dévoiler toute votre publication, pouvez-vous décrire ces différents axes?
Jésus a vécu dans un monde donné, la Palestine, qui à l’époque est dominée par l’Empire romain et liée fortement à la dynastie des Hérodes. La première partie est un éclairage historique, car si l’on veut bien comprendre le message Jésus, il faut se replonger dans ce contexte historique.

De plus, il faut tenir compte des religions qui existent à l’époque. Il y a la religion romaine, les religions à mystères, venant de Grèce, en concurrence avec le judaïsme et le christianisme par la suite. Le judaïsme, qui est la religion de Jésus, est la religion dominante et très présente dans les évangiles. En deuxième partie, c’est donc un éclairage religieux.

Et la troisième partie est plutôt géographique?
C’est un voyage géographique de la vie de Jésus. J’emmène le lecteur à suivre la trame d’un évangile. Nous pouvons lire l’évangile de Luc ou de Matthieu, puisque ce sont des évangiles qui parlent de la naissance de Jésus. En partant de Bethléem, nous allons au Jourdain. Après le désert, lieu des tentations, nous partons pour la Galilée, au bord du lac. Puis nous montons en Judée, en passant par la Samarie, jusqu’à Jérusalem.

«A la suite de Jésus, nous découvrons son pays avec lui et revivons les rencontres qu’il a faites».

Père Ludovic Nobel

Nous suivons la trame des Synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), en quatre temps. A la suite de Jésus, nous découvrons son pays avec lui. Nous revivons des rencontres qu’il a faites et recevons des éclairages sur ces différentes régions, les pratiques, les coutumes des peuples qu’il a rencontrés, des protagonistes bibliques, ainsi de suite.

Éditions du Cerf, 2020

Le lecteur non averti n’est-il pas tout de même perdu avec tous ces termes?
Pour faciliter l’approche, je donne beaucoup d’importance au lexique, en fin de livre, qui peut être lu séparément et par ordre alphabétique (par ex. Hérode, Sadducéen, etc.). Il y a également des plans chronologiques. Ils couvrent la période de 164 av. JC jusqu’à 70 ap. JC., qui correspond au milieu biblique du Nouveau Testament. Le milieu dans lequel Jésus a grandi.

Pourquoi avoir écrit cet ouvrage?
Ce livre est le fruit de deux expériences de ma vie. L’enseignement à l’Université de Fribourg, où je dispense un cours de «Milieu biblique» du Nouveau Testament, qui propose de faire découvrir le monde de Jésus aux étudiants. Ainsi que de mes voyages en Terre Sainte, comme accompagnateur, depuis 10 ans, à raison de deux fois par an. J’ai guidé environ 25 groupes jusqu’ici.

Ce sont ces expériences qui ont nourri votre livre?
Une grande partie de la matière a effectivement été puisée à partir de cours que j’avais préparés et de la documentation à disposition pour les pèlerinages organisés. Il y a un tas de documents que j’avais déjà depuis plusieurs années sur le sujet. Et quand j’ai été contacté par les Éditions du Cerf, c’est ce sujet que j’ai choisi, car il peut être utile pour les étudiants et pour les pèlerins. En commençant sa rédaction en juin 2019, le manuscrit a été réalisé sur une année, à côté d’autres projets.

Père Ludovic Nobel, enseignant de Nouveau Testament à l’Université de Fribourg | © Grégory Roth

Quel est le public visé?
Son contenu s’adresse à des gens qui sont intéressés à aller en Terre Sainte. A ceux qui veulent mieux comprendre les évangiles qu’ils lisent et proclament dans la liturgie de tous les jours, ou qui, de retour de Terre Sainte, veulent approfondir ce qu’ils ont vu. Les étudiants peuvent préparer leur cours en lisant ce livre, de même que les pèlerins qui préparent leur voyage.

«C’est en Terre Sainte que nous pouvons faire connaître et aimer le pays de Jésus».

