Mohammad Yunus: «L’être humain est l’espèce la plus menacée»

«L’être humain est l’espèce la plus menacée sur cette planète», a déclaré l’économiste et entrepreneur social bangladais Mohammad Yunus, prix Nobel de la Paix 2006. Il s’exprimait lors d’une table ronde organisée à l’occasion de l’événement «The Economy of Francesco», le 20 novembre 2020 à Assise, mettant en cause la recherche systématique de la maximisation des profits.

Lors d’une table ronde virtuelle – «Finance et Humanité : un chemin vers une écologie intégrale» – l’économiste Mohammad Yunus a échangé avec quatre jeunes à l’occasion du congrès «The Economy of Francesco». Le théoricien du micro-crédit a vivement critiqué le système financier actuel et appelé à une reconcentration rapide des objectifs du secteur économique vers le bien commun.

«Notre société a conçu un système qui rend des entreprises «durables» – durables dans un sens étroit – mais au dépens du reste du monde», a déclaré le Bengali. En conséquence, «l’être humain est l’espèce la plus menacée sur cette planète […] nous sommes sur le point de nous éliminer», a-t-il averti.

La finance devrait viser à proposer une société durable dans un sens global. À l’origine, la finance consistait à lier tous les secteurs pour faciliter les échanges, a expliqué l’économiste, mais progressivement, elle est allée dans une très mauvaise direction «qui a conduit uniquement à rendre des gens de plus en plus riches. Elle a été utilisée comme un outil servant à la concentration des richesses», a-t-il affirmé.

La pandémie, révélatrice des failles de la finance

L’inventeur du micro-crédit a souligné qu’aujourd’hui 1% de la population mondiale possède 99% des richesses, et que «c’est la façon dont nous avons conçu la finance qui est responsable de cet état des choses». La pandémie est une bonne occasion pour analyser notre monde, a énoncé Mohammad Yunus, et en révéler toute la laideur.

La maximisation des profits est actuellement la seule religion, et c’est sur cette base, dénoncée par le professeur Yunus, qu’est aujourd’hui traitée la question du vaccin contre le coronavirus. Les entreprises pharmaceutiques sont en compétition pour des super-profits, souligne-t-il. Selon lui, elles le produisent de façon à ce que «seuls les pays riches puissent l’acheter… et les pays riches les achètent en très grand nombre», parfois beaucoup plus que nécessaire, au détriment des pays pauvres.

Le micro-crédit n’est pas «l’unique» solution

«Le micro-crédit en tant que tel n’est pas la solution aux problèmes», a insisté l’économiste, considérant que ce mécanisme peut aussi servir une logique de maximisation des profits. Il faut que cette solution soit pensée comme un «business social» au service de l’intérêt collectif et donc conçue pour ne pas pouvoir servir un intérêt personnel. Il est possible de concevoir un modèle de financement hybride qui permette d’être tourné vers la recherche du profit personnel et collectif, a-t-il concédé.

«L’être humain n’est pas mû par son seul intérêt propre […] mais, la plupart du temps, par un intérêt commun», a martelé le prix Nobel de la paix. Il a par ailleurs salué le travail du pape François, avec lequel il considère avoir beaucoup de points communs, notamment dans l’attention accordée aux plus pauvres. (cath.ch/imedia/cd/bh)

Bernard Hallet

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