Vaud: l’Église réformée accompagne enfin les grossesses endeuillées

Avortement, fausse couche, perte d’un bébé… face à ce type de souffrance, un accompagnement spirituel et non confessionnel vient d’être créé dans le canton de Vaud. À la tête du projet, baptisé «Des étoiles dans le cœur», quatre femmes qui ont elles-mêmes vécu ces situations: deux diacres, une pasteure et une laïque engagées dans l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV).

Marie Destraz, Protestinfo

En Suisse romande, le deuil périnatal est une réalité reconnue et investie. Entre les accompagnements thérapeutiques ou médicaux, ainsi que les associations, il y a de quoi faire, mais il manquait encore une approche spirituelle. «Ces expériences remettent en question certains de nos fondamentaux et posent des questions de sens. Lorsque j’ai appris que je ne pouvais pas avoir d’enfant, mon estime de moi en a pris un coup. Si je n’étais pas capable de mettre au monde un enfant, de quoi étais-je capable?», livre la diacre Liliane Rudaz, une des membre du projet «Des étoiles dans le cœur«.

Ministres démunis

«Un accompagnement psychologique ne suffit pas toujours, car ces expériences bousculent les personnes dans leur parcours spirituel et de foi, explique la théologienne genevoise Élise Cairus. Il y a la nécessité de se réconcilier avec soi-même et, pour certains, avec un Dieu qu’ils ne comprennent plus.» En 2019, elle a publié sa thèse sur l’accompagnement spirituel des grossesses chaotiques, constatant que la théologie ne s’est jamais emparée de cette thématique et que les ministres sont démunis. «Les Églises accompagnent toutes les étapes de la vie, alors pourquoi pas les naissances et les grossesses, qui sont aussi des passages?»

Elle note que, aujourd’hui encore, la question reste marginale. «Parce qu’il faut faire avec l’héritage patriarcal de l’Église et une culpabilité ancrée dans l’inconscient collectif s’agissant de ce sujet, sans compter que le deuil périnatal ne fait pas partie des sujets ‘en vogue’ dans la société actuelle.» Autant de raisons qui ont poussé la théologienne à donner plusieurs formations sur l’accompagnement spirituel des grossesses et naissances difficiles. Pour les initiatrices du projet «Des étoiles dans le cœur», ces cours ont été le déclic pour créer un nouvel espace qui donne droit à la douleur et à l’expression de la souffrance.

«Nous ne sommes pas là pour influencer, mais plutôt pour permettre la prise de distance face à la situation vécue»

Liliane Rudaz, diacre

Depuis début octobre, elles sont non seulement devant le clavier pour relever la boîte mail mise à disposition et y répondre sous 24 heures, mais également au bout du fil. «Notre ligne téléphonique permettra de répondre aux urgences, qu’il s’agisse d’offrir une écoute et une présence lors de la prise de décision, ou pour répondre à des questions très pratiques, par exemple s’agissant de l’inscription de l’enfant mort-né au registre de l’état civil. Nous ne sommes pas là pour influencer, mais plutôt pour permettre la prise de distance face à la situation vécue», explique Liliane Rudaz. Elle précise que le groupe travaillera en réseau, notamment avec des associations et l’aumônerie du CHUV. En parallèle, un accompagnement du deuil est proposé, avec notamment la mise en place de groupes de parole.

Faire exister le deuil

«La différence avec un deuil classique réside dans le fait que la naissance n’a pas eu lieu. Il y a donc peu d’éléments auxquels se raccrocher. Il est alors essentiel de pouvoir donner une place à cet événement», explique Liliane Rudaz. En cela, la diacre estime que l’Église peut être créative et proposer au couple et à la famille des moments particuliers sur mesure pour traverser et surmonter ce deuil.

«Il y a une grande solitude. Il est souvent difficile d’en parler, surtout si les trois premiers mois de grossesse ne sont pas passés, et que donc la grossesse n’était pas encore annoncée, de faire comprendre sa souffrance et parfois de trouver de la compassion en retour», observe Sylviane Badoux, également impliquée dans le projet après avoir vécu plusieurs fausses couches. Liliane Rudaz observe à quel point le sujet peut alors se transformer en tabou. «Depuis que nous parlons de notre projet, des femmes, souvent âgées, nous approchent, et partagent avec émotion leur expérience pour la première fois.» (cath.ch/prostestinfo/md/gr)

Rédaction

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