Genève: revivre l'escale mythique de Calvin en Amérique

Il y a 400 ans, le protestantisme débarquait par bateau en Amérique. Une escale à vivre en réalité virtuelle au Musée international de la Réforme, à Genève. En raison de la pandémie, l’expo temporaire se prolonge jusqu’au 2 mai 2021. Reportage.

En novembre 1620, le Mayflower débarque sur les côtes du Massachusetts. «A son bord se trouvaient des réfugiés calviniste anglais. A la recherche d’une terre pour exercer librement leur religion, ils fuient une Angleterre encore trop catholique…», raconte Gabriel de Montmollin, directeur du Musée international de la Réforme (MIR).

«Le débarquement du Mayflower pour les Etats-Unis, c’est un peu comme Guillaume Tell pour la Suisse»

Gabriel de Montmollin

«Ce débarquement est le moment fondateur des Etats-Unis. Un moment, certes un peu mythique – comme Guillaume Tell pour la Suisse –, mais c’est bien à cette occasion que la fête de Thanksgiving sera inaugurée. Une manière pour ces ‘Pères pèlerins’ de rendre grâce à Dieu, en remerciant les Indiens qui les ont accueillis et qui les ont aidés à se nourrir».

5 minutes à bord du Mayflower

Avec un casque de réalité virtuelle, le visiteur se retrouve à bord de ce fameux Trois mâts et ‘revit’ ce voyage pendant cinq minutes, tout en assistant à la signature du Pacte de Mayflower – considéré comme l’ancêtre de la Constitution américaine. C’est sans doute l’attraction la plus spectaculaire et technologique de l’expo.

Mais dans un première temps, c’est face à une cale de bateau de 23 compartiments que l’on découvre le véritable trésor de «Calvin en Amérique»: 60 œuvres, dont la moitié prêtée par les USA, qui retracent l’histoire protestante américaine du 17e s. jusqu’à aujourd’hui. Le tout ajusté dans une scénographie de l’artiste genevois Séverin Guelpa.

Musée international de la Réforme: 23 compartiments retracent l’histoire protestante américaine du 17e s. jusqu’à aujourd’hui | © Grégory Roth

Geneva Bible et ballon de Basketball

 Parmi les œuvres majeures: la Geneva Bible, une deuxième édition originale de 1561.  «Celles que les Père pèlerins ont prises pour traverser l’Atlantique sont d’une édition ultérieure», précise le directeur. «Mais quand des Américains viennent au musée, ils sont toujours très émus de voir une des toutes premières éditions de ‘leur’ bible».

Ou le plus ancien livre d’histoire jamais écrit en Amérique, le Morton’s Memorial, qui contient notamment le récit des Pères pèlerins. On découvre ensuite en vrac, des objets Amish, des aliment Quakers, un ballon de Basketball, une collection magistrale de Bibles, des caricatures, ainsi que des traités. On passe de la première Confession de foi baptiste aux discours conjoints de Martin Luther King et Billy Graham, deux des plus célèbres pasteurs américains du 20e siècle.

Un laboratoire du protestantisme

«Le but de cette expo est de montrer comment l’identité calviniste et réformée, qui a concouru à l’émergence des USA, a pu se développer sans contradiction majeure de la part de l’Eglise catholique ou des pouvoirs politiques», explique Gabriel de Montmollin. «Si l’Europe est le berceau du protestantisme, l’Amérique [États-Unis] en est le laboratoire. Car le protestantisme a pu s’y développer comme dans un laboratoire, à l’abri des oppositions». Pour preuve, le nombre de dénominations chrétiennes que compte les USA.

«Si l’Europe est le berceau du protestantisme, l’Amérique en est le laboratoire»

Gabriel de Montmollin

Dans le cadre de l’expo, une enquête statistique sur la comparaison entre les USA et la Suisse a été réalisée par l’Institut des Sciences Sociales des Religions de l’UNIL. «Le résultat est sans appel: les Américains sont beaucoup plus croyants que les Suisses. Ils n’ont aucun problème à avouer publiquement leurs croyances», précise le directeur du MIR.

Musée international de la Réforme: la religion chrétienne dans les fictions hollywoodiennes | © Grégory Roth

Par exemple, 55% d’Américains contre 20% de Suisses croient en l’existence de Dieu. Et l’écart le plus grand concerne le rapport à la Bible: 57% d’Américains contre 9% de Suisses l’ont consultée au cours des 12 derniers mois. «De manière générale, les Américains véhiculent des valeurs qui remontent à une première génération de calvinistes», ajoute-t-il.

L’ADN protestante dans le 4e et 7e art

Les racines chrétiennes sont également ancrées dans le 4e et 7e art américain. Un cabinet de musique «Amazing Music" permet de découvrir neuf cantiques protestants, réadaptés par des artistes contemporains. Du célèbre Amazing Grace de John Newton (18e) au It was Jesus du rockeur Johnny Cash (20e). Tandis qu’au sous-sol, un caveau a été aménagé en cinémathèque. L’actrice suisse Isabelle Caillat présente les huit extraits de films célèbres, qui montrent comment le cinéma américain reproduit la religion chrétienne dans ses fictions. On y voit un passage des Raisins de la colère (1940) de John Ford et de Big Little Man (1970) d’Arthur Penn, entre autres.

«Calvin en Amérique» au Musée international de la Réforme, à Genève, jusqu’au 28 février. En raison de la pandémie, l’expo temporaire se prolonge jusqu’au 2 mai 2021. (cath.ch/gr)

Gabriel de Montmollin: le directeur du Musée international de la Réforme garde le sourire malgré la situation difficile pour des établissements culturels en 2020 | © Grégory Roth

Le MIR en bref
Le Musée international de la Reforme a été créé en 2005. Son exposition permanente présente l’histoire de la Réforme protestante, entreprise par Martin Luther et Jean Calvin entre autres, à travers plus de 650 objets. Le Conseil de l’Europe a décerné au MIR le Prix du Musée en avril 2007. Sur 25’000 visiteurs annuels, 15’000 s’intéressent plus particulièrement aux expos temporaires. En 2020 toutefois, le MIR en a comptabilisé 5’000, soit une baisse de fréquentation de 75%. GR

Grégory Roth

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