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Bruxelles:Le cardinal Danneels salue le sursaut (061196)
collectif pour les valeurs fondamentales en Belgique
Trop facile de dire: »Le péché, le seul, c’est la pédophilie de Dutroux »
Bruxelles, 6novembre (APIC) « Il est trop facile de dire aujourd’hui: le
péché, le seul, c’est la pédophilie de Marc Dutroux », s’exclame le cardinal
belge Godfried Danneels, comme si tous les autres citoyens étaient « innocents sur toute la ligne ». Un appel à l’examen de conscience de ses compatriotes, frappés d’un syndrome que d’aucuns appellent « le mal belge ».
Commentant le traumatisme qui secoue actuellement la Belgique dans une
interview accordée au quotidien catholique « La Libre Belgique », l’archevêque de Malines-Bruxelles salue le sursaut collectif des Belges en faveur
des valeurs fondamentales. Il se réjouit ainsi du succès de la « marche
blanche » du 20 octobre, qui a amené des centaines de milliers de personnes
dans les rues de Bruxelles. C’est pour lui le signe que beaucoup ont compris « qu’en touchant aux valeurs fondamentales, on touche à l’homme luimême ». Le cardinal Danneels demande aussi pardon au nom de l’Eglise, et
veut la même justice pour tous.
L’immoralité s’appelle aussi fraude, corruption, argent, pouvoir…
L’archevêque de Malines-Bruxelles tient d’ailleurs à ne pas focaliser
l’attention sur le pédophile assassin Marc Dutroux, comme si tous les autres citoyens n’avaient rien à se reprocher: « S’il n’y avait pas des acheteurs de vidéos pornos mettant en scène des enfants, il n’y aurait pas de
Dutroux. (…) Il y a aussi toute une tendance à concentrer toute l’immoralité sur la pédophilie. Or, il y a aussi la fraude, la concurrence malhonnête, la corruption, l’argent, le pouvoir, le trafic des travailleurs, des
armes, l’absence de responsabilité de certains en matière d’emplois, de
chômage. Il y a aussi ceux qui trichent à la mutuelle, à l’assurance-maladie. Il est trop facile de dire aujourd’hui : le péché, le seul, c’est la
pédophilie de Dutroux. »
L’Eglise demande aussi pardon pour les abus commis par des prêtres
La « marche blanche » de Bruxelles a aussi été l’occasion de plaider pour
la plus grande transparence des institutions. « Cela vaut pour toutes les
institutions, donc aussi pour l’Eglise », insiste le cardinal Danneels, qui
renouvelle sa demande de « pardon pour tous les prêtres, les religieux, les
religieuses qui ont commis des fautes » en manquant spécialement de respect
à l’égard des enfants. Pour ceux ou celles qui ont été commis des abus, le
cardinal Danneels ne veut pas d’une justice qui fasse exception pour
l’Eglise, parce qu’il ne peut y avoir qu’une justice, et non « deux poids,
deux mesures ».
Au vu des statistiques, le célibat des prêtres ou des religieux ne
semble pourtant pas les exposer plus que d’autres à la pédophilie, relève
le cardinal Danneels, qui n’attend pas d’une levée éventuelle de
l’obligation du célibat une remontée spectaculaire des vocations : « Le tout
est une question de qualité d’amour pour le Christ ».
Sursaut éthique
Une des raisons de la discrétion des évêques tient à leur souci de ne
pas « récupérer un mouvement de masse ». Le cardinal rappelle néanmoins la
vigilance du magistère ecclésial à l’égard du « libéralisme moral » que JeanPaul II a clairement dénoncé dans son encyclique « Veritatis Splendor ». Or,
il y a deux ans, rappelle le cardinal Danneels, cette encyclique avait
« provoqué un tollé général » !
La pédophilie et les déviances sexuelles ne datent pas du XXe siècle.
Faut-il les mettre sur le compte de la libéralisation des moeurs ? « Non,
répond le cardinal: c’est la perte des points de référence dans tous les
domaines : religieux, moral, politique, culturel. Il faut retrouver par des
moyens profondément humains et démocratiques un consensus fondamental sur
quelques valeurs auxquelles on ne touche pas. »
Le pardon: pas sans la justice
Peut-on pardonner à un criminel accusé d’assassinats et de maltraitance
sur des enfants ? « C’est Dieu qui pardonne ! », souligne avant tout le cardinal Danneels. « Je crois qu’il faut prier pour les boureaux et les victimes. Le pardon ne se substitue pas à la justice. »
Quant à la peine de mort, aujourd’hui abolie en Belgique, le cardinal
rappelle d’abord que le « Catéchisme de l’Eglise universelle » en limite
clairement l’application au cas où un Etat n’aurait pas d’autre moyen pour
garantir la sécurité des citoyens. Or, constate l’archevêque, « dans les
Etats modernes, nous avons d’autres moyens ». De plus, appliquer la peine de
mort à un criminel, n’est-ce pas entrer dans la spirale de la violence et
redoubler ses effets ? Même si l’Eglise a pu légitimer la peine de mort
dans le passé, le cardinal Danneels est aujourd’hui un ferme partisan du
« non » : « Je suis tout à fait contre. En Belgique et partout. D’autant que,
dans beaucoup de cas, la peine de mort ne sert pas à garantir la sécurité
du citoyen, mais à garantir la pérennité d’un dictateur ». (apic/cip/be)
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