Et la lumière fut… avant le soleil 4/6

Selon la Bible, la lumière a été la première chose créée par Dieu. Bien avant, même, le soleil. Des intuitions des anciens Hébreux corroborées aujourd’hui par la science, qui nous renseignent aussi sur la façon dont Dieu manifeste Sa Création.

Par Raphaël Zbinden

«Parmi tous les textes de l’Antiquité arrivés jusqu’à nous, seule la Bible des Hébreux raconte que le soleil a été créé bien après la lumière dans l’univers», souligne Brunor. Le bédéiste français est un fin connaisseur de la Bible. Mais également un passionné de science. Par son art, il tente de bâtir des ponts entre ces deux mondes qui semblent de prime abord n’avoir rien en commun. Il est persuadé que l’ouvrage millénaire n’est pas qu’un récit mythologique, mais qu’il contient des informations cruciales sur la nature de l’homme et de l’univers, car elles sont vérifiables. Des réflexions dont certaines ont été mises en dessin dans sa série Les Indices-pensables, dont le onzième tome est paru en août 2020.

La preuve d’un «Fiat lux»?

Le thème de la lumière, omniprésent dans la Bible, ne pouvait donc qu’être attiré dans l’orbite du «dessinateur-théologien». Ce phénomène physique est déjà mentionné au tout début de l’ouvrage, lorsque, en vue de créer le ciel et la terre, Dieu dit: «Que la lumière soit». Et la lumière fut (Genèse, 03).

Brunor est l’auteur de la série «Les Indices-pensables» | © Raphaël Zbinden

Cette idée hébraïque d’un commencement de l’univers a été souvent raillée au cours de l’histoire, explique Brunor à cath.ch. La majorité des philosophes grecs estimaient que l’univers était éternel, qu’il avait toujours existé et existerait toujours. Pas de place donc, pour une création et un Dieu créateur. Une conception reprise par de nombreux tenants de la science moderne, jusqu’il y a encore peu de temps.

Que la matière ait pu naître à un moment donné d’un jaillissement d’énergie paraissait même risible à beaucoup de physiciens. Ils ne s’intéressaient guère aux calculs du Russe Alexandre Friedman et du chanoine belge Georges Lemaître, qui émettaient l’hypothèse d’un «commencement». Pas plus d’attention aux observations de l’astronome américain Edwin Hubble confirmant l’expansion des galaxies.

Des thèses «marginales» cependant soutenues par quelques grandes figures, telles que le pape Pie XII, un proche de Georges Lemaître. Le pontife avait ainsi proclamé en 1951 que «la science a réussi à se faire le témoin du ‘Fiat lux’ initial.» Le jésuite belge l’avait cependant invité à la prudence, la théorie n’étant alors pas encore validée.

Pas si «impuissant», le dieu des Hébreux

Ce fut le cas jusqu’en 1965, lorsque deux astronomes américains (Arno Penzias et Robert Wilson) découvrirent par hasard le «fonds diffus cosmologique», un «rayonnement fossile», rien d’autre que la «signature» du Big Bang, l’événement prétendument à l’origine de l’univers. Le début d’une série de commencements dans cet univers, dont nous apprenons à lire les étapes de nouveauté et d’évolution.

Et un nouvel indice que les Hébreux n’étaient pas si éloignés de la vérité. Ils l’étaient davantage en tout cas que bien des philosophes antiques. Le néoplatonicien du Ve siècle Proclus de Lycie se moquait même du dieu des Hébreux, si «impuissant» qu’il lui faut plusieurs longues étapes (six «jours») pour créer le monde et qu’il doit ensuite se reposer. La Genèse est sur ce point effectivement assez éloignée de la plupart des récits cosmogoniques antiques, où la création est immédiate.

Proclus trouvait également ridicule l’idée selon laquelle le soleil ne surgissait selon la Bible qu’à la quatrième étape de la création, après la lumière. Le philosophe ne pouvait pas concevoir que la lumière ait une autre source que l’astre solaire.

Or, on sait aujourd’hui que c’est 380’000 ans après le Big Bang que la lumière est devenue visible pour la première fois dans l’univers. «Avant cette date, les photons (particules) de lumière existaient déjà, mais pour les observer, il fallait attendre que la température de l’univers ait suffisamment baissé.» Cette lumière-là est ainsi beaucoup plus ancienne (13 milliards d’années) que celle émise par notre soleil, qui s’est formé il y a moins de cinq milliards d’années», explique Brunor. Encore un point marqué, donc, par le Livre de la Genèse, contre ses détracteurs. Même si les Hébreux n’ont pas cherché à rédiger un texte scientifique, puisque le mot ‘sciences’ n’existait pas!

La victoire de la lumière

Mais pour Brunor, la principale leçon de ces constatations est peut-être ailleurs. «Cela nous renseigne sur le fait qu’évolution et création sont deux concepts qui ne doivent pas forcément être opposés». Une vision du monde que plusieurs papes ont soutenue. Pie XII (décédé en 1958) n’a pas pu constater de son vivant que la théorie du Big Bang était juste. Il avait cependant déjà affirmé qu’il n’y avait pas d’opposition entre l’évolution et la doctrine de la foi sur l’homme et sur sa vocation. Une conception reprise par Jean Paul II et Benoît XVI, qui a reconnu que l’évolution était un fait scientifique.

Planche de Brunor

Le pape François s’est référé à la découverte d’Arno Penzias et Robert Wilson pour renforcer ce point de vue, devant l’Académie pontificale des sciences, en 2014. «Le Big Bang, qui aujourd’hui se pose à l’origine du monde, ne contredit pas l’intervention divine, mais l’exige […] Dieu n’est pas un magicien avec une baguette magique. Il a créé les êtres et les a laissés se développer selon les lois internes qu’il a données à chacun, pour qu’ils parviennent à leur plénitude», a relevé le pontife argentin.

Brunor rappelle que la lumière aussi à une histoire et un «destin». Avec le refroidissement accompagnant l’expansion de l’univers, (380’000 ans après le Big bang) les protons ont pu s’associer aux électrons pour former les premiers atomes. A partir de là, les protons sont devenus comme «indifférents» à la lumière qui passait près d’eux. Elle a donc pu commencer à se propager sans encombre. «C’était là une première victoire de la lumière», note le bédéiste. Il rappelle le début de l’Evangile de saint Jean: «En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise.» (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

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