L'esprit de «François» souffle sur le consistoire du 28 novembre

Tirer des enseignements de la composition d’un consistoire est un exercice parfois arbitraire. Néanmoins, à la lumière des neuf portraits des prélats qui deviennent le 28 novembre 2020 cardinaux électeurs, l’agence I.MEDIA propose une lecture d’une promotion qui semble s’inscrire dans l’esprit du Poverello di Assisi. «Consoler les Églises blessées», «placer les périphéries au cœur de l’Église» ou bien encore «réformer la barque de saint Pierre», tels pourraient avoir été les critères de réflexion du pontife argentin dans le choix de ses nouveaux cardinaux.

1- Consoler les Églises blessées

L’élévation au cardinalat de Mgr Wilton Gregory, archevêque de Washington, est sans doute l’une des plus symboliques de ce consistoire. Cela a été souligné: la nomination à 78 ans du premier cardinal afro-américain de l’histoire des États-Unis s’inscrit dans un contexte de grandes tensions dans la société américaine, traversée notamment par des violences raciales. Mais elle intervient également dans un contexte ecclésial laminé par des années de mauvaises gestions des cas d’abus sexuels au sein de l’Église catholique. À la tête de l’ancien archidiocèse de McCarrick, le haut prélat, reconnu pour son intransigeance dans le traitement de ces affaires, est appelé à panser les plaies d’une Église américaine meurtrie par son passé.

Le choix de délivrer la barrette cardinalice à Mgr Celestino Aós Braco, archevêque de Santiago du Chili, est un fait également remarquable au regard de l’histoire récente de cette Église en matière d’abus. En mai 2018, les 34 évêques de la Conférence des évêques de ce pays avaient en effet présenté leur démission au pontife argentin, reconnaissant leur responsabilité collective face aux graves cas d’abus de pouvoir, de conscience et sexuels. Ayant toujours gardé la confiance du pape, Mgr Aós avait quelques mois plus tard été nommé administrateur apostolique de l’archidiocèse de Santiago. «Le maquillage ne suffit pas, nous avons besoin de réformes et de changements profonds», avait-il souligné lors de sa première homélie en tant qu’administrateur, conscient de l’urgence de laver les «crimes absolument injustifiables et absolument intolérables du clergé».

Dans un tout autre registre, la présence dans la liste des nouveaux cardinaux de Mgr Antoine Kambanda, archevêque de Kigali – une première historique pour le Rwanda -, est aussi une manière pour le pape d’encourager une Église fracturée par le drame du génocide à l’audace de la réconciliation. À travers la nomination de ce rescapé du génocide, le pape élève le pardon en vertu cardinale.

2- Placer les périphéries au cœur de l’Église

Le slogan du pape François martelé depuis son arrivée sur le trône de Pierre trouve une manifestation évidente dans le choix de certains nouveaux cardinaux électeurs. On pense d’abord aux périphéries géographiques, avec l’élévation au cardinalat de Mgr Cornelius Sim. Premier prêtre indigène et premier évêque ordonné dans le sultanat de Brunei, il devient le premier cardinal d’un pays où l’islam est pratiqué par 70% de la population et où le catholicisme ne concerne que 20’000 âmes. Le pape François souhaite très probablement s’appuyer sur ce nouveau haut prélat pour mettre en avant des modèles authentiques de dialogue interreligieux.

Et puis il y a les périphéries sociales auxquelles le pontife accorde toute son attention. Beaucoup moins médiatique qu’un cardinal Tagle, le Philippin Mgr José Advincula se voit honoré de la pourpre cardinalice pour sa grande proximité avec les souffrants. En réagissant à sa nomination, l’archevêque de Capiz confiait d’ailleurs humblement qu’elle était une manière d’ouvrir le Collège cardinalice aux personnes les plus pauvres.

Enfin, le choix d’élever le nouvel archevêque de Sienne, Mgr Augosto Paolo Lojudice, dont il est proche, s’inscrit dans cette démarche. Très attentif à la communauté Rom depuis ses années de séminaire, celui qui fut de 2015 à 2019 évêque auxiliaire de la Ville éternelle est un prélat de terrain qui n’a jamais hésité à délaisser les «ors» des palais pour se rendre auprès de familles en difficulté, de jeunes filles esclaves de la prostitution, de personnes de la rue ou encore de migrants et de réfugiés.

3- Réformer la barque de saint Pierre

Il est l’une des chevilles ouvrières de la réforme de la Curie initiée par le pape François. Mgr Marcello Semeraro, évêque d’Albano, sert l’Église depuis le premier mois du pontificat de François en tant que secrétaire du Conseil des cardinaux, fameux cercle de hauts prélats venus des cinq continents qui conseille le pape pour rendre plus transparent, plus harmonieux et plus collégial le fonctionnement de son administration. En le nommant préfet de la Congrégation pour les causes des Saints, après la démission fracassante du cardinal Becciu le 24 septembre dernier, puis en l’élevant au rang de cardinal, le pontife argentin lui renouvelle toute sa confiance.

L’élévation au cardinalat de Mgr Mario Grech peut aussi être perçue comme une volonté du pontife d’encourager le vent de modernité que le prélat maltais de 63 ans semble incarner. Le coauteur d’une lettre pastorale remarquée sur l’accompagnement des personnes divorcées remariées a été choisi comme pro-secrétaire du Synode des évêques en octobre 2019. Récemment, à peine après avoir été nommé «numéro 1» de cette instance qui devra gérer le délicat synode sur la synodalité en 2022, il a lancé une charge sans retenue contre l’attitude de certains clercs et laïcs durant le confinement imposé par la crise sanitaire. Dénonçant sans langue de bois le fait que la crise a révélé un «analphabétisme spirituel» chez certains, il a appelé à tirer les enseignements du coronavirus et à changer les modèles pastoraux.

Enfin, la présence dans ce consistoire du Père Mauro Gambetti, premier franciscain conventuel à recevoir la barrette rouge depuis 1861, révèle peut-être le désir du pontife de voir son Église ressembler davantage à celle du Poverello di Assisi. Le Custode du Sacré-Couvent d’Assise incarne l’esprit de la réforme spirituelle que le pape François, dans la lignée de ses prédécesseurs, entend insuffler. Interrogé par I.MEDIA à la veille de l’arrivée du pape à Assise pour la signature de son encyclique Fratelli tutti, le Père Gambetti avait confié: «Nous sommes au cœur d’un changement d’époque et il faut avoir une vision vers laquelle s’orienter sans quoi ce changement d’époque sera balayé. En nous donnant cette encyclique, Fratelli tutti, le pape nous livre selon moi l’horizon vers lequel l’Église catholique mais aussi l’humanité toute entière doit s’orienter». (cath.ch/imedia/rz)

I.MEDIA

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