«Nous avons vu son étoile, et nous sommes venus nous prosterner»

Selon l’évangile de Matthieu, des mages, savants et astrologues, sont venus se prosterner devant l’Enfant Jésus, guidés par l’étoile jusqu’à Bethléem. Simple récit ou réalité astronomique? L’abbé Marc Donzé rappelle qui étaient ces mages et, au-delà du récit, l’équilibre qu’il convient de maintenir entre foi et science.

La fête de l’Epiphanie, célébrée le 6 janvier, fait mémoire de la venue des mages à Bethléem. Les mages ont vu l’étoile et se sont mis en route depuis les contrées où le soleil se lève, nouveau chaque matin.
(Cet article est une synthèse d’une interview de cath.ch réalisée en 2016 et d’une enquête publiée en 2019)

Qui étaient-ils?
Au plus juste, des contemplatifs du ciel, en un temps où voir les étoiles n’était contrecarré par aucune autre lumière.

Des savants?
Sûrement, au sens où ils devaient connaître la marche des étoiles et des planètes; peut-être savaient-ils déjà, bien avant Galilée, que la terre tournait autour du soleil et non l’inverse.
Astronomes donc, avec rigueur, comme en témoignent descriptions et calculs de la marche céleste réalisés en ce temps-là. Mais aussi astrologues, parce qu’ils interprétaient les signes du ciel, qui devaient manifester la volonté divine venant d’au-delà du ciel, mais se reflétant avec mystère dans les corps célestes. Astrologues non pas au sens de Madame Soleil, mais pour scruter le fond des choses, des âges et des sens.

Qu’ont-ils vu?
Un phénomène céleste nouveau, comme il en arrive parfois dans la ronde pourtant si régulière des astres. L’apparition d’une supernova? Une conjonction étonnante de planètes? Peu importe. Mais, dans l’interprétation de l’époque, un tel phénomène signalait un événement très important, capital même, car on croyait que ce qui se produisait dans le ciel trouvait son parallèle, voire son accomplissement sur la terre.

Des savants engagés, les mages?
En tout cas, ils ont voulu voir ce qui se passait sur la terre. La direction était donnée par l’étoile qui pointait sur la région de Jérusalem. La destination fut précisée par les docteurs de la Loi, consultés par l’infâme Hérode: elle se trouve chez le prophète Michée, qui voyait la naissance de l’enfant sauveur, fils de David, à Bethléem. Belle rencontre de la scrutation astronomique et de la connaissance dévoilée par les chercheurs de Dieu.

«Il ne devrait pas y avoir de contradiction fondamentale entre la confidence de l’univers et l’essentiel de la révélation divine.»

Et aujourd’hui, est-il possible d’être savant et contemplatif?
Le savant cherche à expliquer les phénomènes physiques, chimiques, biologiques. Il le fait en principe avec rigueur et exigence; il se soumet au contrôle du réel; il se soumet aussi à la discussion de ses pairs. La connaissance précise du réel avance ainsi par le partage des travaux de tous.

Souvent, le savant est pris d’émerveillement.
Que le monde, dans son immensité, soit régulier, prédictible, analysable; qu’il ne soit donc pas un chaos généralisé, voilà qui est bien étonnant. Par exemple, qu’une masse aussi énorme que la Terre puisse tourner sur elle-même chaque jour dans le même temps, exactement, constitue une régularité inouïe. Quand Einstein découvrit la théorie de la relativité, il fut saisi d’une émotion ouvrant sur le mystère d’un univers finalement si cohérent. Au fond, le savant est ou devrait être l’humble chercheur de la vérité des choses et des phénomènes.

Et Dieu dans tout cela?
Il n’est pas l’objet de la science, même astronomique. Donc, le savant, en tant que tel, ne se prononce pas sur Dieu. Mais certains d’entre eux voient dans la magnifique ordonnance du réel une confidence de Dieu créant dans l’amour; c’est leur belle liberté.

Est-il possible de faire « jouer ensemble » la science et la foi?
C’est délicat. Il faut éviter la méfiance de la science à partir de la Bible, car la Bible n’est pas un ouvrage scientifique.
Simplement, pour le croyant, il ne devrait pas y avoir de contradiction fondamentale entre la confidence de l’univers et l’essentiel de la révélation divine. Il faut éviter aussi le concordisme: par exemple, mettre la théorie de l’évolution à toute force dans les six jours de la création. Mais il se peut que le chemin de la science et le chemin de la foi s’inspirent mutuellement et avec respect. Ainsi fit le Père Teilhard de Chardin. Il décrivit l’évolution avec rigueur scientifique, mais il fit en même temps l’hypothèse (qui est au delà de la science) que le Christ, en qui sont récapitulées toutes choses (Ephésiens 1,10), donnait sens à cette évolution en l’attirant vers l’unité de l’amour. Est-il si loin des mages?

Pourquoi trois? pourquoi des rois?
Le texte évangélique n’affirme nulle part que les mages étaient trois pas plus qu’ils étaient rois. D’où vient donc cette dénomination. L’identité royale des mages remonte à l’Ancien Testament, notamment au livre du prophète Isaïe qui mentionne l’hommage rendu par des rois à Jérusalem.

Les reliques des mages sont toujours conservées à la cathédrale de Cologne


C’est sur cette base que s’appuieront de grands auteurs antiques comme Tertullien. Au IIIe siècle, il présentera les mages comme des «presque rois». Quelques décennies plus tard, Origène affirmera pour des raisons symboliques que les mages étaient trois. D’une part, ce chiffre correspond à l’or, l’encens et la myrrhe offerts, selon le récit biblique, à l’enfant Jésus. D’autre part, il représente les trois disciplines qui mènent à la connaissance, selon Origène: la logique, la physique et l’éthique.

Melchior, Gaspard et Balthazar
Au VIIIe siècle, en se basant sur des textes apocryphes non reconnus officiellement par l’Eglise, la tradition leur donnera trois noms: Melchior, Gaspard et Balthazar. Dès le XIe siècle, en Occident, on vénérera les mages comme des saints. Leurs reliques sont toujours conservées à la cathédrale de Cologne. En Orient, en revanche, ce sont leurs dons qui sont vénérés comme reliques au monastère Saint-Paul du mont Athos.
A la fin du XIIIe siècle le dominicain Jacques de Voragine, dans sa Légende dorée, dresse leur portrait: «Le premier des Mages s’appelait Melchior, c’était un vieillard à cheveux blancs, à la longue barbe. Il offrit l’or au Seigneur comme à son roi, l’or signifiant la Royauté du Christ. Le second, nommé Gaspard, jeune, sans barbe, rouge de couleur, offrit à Jésus, dans l’encens, l’hommage à sa Divinité. Le troisième, au visage noir, portant toute sa barbe, s’appelait Balthazar ; la myrrhe qui était entre ses mains rappelait que le Fils devait mourir». (cath.ch/pp/bh/mp)

Rédaction cath.ch

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