Père Ludovic Nobel

Dans le Nouveau Testament, il y a beaucoup de termes employés, dont on ne sait pas à quoi ils renvoient. L’idée de ce livre est d’en éclairer la lecture. En lisant ce livre, le Nouveau Testament – que l’on lit au quotidien, ou à l’occasion d’une liturgie, ou même sur place en Terre Sainte lors d’un voyage – deviendra plus accessible.

Bien que beaucoup de pèlerinages aient été annulés cette année, en quoi ceux que vous accompagnez inspirent-ils votre livre?
J’ai eu l’occasion de voyager dans de nombreux pays. Mais la Terre Sainte, c’est le plus beau. C’est là que les gens sont le plus touchés. Il se passe quelque chose de fort. Et dans le fond, c’est là que nous pouvons faire connaître et aimer ce pays de Jésus. J’ai aussi écrit ce livre pour faire découvrir les richesses et les beautés de cette région.

Ces pèlerinages nourrissent-ils aussi votre ministère de prêtre?
Oui, dès le début, c’était un enrichissement. La parole est beaucoup plus incarnée, depuis que je vais en Terre Sainte. Parce qu’elle est incarnée dans une réalité concrète, dans des paysages, dans des lieux, dans une culture, dans des personnes. Là-bas, nous sommes dans une mentalité orientale, qui a certes évolué, mais qui est toujours là et que nous ne pouvons comprendre et connaître que lorsque nous sommes sur place.

«Bethléem, ce n’est pas un chalet en bois dans un paysage autrichien».

Père Ludovic Nobel

Le christianisme occidental a-t-il dénaturé ses origines?
Je pense que, de par notre formation religieuse, la catéchèse, notre enfance, etc., il y a tout un tas d’images liées aux évangiles qui sont idéalisées, nostalgiques et qui nous éloignent de la réalité. Bethléem n’est pas un chalet en bois dans un paysage autrichien, mais plutôt une ville grouillante et pas toujours aussi propre que chez nous. Cet évangile que nous allons proclamer sur place prend une toute autre dimension et devient beaucoup plus concret. Il s’imprègne beaucoup mieux en nous.

Un exemple concret?
Les pèlerinages en Terre Sainte ont souvent lieu en octobre. Lorsque nous allons au mont des Béatitudes, nous expliquons le sermon sur la montagne (Mt 5-7) et nous le lisons sur place. De retour en Suisse, les pèlerins vont à la messe à la Toussaint et entendront ce même passage de l’Evangile. A ce moment-là, la Parole prend une toute autre couleur. Elle s’incarne. (cath.ch/gr)

> Père Ludovic Nobel, Jésus et son monde. Ed. du Cerf, 2020

Le parcours de Ludovic Nobel
Né en 1978, Ludovic Nobel grandit à Estavayer-le-Lac, dans le canton de Fribourg.
En 1998, il entre au séminaire diocésain de Lausanne, Genève et Fribourg, et commence des études de théologie. Licencié en théologie en 2003, il est ordonné prêtre en mai 2005, à Estavayer-le-Lac. A l’automne 2007, après deux années de ministère en Singine, il reprend des études en vue d’un doctorat à l’Université de Fribourg, tout en gardant des activités pastorales. En 2006, il devient membre de la Société missionnaire de Bethléem (SMB).
Depuis 2009, le Père Ludovic Nobel anime des pèlerinages, dans le cadre des PBR (Pèlerinages bibliques romands). En avril 2010, il est nommé recteur du sanctuaire de Bourguillon. Depuis 2013, il reçoit le titre de lecteur à l’Université de Fribourg. Depuis 2018, il siège au conseil général de la Société missionnaire de Bethléem, basée à Immensee (SZ). A l’été 2020, son mandat de recteur à la Notre-Dame de Bourguillon s’achève. Il reprend alors un ministère pastoral au service des paroisses germanophones de la ville de Fribourg et environs. GR

Grégory Roth

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