Le voyage du pape en Irak est-il menacé?

Après le terrible attentat survenu le 21 janvier 2021 au cœur de la capitale irakienne, le voyage du pape en Irak, du 5 au 8 mars prochain, est incertain. La préparation de la première visite d’un pape en Irak se poursuit, mais il n’est pas impossible qu’elle soit ajournée au dernier moment. Décryptage.

«Je ne sais pas si le prochain voyage en Irak aura lieu», avait confié le pape François dans un entretien télévisé le 10 janvier 2021. Pour ne pas propager le virus du Covid-19, le pontife argentin avait confié ne pas vouloir, en conscience, provoquer de regroupements. 

Or, il est difficile d’envisager un voyage du pape sans rassemblements importants dans ce pays. «Les Irakiens sont extrêmement honorés de cette visite. Pour une fois que ce n’est pas un chef d’État qui vient saluer des troupes et qui repart aussitôt… Cette visite de cinq jours leur fait d’autant plus plaisir», confirme Faraj-Benoît Camurat, le directeur de l’association Fraternité en Irak. 

À regarder les chiffres officiels de la pandémie en Irak, la situation sanitaire semble aujourd’hui sous contrôle. Le pays a officiellement enregistré 13’000 décès depuis le début de la pandémie, mais la courbe des contaminations ne cesse de baisser ces derniers mois. 

C’est sur le plan sécuritaire que la question du voyage se pose désormais après la sanglante attaque du 21 janvier. Revendiqué par l’organisation État islamique, il s’agit de l’attentat le plus meurtrier en Irak depuis trois ans.

La fiabilité des forces de sécurité en question

Le pape François et le Patriarche chaldéen, Mgr Louis-Raphaël Sako, ont tous deux déplorés ce carnage, sans faire mention de la visite papale. La veille de l’attaque, tous les évêques catholiques du pays s’étaient réunis pour discuter avec le nonce apostolique en Irak des préparatifs. Interrogé par I.MEDIA, Mgr Youssif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk, s’était dit confiant. 

«Cet attentat peut questionner la capacité de l’autorité irakienne à sécuriser le voyage du pape», se demande le frère Amir Jaje, dominicain irakien. Cette attaque lui rappelle les tristes heures des années 2006-2008 durant lesquelles le pays traversait une vague de violences effroyables.

Pour lui, il est peu probable que les «architectes» de l’attentat avaient en tête la visite du pape. Il faut selon lui considérer le contexte politique intérieur. Le gouvernement actuel, très affaibli, a choisi de décaler les élections législatives de juin au mois d’octobre. «Les élections sont toujours des moments de grandes tensions en Irak», observe le dominicain, «un temps où les oppositions essayent de déstabiliser le pouvoir et de mettre en lumière l’incompétence des responsables». 

La sécurité des chrétiens en question

Si le pontife argentin décidait de maintenir son voyage en Irak, nul doute que le gouvernement irakien mettrait tout en œuvre pour lui assurer une sécurité maximale. Mais alors que l’attaque du 21 janvier révèle les failles de l’appareil sécuritaire et que le Premier ministre vient d’entamer un remaniement d’ampleur à la tête des forces de sécurité du pays, ces dernières seront-elles en mesure d’assurer aussi la sécurité des chrétiens irakiens? 

Dans ce contexte troublé, ils pourraient de nouveau devenir des cibles pour faire avancer des agendas politiques. Après le sinistre attentat d’octobre 2010 dans la cathédrale de Bagdad, beaucoup avaient estimé que les chrétiens n’étaient en réalité que les victimes de luttes entre forces politiques s’affrontant pour assoir leur pouvoir en Irak. (cath.ch/imedia/hl/gr)

I.MEDIA

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