Le prédicateur de la Maison pontificale a critiqué le « sécularisme » moderne à l’origine de « l’élimination radicale de l’horizon de l’éternité » et a encouragé les chrétiens à « retrouver la foi dans l’au-delà ».
Après avoir médité lors de sa précédente catéchèse sur le mystère de la mort à l’aune de la pandémie, le cardinal Cantalamessa a réfléchi sur le second enseignement de la Covid-19, à savoir « la précarité et la fugacité des choses d’ici-bas ». À ce titre, il a rappelé les mots du pape François lors de sa bénédiction Urbi et orbi, le 27 mars 2020, à propos de la crise sanitaire: « La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités ».
« Nous avons perdu de vue l’éternité », a regretté le prédicateur de la Maison pontificale. Le mot « éternité » lui-même « est tombé dans l’oubli et dans le silence »: même si nous « continuons de répéter dans le Credo que nous croyons à la vie éternelle », nous ne méditons jamais suffisamment sur ces paroles.
Le cardinal a identifié cette disparition de l’éternité comme horizon du chrétien avec l’avènement de l’athéisme et de la sécularisation à l’œuvre depuis le 19e siècle en particulier. « L’athéisme s’exprime comme la négation de l’existence d’un créateur du monde », a-t-il affirmé. Au 19e siècle, elle prend la forme d’une « négation d’un au-delà ».
Comme lors de sa précédente méditation, le prédicateur convoque les penseurs qui ont précipité l’athéisme et les place devant leurs responsabilités. Hegel avait affirmé que « les chrétiens déversaient au Ciel les énergies destinées à la Terre » et leurs « attentes déçues ». De même, les philosophes Feuerbach et Marx combattent toute croyance dans une vie après la mort, croyance qui est une forme d’aliénation comme une autre selon eux.
Cette « ère du soupçon » qui plane sur la vie éternelle a précipité la sécularisation du 20è siècle, selon le haut prélat italien. Cette sécularisation recouvre deux sens: certes, elle impose une stricte séparation entre « le règne de César et celui de Dieu », séparation qui trouve d’ailleurs son fondement dans l’Évangile. Mais on peut aussi la comprendre comme une posture hostile à l’égale de la religion et de la vie éternelle. Dans ce cas, le cardinal Cantalamessa préfère parler de « sécularisme ».
Les chrétiens, remarque le cardinal, ont encore une « foi timide et réticente » au sujet de l’éternité. « Quand avons-nous entendu une prédication sur l’éternité pour la dernière fois? », interroge-t-il. Or « la disparition de l’horizon de l’éternité a sur la foi chrétienne l’effet qu’a le sable jeté sur une flamme: elle l’éteint, elle la suffoque ». Il a ainsi cité saint Augustin : « À quoi sert de bien vivre si l’on ne vit pas pour l’éternité? »
La foi en la vie éternelle constitue l’une des conditions de possibilité de l’évangélisation, fait remarque le haut prélat. « Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication n’a plus de contenu, et votre foi est sans objet », écrit saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens (1 Co 15:14). L’Évangile affirme que, de même que nous sommes des êtres finis capables de l’infinité, selon la formule des scolastiques, de même « nous sommes des êtres mortels capables de l’éternité ».
En plus d’être le fondement de l’évangélisation, la croyance dans la vie éternelle offre un « nouvel élan à notre chemin de sanctification », poursuit le cardinal. Il faut « dissiper un doute qui pèse sur la vie éternelle » : elle n’est pas seulement une « promesse » mais aussi une « présence » et une « expérience ». Dans le Christ, « la vie éternelle s’est rendue visible », « l’éternité a fait irruption dans le temps ». Ainsi, conclut le cardinal, chaque fois que nous communions, que nous écoutons les paroles de l’Évangile, nous participons à cette vie divine qui nous attend dans l’éternité.
En définitive, le prédicateur invite les chrétiens à « retrouver la foi d’un saint Bernard ou d’un saint Ignace » qui répétaient devant toute chose : « qu’est-ce que cela devant l’éternité ? » (« quid hoc ad aeternitatem ? »). « Nous ne méritons peut-être pas cette vie dans l’au-delà, mais nous en avons besoin », conclut le cardinal Cantalamessa, avec les mots de Miguel de Unanumo. (cath.ch/imedia/at/mp)
Maurice Page
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