La lumière qui transfigure les religions 2/6

On prête couramment aux religions la cause de presque toutes les guerres de l’Histoire de l’humanité. A contrario, il est des symboles qui embellissent, enrichissent, voire illuminent un grand nombre de religions. Telle est la Lumière, qui attire l’homme vers son dieu. Eclairage.

Par Grégory Roth

La lumière et son origine céleste lui confèrent un statut surnaturel dans de nombreuses civilisations antiques. Parce qu’elle descend du ciel – domicile des dieux – la lumière est fréquemment associée au divin, ou à son reflet, selon les religions. Il arrive aussi que la signification symbolique attribuée à la lumière solaire soit comparée à la lumière artificielle, comme celle produite par des luminaires. Elle peut enfin être utilisé pour sacraliser l’architecture, en matérialisant la présence divine au sein d’un édifice religieux.

Quasiment toutes les traditions religieuses font allusion à la recherche de la Lumière souvent dotée d’attributs de la divinité. La lumière est créatrice, capable d’illuminer la terre et de transformer l’homme. Cette expérience vitale de la lumière, en opposition aux ténèbres, suit dans toutes les époques les hommes des diverses traditions religieuses et culturelles.

Les religions antiques

Dans l’Égypte antique (14e siècle av. J-C), l’hymne au dieu solaire égyptien Aton débute par ces mots: «Magnifique est ton apparition à l’horizon du ciel, ô Disque solaire vivant qui vécus le premier… tu remplis toute la terre de ta beauté».

Pour le zoroastrisme, la lumière représente le bien. Elle surmonte les ténèbres (le mal) et ouvre à l’homme une vision de sagesse, lui permettant d’accomplir «de bonnes pensées, de bonnes paroles et de bonnes actions», les trois principes fondamentaux du zoroastrisme pour atteindre le bonheur suprême.

Atar, «feu sacré», l’un des symboles du zoroastrisme | Wikimedia – Tinette – CC BY-SA 3.0

Pour cette religion monothéiste, née en Iran au 10-11e siècle av. J.-C., la lumière est symbolisée par le feu sacré, «Atar», qui ne s’éteint jamais. Représenté dans chaque temple, ce feu est consubstantiel au Dieu suprême et unique, Ahura Mazda. Il est, dans une certaine mesure, comparable à l’Esprit-Saint pour les chrétiens, lorsque ceux-ci l’invoquent: «Viens, Esprit-Saint, remplis les cœurs de tes fidèles, allume en eux le feu de ton amour». Ou à la Pentecôte: «Viens Esprit-Saint, et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière […] Viens, lumière des cœurs […] Ô lumière bienheureuse».

L’Écriture sainte comme lumière

Dans l’Islam, le symbolisme de la lumière trouve son origine dans le Coran. Dans le passage appelé «verset de la lumière», dans lequel la lumière est littéralement assimilée à Dieu, et comparée à celle émise par un flambeau.

Le début du verset de la lumière est inscrit en calligraphie arabe au centre du dôme de Sainte-Sophie, à Istanbul | Wikimedia – Brian Jeffery Beggerly – CC BY 2.0

«Dieu est la Lumière des cieux et de la terre. Sa Lumière est à la ressemblance d’un flambeau; le flambeau est dans un récipient de cristal; celui-ci semblerait un astre étincelant; elle est allumée grâce à un arbre béni: un olivier, ni oriental ni occidental, dont l’huile est si limpide qu’elle pourrait éclairer même si nul feu ne la touchait. Lumière sur Lumière. Dieu guide, vers Sa Lumière, qui il veut. Dieu propose aux hommes des paraboles. Dieu connaît toute chose. (Sourate XXIV, 35.)»

Dans la tradition musulmane, la lumière est aussi comprise comme un instrument de la connaissance, voire comme la connaissance elle-même: la lumière permet de ‘voir’ clairement la vérité du monde. Le Coran mentionnent deux des précédents livres saints – la Torah et les Évangiles – qu’il identifie à la lumière. «De la même manière, le Livre donné à Moïse est décrit comme ‘lumière/clarté’, c’est également vrai de la Révélation reçue par le prophète Muḥammad, identifiée à une lumière envoyée par Dieu aux hommes», explique Julie Bonnéric, historienne et archéologue française.

