Rome se souvient du martyre des religieuses assassinées au Salvador

Le martyre de Maura Clarke, Ita Ford, Dorothy Kazel et Jean Donovan, les quatre missionnaires nord-américaines assassinées au Salvador le 2 décembre 1980 par des membres de la Guardia Nacional, a été rappelé au soir du 40e anniversaire de leur mort. Le cardinal Michael Czerny a célébré à Rome une messe de suffrage en leur souvenir.

Le jésuite canadien originaire de Tchécoslovaquie, actuel sous-secrétaire au Vatican de la Section migrants et réfugiés du Dicastère pour le développement humain intégral, connaît bien la situation du Salvador, ce pays d’Amérique centrale ravagé par une guerre civile sanglante entre 1979 et 1992.

Le cardinal Michael Czerny a passé plusieurs années au Salvador après le massacre en 1989 des jésuites de l’Université Centroaméricaine José Simeón Cañas (UCA), une institution dont il est devenu le vice-recteur en 1991, dirigeant également son Institut des droits de l’homme. 

Témoins de l’amour préférentiel pour les pauvres

A l’occasion de cette messe de suffrage, le jésuite a salué la mémoire des quatre missionnaires assassinées au Salvador, des évangélisatrices et d’humbles martyrs au niveau local, relevant leur travail avec les pauvres, les déplacés et les affligés. «EIles ont été les témoins d’un Dieu d’amour, dont l’amour préférentiel est pour les pauvres et les marginaux», a-t-il souligné lors de la messe célébrée à l’Oratoire de Saint François Xavier du Caravita à Rome.

Se souvenant des paroles du pape François, le cardinal canadien a souligné que «les martyrs d’aujourd’hui sont plus nombreux que les martyrs des premiers siècles. Ces chiffres, a-t-il ajouté, témoignent de l’énormité des tâches de foi, d’amour et de justice dans notre monde et, en opposition à celles-ci, les réactions des forces du désespoir et de la violence».

Le matin du 2 décembre 2020, le pape François avait lui aussi rendu hommage aux religieuses nord-américaines martyrisées au Salvador il y a 40 ans.

Au Salvador, un souvenir encore vif du sacrifice des religieuses

Au Salvador, l’Eglise catholique n’a pas oublié le sacrifice de ces religieuses violées et assassinées par cinq membres de la Garde nationale salvadorienne. Les assassins furent reconnus coupables du meurtre des religieuses en 1994 et condamnés à 30 ans de prison. En mars 1998, quatre d’entre eux ont révélé qu’ils avaient agi sur ordre d’un supérieur.

Dans le cimetière de Chalatenango, au nord-ouest du Salvador, où sont enterrées les Sœurs de Maryknoll Ita Ford et Maura Clarke, le cardinal Gregorio Rosa Chavez, évêque auxiliaire de San Salvador, et l’évêque de Chalatenango, Mgr Oswaldo Escobar Aguilar, ont prié sur leurs tombes aux côtés d’un groupe de fidèles.

Département de Chalatenango Monument au massacre de 600 civils sur les rives du Rio Sumpul, le 14 mai de 1980 | Jacques Berset

Au cours de la messe à la cathédrale St-Jean Baptiste de Chalatenango, Mgr Oswaldo Escobar Aguilar a rappelé que c’était aussi le 40ème anniversaire de l’assassinat de Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné par les «escadrons de la mort» d’extrême-droite, le 40ème anniversaire de l’assassinat du franciscain italien Cosme Spessotto, tué pour avoir dénoncé les injustices, et celui du massacre du Rio  Sumpul, où plus de 600 civils, dont beaucoup de fidèles catholiques, ont été tués lors d’une opération conjointe des forces gouvernementales salvadoriennes et honduriennes.

Une longue trace de sang

De 1979 à 1992, ce conflit fit plus de 75’000 morts, dont de nombreuses victimes civiles assassinées par l’armée gouvernementale ou les «escadrons de la mort» liées aux forces armées et à l’oligarchie qui détenait l’immense majorité des richesses dans un des pays les plus inégalitaires du monde.

Salvador Sur le mur de l’église d’El Mozote, les noms des enfants assassinés le 11 décembre 1981 par le bataillon «d’élite» Atlacatl | © Jacques Berset

Les forces armées gouvernementales se sont tristement distingués par des massacres de civils à large échelle, comme celui du Rio Sumpul ou celui d’El Mozote, dans le département de Morazan, à l’est du pays. Un millier de civils, dont plus de 448 enfants de moins de 12 ans, ont été assassinés dans ce village de montagne le 11 décembre 1981 par le Bataillon d’infanterie de réaction immédiate (BIRIA) «Atlacatl».

C’est cette même unité «d’élite» entraînée et armée par les Etats-Unis qui, le 16 novembre 1989, assassinera, en service commandé, sur le campus de l’Université centroaméricaine José Simeón Cañas (UCA) à San Salvador, six prêtres jésuites de l’UCA (cinq Espagnols Ignacio Ellacuría, recteur de l’Université jésuite, Ignacio Martín-Baró, vice-recteur, Segundo Montes, Juan Ramón Moreno, Amando López) et le jésuite salvadorien Joaquín López, ainsi que leur cuisinière Elba Julia Ramos, et sa fille de 16 ans Celina.  (cath.ch/be)

Jacques Berset

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