Homélie du 24 janvier 2021 (Mc 1, 14-20)

Abbé Jean-Jacques Agbo – Eglise St-Nicolas, Villars-le-Terroir, VD

Vous vous souvenez certainement, de cet air de Carmen : «l’amour est un oiseau rebelle, que nul ne peut apprivoiser…»
Il s’agit, donc, vous en conviendrez, de l’amour humain, l’amour passion entre un homme et une femme. Mais si déjà l’amour humain est si fort, un levier si puissant, disons que l’amour qui attire le Créateur et sa créature est aussi puissant, et même davantage encore. Oui, l’amour de Dieu, l’amour pour Dieu est aussi inexplicable, c’est un magnétisme, une attraction mystérieuse et forte.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est ce que nous voyons. Jésus vient littéralement arracher des hommes à leur métier, un métier qu’ils aimaient, qui les fait vivre, la pêche.

Voyons, Jésus demande à ses amis de rompre avec les liens sociaux et familiaux ; il ne promet rien en échange ; il ne signe aucun papier ; il demande une reddition sans condition, et ce qui est surprenant, c’est que ces hommes le font : «Venez, dit-il, suivez-moi, je ferai de vous des pécheurs d’hommes». Et l’évangile précise :»Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent». Aussitôt. Tout de suite. Immédiatement. Sans préalable aucun. Sans tergiverser.

Dans cet épisode de l’évangile de Marc, c’est à leur barque que Jésus vient les arracher. Ailleurs, il vient cueillir un autre disciple, Lévi (le futur Matthieu), derrière son guichet (il était publicain, c’est-à-dire qu’il percevait la TVA sur le poisson, le sel et les parfums…).
Un autre évangile nous parle d’un homme que Jésus était venu chercher alors qu’il prenait le frais, assis sous son figuier. Et ces hommes le suivirent. Sans hésiter. Sans demander des garanties.

L’initiative vient toujours de Jésus

Il faut ici, avant tout, remarquer que, l’initiative vient toujours de Jésus, et son appel est adressé spécifiquement, individuellement ou personnellement à chacun des premiers disciples.

Disciples de Jésus nous le sommes nous aussi chacun, chacune. Évidement cet appel des premiers disciples retenti très fortement en chacun de nous. Oui, Nous sommes tous appelés. C’est la vérité fondamentale. Nous avons tous notre place. Cependant notre expérience et l’Evangile lui-même en témoignent qu’on n’est pas toujours appelé.

Combien de fois, nous avons le sentiment, d’être délaissé par le Seigneur. Peut-être, parce qu’on vit un grand malheur durable dont on ne peut pas se sortir. Peut-être, parce qu’on se sent délaissé par l’appel au bonheur. Peut-être, parce que certaines de nos compétences ne sont pas reconnues, utilisées comme nous l’aurions aimé…
Surtout la parole de Dieu nous dit que tout le monde n’est pas appelé. Souvenez-vous, de nombreux disciples ont suivi Jésus, il n’en a appelé que 12 pour devenir ses apôtres.

Que dire, que faire, que penser, de ces situations où manifestement, nous ne sommes pas appelés ?
Avant-même de pouvoir témoigner de notre expérience, appuyions-nous davantage sur le témoignage de l’écriture Sainte.

Oui, le Seigneur Jésus appelle, et c’est même l’originalité. C’est lui qui appelle ses disciples alors que, la tradition voulait que les disciples choisissent leur maitre…

Nous rencontrons dans l’Evangile de nombreuses personnes qui ne sont pas appelées :
Pensons à une figure comme celle de Zachée. Sa conversion est formidable. Est-ce-que sa foi n’était pas aussi grande que celle de Jacques et Jean ou de Pierre ?
Pensons au Centurion romain dont Jésus lui-même dit que sa foi dépasse tout ce qu’il a, lui-même, connu en Israël.
Et puis, à cet homme, au pays des Géraséniens à qui Jésus dit : retourne chez toi dans ta maison, je ne veux pas que tu me suives… etc.

Je crois que notre premier mouvement doit être celui de réviser nos ambitions. Nous aurions voulu être appelés à telle position, à tel endroit, recevoir tel talent, mais le Seigneur ne l’a pas ainsi fait. Revisitons nos ambitions. Sont-elles légitimes ?
Il se peut qu’elles le soient. Oui, il faut avoir de l’ambition dans la vie spirituelle. Peut-être, tout simplement, ce n’est pas le bon moment. Regardez Matthias, c’était un saint homme, c’est lui qui a été appelé à remplacer Juda dans le collège apostolique. Il n’est pas devenu extraordinaire dès lors que Juda a trahi. Il l’était déjà. Il n’avait pas été appelé, ce n’était pas le bon moment.
Mais surtout pensons à des gens d’une sainteté extraordinaire, qui n’ont pas été appelé. Le meilleur exemple c’est la Vierge Marie qui ne fait pas partie des 12 apôtres, qui n’était pas présente à la cène du Seigneur. Pensez à Saint François d’Assise, qui n’est jamais devenu prêtre. Mais qui peut dire qu’il manquait de sainteté ?

Quand on réfléchit à l’appel du Seigneur, souvenons-nous d’abord que, la sainteté n’a rien à voir avec la place que nous occupons ; mais, c’est la façon, la manière dont nous occupons cette place qui est à prendre en compte.
La première question à se poser est-elle : Est-ce que je cherche la reconnaissance ? Est-ce que je cherche le succès ? Est-ce que je soigne les apparences ?

Chercher l’union à Jésus

Non ! Mais plutôt : est-ce que je cherche la sainteté ? Est-ce que cherche à me rapprocher de la source d’eau vive ?

Est-ce que je cherche à être uni au Seigneur Jésus ?

Quelque soit notre place, même si elle n’est pas prestigieuse, même si elle n’est pas voyante, même si personne ne la connait, elle sera au moins connue de Dieu. Que demander d’autre ? A quoi serviraient les applaudissements des hommes si nous n’avons pas la reconnaissance de Dieu ?

Peut-être que notre lot est la maladie. Mais, si cette maladie peut servir le royaume… Peut-être que nous traversons un long malheur. Peut-être qu’il nous semble devoir être dans la tristesse pour des années encore… Peux être que cette COVID m’affecte particulière et me tape sur le système…

La question est : cette tristesse peut-elle aider à servir le Seigneur ? Dieu ne fait rien en vain. C’est lui le maître de toute chose. Au point que, je peux dire que l’important n’est pas d’être appelé ou de ne pas être appelé.
Nous sommes toutes et tous appelés. Ce qu’il faut comprendre c’est que c’est lui qui nous choisit. Mais il nous le dit « C’est moi qui vous ai choisi ». Ce qui nous revient c’est de le laisser faire son choix. C’est d’apprendre à aimer ce choix, à l’accepter et à le vivre jusqu’au bout. Alors l’invitation du Seigneur en cette semaine de prière pour l’unité des Chrétiens reste valable pour nous tous : « Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance »

Amen

3e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Jonas 3, 1-5.10; Psaume 24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9;1 Corinthiens 7, 29-31; Marc 1, 14-20

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