Inde: Un prêtre et une religieuse condamnés pour le meurtre d'une soeur

28 ans et 9 mois après les faits, un prêtre et une religieuse catholiques indiens ont été condamnés à la perpétuité pour le meurtre d’une jeune novice de 19 ans. Les deux condamnés continuent de jurer de leur innocence. Cette saga policière et judiciaire est une des plus longues de l’Inde.

Le tribunal spécial du Bureau central d’investigation (CBI), une agence fédérale, a prononcé sa sentence le 23 décembre 2020 à Thiruvananthapuram, la capitale de l’État du Kerala, rapporte l’agence catholique Ucanews. Le CBI, qui a enquêté sur l’affaire, avait demandé la peine de mort pour les deux accusés, un prêtre aujourd’hui âgé de 71 ans et une religieuse de 57 ans.

Un suicide ou un meurtre?

La mort,le 27 mars 1992, de Soeur Abhaya, une novice âgé de 19 ans du couvent de St-Pius dans le district de Kottayam, dans l’état du Kerala, dont le corps avait été retrouvée au fond d’un puits, avait d’abord passé pour un suicide.

Deux enquêtes distinctes avaient classé l’affaire comme un suicide, mais la famille de la défunte avait fait pression pour une enquête plus approfondie. Et en 1993, le gouvernement de l’État du Kerala avait confié l’enquête au CBI, la première agence fédérale indienne.

Après trois ans d’enquête, le CBI avait voulu clore l’affaire en se déclarant incapable de conclure s’il s’agissait d’un suicide ou d’un meurtre. Mais le tribunal avait refusé d’accepter ce non lieu et demandé au CBI de poursuivre ses recherches jusqu’à une réponse définitive.

En 1999, le CBI avait confirmé que l’affaire était un meurtre mais avait exprimé son incapacité à en identifier les coupables. Il avait également accusé la police d’État d’avoir détruit toutes les preuves et chercher à enterrer l’affaire.

Le tribunal avait alors refusé une deuxième fois de classer l’affaire. Le CBI a formé une nouvelle équipe et a repris ses enquêtes le 1er août 2001. Mais après cinq ans, le 30 août 2006, l’équipe n’avait toujours pas réussi à conclure l’affaire, invoquant une mort mystérieuse.

Une piste en 2007?

Le tribunal avait rejeté une troisième fois ces conclusions, ordonnant au CBI de poursuivre son travail. En 2007, l’agence a effectué un test de narco-analyse sur les condamnés et un autre Père. Les enquêteurs ont alors affirmé qu’ils avaient la piste nécessaire pour faire aboutir leur enquête.

En novembre 2008, les agents du CBI ont ainsi arrêté les trois auteurs présumés du meurtre. Selon les enquêteurs, Sœur Abhaya les aurait surpris tous les trois dans une «position compromettante» au couvent. Sœur Sephy aurait frappé la jeune religieuse avec une hache et l’aurait tuée pour couvrir leur acte sexuel. Les trois auraient ensuite jeté le corps dans le puits. Les enquêteurs avaient aussi mis la main sur un témoin, un voleur qui avait déclaré avoir vu les deux prêtres dans le couvent, où il s’était introduit illégalement durant la nuit du meurtre.

Les trois accusés ont libérés sous caution dans l’attente de leur procès en janvier 2009. Finalement, l’acte d’accusation a été déposé en juillet 2009.

Un procès ouvert puis refermé en 2013

Le procès des accusés s’est ouvert en 2013. Mais la Haute Cour du Kerala l’avait suspendu au motif que le CBI n’avait pas examiné plusieurs aspects importants du meurtre présumé. La cour avait ordonné un complément d’enquête. De procédure en procédure, une première décision de justice est tombée en 2018, acquittant le deuxième prêtre faute de preuves. Mais le premier prêtre et la religieuse sont restés accusés.

Un recours reste possible

En octobre 2020 une énième demande de renvoi, pour cause de covid-19, avait été rejetée. Le tribunal a finalement rendu son verdict le 23 décembre 2020, soit 28 ans et 9 mois après les faits. L’affaire pourrait bien cependant ne pas être close puisque un recours à une juridiction supérieure reste possible.

«Je doute toujours qu’ils aient commis le crime», a déclaré l’archevêque latin de Thiruvanthapuram, Mgr Maria Callist Soosa Pakiam. Le prélat a relevé que le prêtre et la religieuse condamnés sont membres de l’Église catholique et que leur condamnation fait souffrir toute l’Église. Il a cependant précisé qu’il ne remettait pas en cause la décision de justice, tout en rappelant que les voies de recours restaient ouvertes.  (cath.ch/ucanews/mp)

Maurice Page

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