LGF: Les prêtres étrangers attristés par les propos de Mgr Morerod

Par Raphaël Zbinden, Maurice Page et Bernard Hallet

Les sentiments des prêtres étrangers établis en Suisse oscillent entre déception et amertume après les propos tenus par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), dans les colonnes de la NZZ et à cath.ch, sur les difficultés avec les prêtres venus de loin. Ils ne sont pas opposés à une réforme mais elle doit se faire «avec les gens du terrain».

«Ce n’est pas facile, je suis très mal à l’aise», témoigne un prêtre africain. «Il ne faut pas oublier que l’Eglise catholique en Suisse compte de très nombreux fidèles d’origine étrangère. On ne devrait pas tirer de conclusions générales à partir d’une certaine désertification religieuse des campagnes», ajoute-t-il. Tristesse et amertume. Tels sont les deux sentiments qui prédominent parmi les prêtres que cath.ch a contactés mais qui n’ont pas voulu témoigner publiquement.

«Si vous enlevez les Portugais, les Italiens, les Espagnols ou les Africains, il ne reste plus grand monde. L’Eglise de Suisse fait partie de l’Eglise universelle que le Christ a voulue», ajoute-t-il.

Pour le prêtre africain, il ne faut pas réduire le travail du prêtre à la messe et à la distribution des sacrements. «C’est une conception réductrice. C’est dommage et même grave. Le prêtre est là pour accompagner sa communauté dans un souci de proximité, c’est cela que les gens attendent, surtout pendant cette période de pandémie».

«Les prêtres étrangers sont venus parce qu’on les a appelés. Chacun a son parcours, son éducation, sa personnalité», ajoute le prêtre africain. Il ne nie pas qu’il peut y avoir des problèmes. Mais ils ne sont, selon lui, pas liés à l’origine ni à la couleur.

L’accompagnement des prêtres étrangers

A ce propos, l’abbé d’origine vietnamienne Joseph Ngo Van Truyen, curé de la paroisse lausannoise St-Amédée, dit ne pas avoir eu de problème avec la langue française. «J’ai eu la chance de l’étudier quand j’étais encore au Vietnam. Je suis entré en paroisse en Suisse en 1991. Je connais cependant des prêtres vietnamiens qui ont eu des problèmes à se faire comprendre en français, notamment à cause de l’accent. Mais ceci est aussi le cas pour des prêtres d’autres nationalités».

Il s’interroge sur la possibilité pour le diocèse de mettre en place des cours de perfectionnement pour les prêtres qui ont des soucis avec les langues parlées sur le territoire. Cela pose la question de l’accompagnement des prêtres arrivant d’autres pays pour exercer leur ministère en Suisse.

Son confrère africain aborde franchement la question: «Les problèmes viennent peut-être aussi du fait que ces prêtres étrangers n’ont pas été préparés et accompagnés comme il le fallait. Comme prêtres africains, nous sommes nombreux à être arrivés il y a plusieurs décennies. Nous avons dû nous débrouiller pour nous intégrer», détaille-t-il.

Le prêtre africain rappelle que «toute l’Eglise est missionnaire. L’Eglise africaine a été évangélisée par des missionnaires étrangers. Nous ne sommes pas dans une logique de marché. Interrogeons-nous plutôt sur le visage de l’Eglise en Suisse», conclut-il. (cath.ch/bh/rz/mp)

Témoignage de Monseigneur Slawomir Kawecki, curé modérateur de l’UP Arve et Lac (GE)
«Je suis vraiment attristé et je déplore les propos que Mgr Charles Morerod a tenus sur les prêtres polonais.
J’ai fait venir plusieurs prêtres polonais de très bonne formation et de bonne qualité pour servir l’Eglise en Suisse. C’est un travail difficile pour lequel l’évêque m’a toujours remercié.
Après la publication de cette interview sur le site des jésuites Deon, j’ai reçu des appels d’évêques polonais qui s’inquiètent de la situation de ces prêtres en Suisse.
Ces propos sur les prêtres étrangers détournent un peu l’attention des vrais problèmes: Pourquoi nos églises se vident? Et que faire pour y remédier? Avant la pandémie de Covid-19, les églises de notre UP étaient pleines. On peut toujours chercher à améliorer notre pastorale mais il n’y a pas besoin de révolution.
Il faut réfléchir à partir de la réalité du terrain pour poser un diagnostic et non faire des annonces trop générales qui sèment la confusion qui compliquent notre travail. Cela est décourageant pour les nombreux bénévoles qui s’investissent et font de très belles choses en paroisse.
Malgré la situation actuelle, nous voulons continuer à travailler avec Mgr Morerod dans la confiance. Cette situation ne doit pas couper nos liens avec l’évêque. Je pense qu’il a raison de vouloir lancer des réformes. Par exemple, il y a trop de fonctionnariat dans notre Eglise. Il faut plus de gens sur le terrain, etc.
Il nous faut une réforme qui puisse revitaliser notre Eglise et ramener des gens dans leur paroisse. Il faut repenser l’évangélisation. Il faut trouver la bonne façon de préparer cette réforme, surtout en dialoguant avec les gens du terrain.
Profitons de cette situation pour se concentrer sur l’essentiel et avancer concrètement pour une bonne réforme du diocèse». BH

Rédaction

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