Célibat des prêtres: Paul VI et François, même combat?

Comme le pape François, son prédécesseur saint Paul VI a dû répondre à la problématique du manque de prêtres et a choisi d’écarter la solution des viri probati, rapporte le Père Leonardo Sapienza, régent de la Préfecture de la Maison pontificale, dans un article paru dans L’Osservatore Romano le 17 novembre 2020. Sollicité par un évêque hollandais en 1970, le saint pontife lui avait déclaré qu’il préférait «être mort ou démissionné» plutôt que de remettre en question le célibat des prêtres dans le rite latin, une phrase reprise à son compte par le pape François 49 ans plus tard.

Dans l’avion du retour de Panama en janvier 2019, le pape François avait pris position sur la question du célibat sacerdotal en citant une phrase qu’il savait avoir été prononcée par son prédécesseur le pape Paul VI: «Je préfère donner ma vie avant de changer la loi du célibat». Le pape argentin avait rendu hommage au saint pontife pour cette «phrase courageuse», prononcée selon lui à un moment «plus difficile que celui [vécu par l’Église catholique] actuellement».

Le Père Sapienza a retrouvé le contexte originel dans lequel le pape Paul VI a prononcé cette phrase: il s’agit d’une audience lors de laquelle l’Italien avait reçu le cardinal Bernard Alfrink, archevêque d’Utrecht (Pays-Bas), le 11 juillet 1970. Le 10 juillet, à l’issue d’une première rencontre, la discussion entre les deux hommes s’était déjà portée sur la question du célibat des prêtres, obligeant le pontife à demander à l’archevêque hollandais de revenir. C’est à cette occasion, que le cardinal Alfrink avait évoqué l’opportunité de l’ordination de viri probati (hommes mariés reconnus dans leur communauté, qui pourraient accéder au sacerdoce). Le compte-rendu de l’audience, dans un style très hachuré, rapporte la réponse du successeur de Pierre de cette façon: «Pensez-vous, Votre Éminence, qu’une telle loi de l’Église puisse être acceptée? Ou bien qu’on dira ‘Vous pouvez être marié et être un bon prêtre?’ Je préfère être mort ou démissionné».

La crise du sacerdoce aux Pays-Bas

À l’époque, l’Église catholique en Hollande rencontrait une grande crise des vocations et subissait de nombreuses défections au sein de son clergé. Craignant grandement de se retrouver avec trop peu de prêtres, la Conférence des évêques des Pays-Bas, après s’être concertée, décida d’envoyer à Rome le primat de Hollande avec pour mission de demander de l’aide au pape.

Dans une précédente lettre sur le «sacré célibat ecclésiastique» Paul VI se montrait critique face aux évolutions envisagées par certains membres de l’Église catholique en Hollande mais consentaient à ce que leurs propositions soient «examinées» par lui. La discussion entre Paul VI et le cardinal Alfrink, animée et courtoise, montre cependant que le pontife souhaitait guider son hôte vers une autre solution.

«Il n’y a plus de candidats au sacerdoce», avait expliqué le Hollandais au pontife au début de l’audience privée, présentant une nouvelle fois sa proposition d’ouverture aux personnes mariées. Paul VI lui avait rétorqué que le risque était que cela nuise au célibat, car la pratique, selon le pontife, «se répandrait immédiatement». En acceptant cette solution, il aurait l’impression de «trahir» l’Église.

Pour un apostolat laïc

Pour le cardinal Alfrink, «laisser l’Église sans prêtres est un grand ‘malheur’» qui demandait une réponse. Le Hollandais avait alors proposé d’ordonner des prêtres «uxorates», c’est-à-dire des prêtres mariés à la manière des rites orientaux.

Le pape s’y était une nouvelle fois opposé, affirmant qu’il n’aurait «pas la conscience tranquille» en prenant une telle décision, car elle introduisait selon lui dans l’Église catholique «une décadence dont on ne guérit plus». Il encouragea plutôt la mise en place d’un «apostolat laïc».

Autre refus du pape : le retour au sacerdoce pour des prêtres qui se sont mariés. Selon Paul VI, c’était tout simplement «impossible», affirmant que les prêtres qui poussaient sur ce point se faisaient «des illusions».

«Je pense la même chose que saint Paul VI»

49 ans plus tard le pape François a pris approximativement à son compte la citation. Il affirme avoir pris connaissance de cet échange, rapporte le Père Sapienza dans son article. L’actuel pontife lui a répondu par une courte note écrite: «Je pense la même chose que saint Paul VI, à une seule différence près: il est saint». L’évêque de Rome, avec une pointe d’humour dont il a le secret, a mis en garde le Père Sapienza: «Ne pense même pas à te marier».

Une réelle proximité entre François et Paul VI apparaît dans leur façon d’envisager deux situations de crise similaires – la première aux Pays-Bas dans les années 1970, la seconde en Amazonie en 2019. À noter que l’un comme l’autre privilégient la voie synodale pour traiter une pareille situation – même si seul François l’a employée effectivement.

On peut enfin observer que les deux hommes privilégient le dialogue et laissent donc sans crainte s’exprimer les arguments divergents, même si personnellement, tous les deux s’opposent sans ambiguïté à une remise en cause du célibat sacerdotal. Et les deux pontifes refusent avec la même énergie les solutions «cléricales» qu’on lui soumet, mettant en avant le rôle spécifique que devrait jouer, selon eux, un apostolat laïc. (cath.ch/imedia/cd/rz)

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