L’illumination orientale

Peinture tibétaine traditionnelle figurant la roue de vie et les rayons du saṃsāra | Wikimedia – Stephen Shephard – CC BY-SA 3.0

Dans le bouddhisme et l’hindouisme, l’homme est prisonnier du cycle des morts et des renaissances (saṃsāra), tant qu’il n’arrive pas à s’en sortir et atteindre la lumière, l’illumination, la libération (nirvāṇa pour le bouddhisme; mokṣa pour l’hindouisme et le jaïnisme; mukti pour le sikhisme), qui est le but final. Toute proportion gardée, une comparaison pourrait être faite dans le christianisme avec la vision béatifique, la vision directe de la Lumière que constitue la Béatitude finale: voir Dieu face à face pour l’éternité.

En 2013, le Dalaï-Lama a publié un ouvrage intitulé La voie de la lumière : toute la sagesse du bouddhisme tibétain. Dans ce livre, il insiste sur l’importance du progrès spirituel. Il précise que les signes deviennent palpables quand l’aspiration à la liberté commence à exercer une influence continue sur l’esprit, de nuit comme de jour.

Le soleil en Amérique précolombienne

En Amérique précolombienne, le soleil a occupé une place importante dans les croyances et les rituels. Chez les Mésoaméricains, il difficile à dire si leur vénération du soleil s’adressait à l’astre visible ou si le soleil n’est que le symbole attribué à un dieu. En outre, leurs dieux solaires sont de jeunes mâles dotés de la vigueur du soleil levant.

Chez les Mayas, le soleil est un symbole du droit divin. Il représente le jour est s’oppose à la nuit, qualifiée de ‘Monde inférieur’. Pour apaiser les dieux et perpétuer le cycle des jours et des nuits, les souverains mayas devaient accomplir des rites, comme celui de faire couler leur sang. Chez les Aztèques, le soleil occupait la place centrale au sein du panthéon. Huitzilopochtli, le soleil au zénith, était le dieu tribal des Aztèques. Par ses oracles, il guidait le «Peuple du soleil» dans ses pérégrinations. Leur mission était de repousser à jamais l’assaut du néant en procurant au soleil (et à d’autres dieux) la nourriture par excellence, le sang humain. D’où des conquêtes et des guerres destinées à s’approvisionner en prisonniers à sacrifier.

La lumière du soleil illumine la mystérieuse cité Machu Picchu, au Pérou | Pxhere.com

Quant aux Incas, ils furent de tous les peuples précolombiens ceux qui accordèrent la plus grande place au soleil. Les récits sur leurs origines les présentent comme les «fils du Soleil" (Inti). La mythologie inca fait du soleil le dieu suprême. Par analogie, les Incas sont au sommet de la hiérarchie sociale et leur peuple domine les autres. Ils ont ainsi créé une religion impériale axée sur les cultes du soleil et des morts. Leurs momies étaient exhibées à certaines fêtes, notamment dans le temple du Soleil, à Cusco (Pérou), le lieu sacré de l’empire des incas. A l’arrivée des Espagnols, le temple fut rasé et pillé de fond en comble. Il ne resta que les fondations qui, peu après, servirent d’assise à la construction de l’église et du couvent Santo Domingo.

De Maître de lumière et Lumière du monde

Les courants spirituels contemporains, comme le New Age, font souvent recours à des entités spirituelles – comme des anges, «guides de lumière» – et des entités issues d’autres plans de conscience – des «Maîtres de Lumière», comparables aux divinités hindous ou aux bouddhas. Dans ce dernier registre, la représentation populaire du Christ est parfois utilisée, mais plutôt dans un rôle de «principe» ou d'»énergie», et non véritablement d’une personne.

Dans le judaïsme et le christianisme, la première parole divine est une formule parfaite de création: «Que la lumière soit. Et la lumière fut». Grâce à la lumière, le temps est posé. C’est l’alternance jour-nuit (Gn 1, 1-4). Et dans le Nouveau Testament, le Christ, en venant en ce monde, témoigne du «Père des Lumières» (Jc 1, 17) et «illumine tout homme» (Jn 1, 9). Jésus le dit à plusieurs reprises: «Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie» (Jn 8, 12). (cath.ch/gr)

Transfiguration. Mosaïque de la chapelle du mausolée St jean Paul II, à Washington. (Photo: Flickr/LawrenceOP/CC BY-NC-ND 2.0).

Grégory Roth

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