Rupert Mayer, 'l'apôtre de Munich', est décédé il y 75 ans

Le 1er novembre 1945 décédait le jésuite allemand Rupert Mayer. Ancien étudiant de l’Université de Fribourg, doté d’une fibre sociale entreprenante, il fut à Munich un opposant coriace au nazisme, ce qui lui valut notamment d’être envoyé en camp de concentration. Il a été béatifié en 1987.

Toussaint 1945 à Munich. La capitale bavaroise se relève difficilement des ravages de la Deuxième Guerre mondiale. En l’église jésuite Saint-Michel, le Père Rupert Mayer prononce l’homélie. Ce sera la dernière. Il est victime d’une hémorragie cérébrale. Il décède quelques heures plus tard, à l’âge de 69 ans. Un choc immense pour la population. « Même dans la mort, il est resté debout », admirent les Munichois, en référence à la prothèse de la jambe qui l’a maintenu, après son attaque.

Dans un premier temps, Rupert Mayer sera enterré dans le cimetière jésuite de Pullach, proche de la ville. Mais devant l’affluence des pèlerins, ses restes retournent à Munich, le 23 mai 1948. Un retour triomphal, accompagné par 300’000 personnes. Désormais ce héraut de l’antinazisme repose dans la crypte de l’église de la congrégation mariale, la Bürgersaalkirche.

Célébrations à la gare

Le 3 mai 1987, Rupert Mayer sera béatifié par le pape Jean Paul II au Stade olympique de Munich. Ce dernier reprend alors les paroles du religieux : «L’époque actuelle est un rappel terriblement grave pour les peuples de la terre à revenir à Dieu. Cela ne va pas sans Dieu !».

Aujourd’hui encore, l’aura du bienheureux n’a pas pâli. Chaque semaine, une messe est célébrée pour hâter la canonisation de ‘l’apôtre de Munich’. Homme engagé, considéré comme la voix des catholiques, Rupert Mayer organisa notamment, dès 1925, des ‘célébrations à la gare’ (Bahnhofsgottesdienste). Un geste novateur, typique de la pastorale originale du jésuite. Des milliers de personnes y participaient, jusqu’à leur interdiction par les nazis en 1935. Car le Père Mayer a toujours eu la préoccupation des familles.

La tombe du Père Rupert Mayer (1876-1945) dans la Bürgersaalkirche, au cœur de Munich © Bernard Litzler

Idéologie dangereuse

Soucieux de la présence chrétienne dans le champ social, le jeune jésuite se distingue d’abord, après sa formation théologique (dont une partie effectuée à Fribourg, voir encadré), dans l’animation de missions populaires. A Munich, le cardinal Michael von Faulhaber lui confie la direction spirituelle de la congrégation mariale des hommes. Mais le rayon d’action de Rupert Mayer dépasse ce cadre. Dans ses sermons, il condamne la haine de classe et la haine raciale après les bouleversements sociaux de l’époque. Et la population l’apprécie comme pasteur engagé dans la lutte contre la misère sociale.

Par ailleurs, Rupert Mayer fréquente les meetings politiques. Dans la tumultueuse Allemagne de l’entre-deux guerres, il voit émerger le national-socialisme. Il en réfute vigoureusement les erreurs. Engagé souvent dans des discussions houleuses avec les séides du nazisme, il perçoit les méfaits d’une idéologie dangereuse. Il qualifie Adolf Hitler d’» hystérique de la pire espèce », constatant que ce brillant orateur est peu soucieux de vérité. Et une évidence s’impose chez lui : un chrétien ne peut pas et ne doit pas devenir nazi.

Eglise jésuite Saint-Michel à Munich: Rupert Mayer y prêcha, fustigeant la montée du nazisme ¦© Bernard Litzler

Attaques contre le gouvernement

A Munich, tremplin de l’ascension du Führer, le Père Mayer est mal vu. Quand Hitler arrive au pouvoir en 1933, il subit les pressions du parti nazi. Dès 1935, ses sermons sont écoutés par la police. Il est espionné et suivi. En 1936, on lui interdit de prêcher, sauf dans l’église Saint-Michel. Il résiste, passe outre. Résultat : il est condamné, en juin 1937, à six mois de prison pour attaques contre le gouvernement. Mais ses supérieurs le soutiennent.

En janvier 1938, l’intrépide religieux est à nouveau arrêté. Il est détenu à Landsberg, près de Leipzig. Une troisième arrestation comme conspirateur lui vaut même, en novembre 1939, d’être expédié au camp de concentration d’Oranienbourg, près de Berlin. De sa cellule, Rupert Mayer écrit à sa mère : « Maintenant je n’ai vraiment rien et personne d’autre que le bon Dieu. Et cela me suffit, largement… ».

Exil forcé

L’étape suivante sera plus pénible. Les nazis veulent éviter de faire de lui un martyr. Car Rupert Mayer est un héros de la Première Guerre mondiale, qu’il a vécue au front et dont il est revenu décoré, mais amputé de la jambe gauche. En 1940, le bouillant jésuite est envoyé à l’abbaye bénédictine d’Ettal, en Haute-Bavière. Tout contact avec le monde extérieur lui est alors interdit, sauf avec sa famille proche. Cet exil forcé pèsera sur sa santé. Après la Libération, il peut regagner Munich.

Aujourd’hui, sa personnalité et sa pensée continuent de rayonner à travers divers mouvements : la société Rupert Mayer, une Fondation qui porte son nom ainsi que le Cartell-Rupert-Mayer qui diffuse sa pensée. Biographies et films sur l» apôtre de Munich » rappellent, en outre, son action. Et la crypte de la Bürgersaalkirche, à quelques pas de l’église Saint-Michel, ne désemplit pas, en hommage à un homme qui sauva l’honneur moral des Allemands. (cath.ch/bl)

Etudiant à Fribourg, Rupert Mayer en fut diplômé en 1985 ¦© Bernard Litzler


Rupert Mayer à Fribourg

Le Père Rupert Mayer étudia la théologie à Fribourg en 1894 et 1895. Il fit partie à l’époque de la société d’étudiants Teutonia et a gardé des contacts avec Fribourg bien au-delà de son séjour dans la ville des Zähringen.

En 1987, une exposition en hommage à l’ancien étudiant a été organisée pour présenter les moments de sa vie et ses prédications courageuses contre le nazisme.

Une plaque dans le hall d’entrée de l’Université Miséricorde commémore le passage de Rupert Mayer à Fribourg. Elle porte l’inscription latine Vir fidelis in tempore infideli (un homme fidèle dans des temps infidèles). BL







La vie de Rupert Mayer en bref:
23 janvier 1876 : naissance à Stuttgart
1899 : ordination sacerdotale, puis entrée chez les jésuites
1912 : nomination à Munich pour venir en aide aux migrants venus de la campagne
1914 : engagement volontaire comme infirmier et aumônier dans l’armée allemande. Grave blessure sur le front de Roumanie et amputation de la jambe. Il est décoré de la croix de fer.
1921 : directeur de la congrégation mariale des hommes à Munich
1923 : déclaration publique : le catholicisme est incompatible avec le nazisme
1936 : il est interdit d’homélie à l’église Saint-Michel par le régime nazi
fin 1939 : internement au camp de concentration d’Oranienburg : c’est sa troisième arrestation. Il est exilé à l’abbaye d’Ettal (Bavière), pendant la guerre.
1er novembre 1945 : décès à Munich

Bernard Litzler

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