Le COVID-19 aggrave l’exclusion des personnes touchées par la pauvreté

Le COVID-19 aggrave l’exclusion sociale des personnes touchées par la pauvreté, écrit Caritas Suisse dans son Almanach social2021. Dans cette étude de plus de 300 pages, intitulée « La pauvreté exclut », l’œuvre d’entraide relève qu’en Suisse, dès avant l’éclatement de la pandémie, plus d’un demi-million de personnes vivaient déjà dans la pauvreté et étaient socialement marginalisées.

Pour Caritas Suisse, la pauvreté limite la participation sociale. Le manque d’argent n’en est pas la seule raison : « dans notre Suisse prospère, la pauvreté est considérée comme un échec personnel et les personnes en ont honte. Elles se mettent donc en retrait ».

Pour l’œuvre d’entraide, les problèmes de la pauvreté et de l’exclusion sociale, qui sont étroitement liés, ne sont pas que conjoncturels: ils sont structurels. Si l’Union européenne avait lancé en 2010 l’année de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, Caritas avait de son côté déclaré une décennie de lutte afin de réduire de moitié la pauvreté en Suisse. « L’objectif n’a pas été atteint et il est plus que jamais patent que la lutte contre la pauvreté exige de battre en brèche également les mécanismes d’exclusion », note Marianne Hochuli, responsable du Secteur Etudes de Caritas Suisse.

Un million de personnes exposées au risque de pauvreté

660’00 personnes en Suisse étaient déjà en situation de pauvreté avant l’arrivée de la pandémie au printemps et vivaient en dessous du minimum vital. « Parmi elles figure un nombre supérieur à la moyenne de parents seuls et de personnes peu instruites qui ne trouvent pas de nouveau travail après avoir perdu leur emploi », note Marianne Hochuli. Qui relève que plus d’un million de personnes dans le pays sont exposées au risque de pauvreté. Parmi elles, de nombreux travailleurs pauvres (les ›working poors’) dont le salaire est insuffisant pour vivre décemment.

Pour lutter contre la pauvreté, Caritas Suisse demande des paiements directs sur le modèle des prestations complémentaires | © Caritas Suisse

De nombreuses familles avec enfants doivent se débrouiller avec des ressources financières très modestes et sont en difficultés quand elles doivent faire face à des dépenses imprévues, comme une facture de dentiste. « En Suisse, une personne sur sept est exposée à un risque de pauvreté. Cette dernière n’est donc pas un phénomène marginal dans notre pays, mais devient de plus en plus le défi majeur de la politique sociale. La crise du coronavirus l’a mis d’autant plus en évidence », relève la responsable du Secteur Etudes de Caritas Suisse.

La crise du coronavirus renforce les inégalités sociales 

L’Almanach social propose des solutions pour lutter efficacement à la fois contre la pauvreté et l’exclusion sociale, en proposant des mesures en faveur d’une société inclusive. Caritas Suisse relève que la pandémie a profondément changé la réalité sociopolitique et économique. « La crise du coronavirus renforce les inégalités sociales », écrit Aline Masé, responsable de la politique sociale à Caritas Suisse.

Ses conséquences économiques frappent beaucoup plus durement les personnes qui, auparavant déjà, avaient de la peine à assurer leur subsistance. Celles qui cumulent un bas salaire et des conditions de travail précaires sont nettement plus touchées par le chômage partiel. Et la marginalisation des personnes partiellement ou totalement exclues du système de sécurité sociale devient à la fois visible et tangible.

La pandémie rend la pauvreté plus visible

La pandémie a mis en évidence à quel point les personnes vivant en Suisse dans des conditions très précaires sont nombreuses. Les longues files d’attente pour la distribution de nourriture à Genève ou à Zurich ont donné un visage à la pauvreté en Suisse.

Les études montrent que de nombreuses personnes en Suisse n’ont pas la possibilité de mettre de côté un peu d’argent et que si leurs revenus diminuent ou disparaissent soudainement, elles se retrouvent immédiatement en difficulté financière. Un divorce, le manque de formation, la mauvaise harmonisation entre vie professionnelle et vie privée et un statut migratoire précaire sont des facteurs de risque particuliers s’agissant de la pauvreté.

Hugo Fasel, président sortant de Caritas Suisse, avec Marianne Hochuli, responsable du Secteur Etudes de Caritas Suisse | © Jacques Berset

L’Almanach social de Caritas Suisse montre comment et pourquoi la pauvreté exclut et observe en particulier un marché du travail qui a de plus en plus perdu sa capacité d’intégration.

« Les réponses politiques et sociales à cette évolution restent insuffisantes quand elles ne sont pas simplement inexistantes, estime Caritas Suisse. En publiant son Almanach social2021, l’organisation veut contribuer à une prise de conscience des instances politiques et du public. (cath.ch/be)

Les grands perdants de la crise du coronavirus

En 2019, plus de 5% des personnes employées en Suisse travaillaient sur appel, soit quelque 195’000personnes. Avec la crise du coronavirus, beaucoup de ces personnes ont perdu tout ou partie de leurs heures de travail. Outre les difficultés financières, l’incertitude constante sur les possibilités de retrouver un emploi grève également leur situation. De nombreuses personnes occupent également plusieurs emplois pour joindre les deux bouts. En 2019, il s’agissait de 372’000personnes, les femmes étant près de deux fois plus touchées que les hommes.

Les femmes et les personnes travaillant dans le secteur des bas salaires et à temps partiel sont les grandes perdantes de la crise du coronavirus. Soit elles ont très vite perdu leur emploi, soit elles ont été mises au chômage partiel — avec pour conséquence que leurs revenus ne suffisent plus à vivre puisque ce dernier ne couvre que 80% du salaire d’origine. Si, de manière générale, le système de sécurité sociale en Suisse fonctionne plutôt bien, ses lacunes sont particulièrement évidentes s’agissant des personnes à faibles revenus.

Les personnes ayant un statut de séjour peu sûr, par exemple un permis B, se retrouvent dans des situations particulièrement précaires. Elles travaillent souvent dans le secteur des bas salaires et risquent de perdre leur emploi à cause de la crise. Et pourtant, même si elles se retrouvent en grande détresse, elles ne font pas appel à l’aide sociale parce qu’elles craignent que leur permis de séjour soit mis en péril. La crise frappe particulièrement durement les sans-papier. Ils travaillent dans des secteurs tels que la restauration ou les travaux domestiques et ont fréquemment perdu leur emploi dès le début du printemps. Comme ces personnes n’ont pas accès à l’aide de l’Etat, elles dépendent du soutien d’organisations privées. JB

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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