Multinationales: une victoire «à la Pyrrhus» pour les opposants

L’initiative «Pour des multinationales responsables» n’a pas obtenu la majorité requise des cantons, le 29 novembre 2020. Malgré cela, Chantal Peyer, de l’œuvre d’entraide protestante Pain pour le prochain (PPP), se réjouit d’une large prise de conscience du peuple suisse concernant les droits humains.

Les principes de l’initiative «Pour des multinationales responsables» ne seront pas inscrits dans la Constitution. Elle demandait que les entreprises ayant leur siège en Suisse puissent rendre des comptes devant les tribunaux du pays en rapport à d’éventuels dommages à l’environnement ou violation des droits humains commis à l’étranger. Le texte a recueilli une majorité des suffrages populaires (50,7%), mais n’a pas pu obtenir la majorité des cantons. Le contre-projet du Conseil fédéral, jugé «insuffisant» par les initiants, entre ainsi automatiquement en vigueur.

Stratégies d’opposition gagnantes?

Chantal Peyer, responsable entreprises et droits humains à PPP, explique que, chez les partisans de l’initiative, la déception ne prédomine pas. «Il est encourageant de constater qu’une majorité des Suisses ont soutenu un texte mettant la dignité humaine avant les impératifs économiques», assure-t-elle à cath.ch. «Le résultat signifie qu’il y a une réelle prise de conscience dans la population».

Chantal Peyer est responsable entreprises et droits humains à PPP | DR

Elle qualifie le rejet de l’initiative de «victoire à la Pyrrhus», pour les opposants au texte. Car ces derniers ne sortent pas forcément renforcés de la bataille. «Les milieux économiques ont joué sur la peur des pertes d’emploi. Ce qui a bien fonctionné en cette période d’incertitude liée à la crise du coronavirus». Elle note aussi l’efficacité de la «stratégie d’intimidation» menée par les adversaires de l’initiative, principalement en Suisse alémanique. Une campagne lancée notamment sur le plan judiciaire, en particulier contre les Eglises de Suisse, qui ont pris parti pour l’initiative.

«Cela a cependant contribué à médiatiser les problèmes des populations qui souffrent à cause des activités des entreprises basées en Suisse», estime Chantal Peyer. Les personnes lésées et les ONG qui travaillent sur place, telles que PPP ou sa partenaire catholique Action de Carême, auront plus de facilité à présent pour défendre leurs droits. Elle assure en tout cas que leur engagement continue.

Un «avant et un après» 29 novembre 2020

En la matière, elle n’espère cependant rien d’un contre-projet qui possède trop de lacunes pour être efficace. «Les ONG vont continuer à travailler sur place, tout en s’engageant au Parlement pour une législation plus contraignante  », assure la responsable de l’œuvre d’entraide protestante.

Elle se réjouit encore une fois que l’initiative ait permis de «réaffirmer les valeurs qui s’efforcent de garder l’humain au centre». Selon elle, la votation, par la large mobilisation citoyenne qu’elle a suscitée, a marqué une évolution du paysage politique. «La population a montré qu’elle ne voulait pas être mise à l’écart des discussions». Une mobilisation qui a eu la particularité de transcender les groupes sociaux et les clivages politiques. En ce sens, elle salue le courageux engagement des Eglises, qui ont «joué un rôle favorable pour réaffirmer que le respect de la dignité humaine est l’affaire de tous, pas seulement d’une petite équipe de décideurs».

Pour Chantal Peyer, il y a donc un «avant et un après» 29 novembre 2020. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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