Procès Martinelli-Radice: d'anciens élèves évoquent le petit séminaire

Quatre témoins ont chacun évoqué devant le tribunal de l’État de la Cité du Vatican l’«environnement malsain» du Séminaire saint-Pie X lors de la cinquième séance du procès Radice-Martinelli, le 24 février 2021. Le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre émérite de la basilique Saint-Pierre, a aussi été mis en cause lors de l’audience.

Après avoir entendu les Pères Martinelli et Radice le 19 novembre 2020 et le 10 février 2021, le procès du petit séminaire du Vatican a repris avec l’audition de quatre témoins, dont trois anciens élèves et un ancien responsable. Un premier procès en 2021, qui n’avait abouti à aucune condamnation à l’époque, a été rouvert par la justice vaticane en octobre 2020 après l’envoi d’une lettre au pape par une victime et la diffusion d’une enquête à charge sur une chaîne de télévision italienne.

Les témoins ont tous rapporté en avoir pris connaissance par des tiers des violences sexuelles présumées jugées dans cette affaire. Leur principale source d’information était l’ancien séminariste polonais qui a dévoilé l’affaire dans les médias italiens et qui soutient le témoignage de la victime présumée aujourd’hui. Tous ont témoigné d’un établissement marqué par un «environnement […] malsain», où les luttes de pouvoir et «blagues à caractère sexuel» étaient fréquentes.  

Attouchements et influence sur les plus jeunes

Un ancien élève, Flaminio Ottaviani, affirme avoir vu à une seule reprise Gabriele Martinelli «toucher les parties intimes» d’un autre élève lors d’une bagarre. Un autre témoin, Andrea Spinato, décrit pour sa part des «attouchements» et des «avances» qu’aurait faits le Père Martinelli à des élèves plus jeunes. Ce membre du petit séminaire parle d’une véritable «emprise» sur ces «jeunes garçons fragiles». 

Plus largement, c’est une atmosphère perverse qu’ont décrit les témoins, où fusaient les «blagues sur l’apparence féminine, l’apparence physique» mais aussi «sur l’origine régionale et le travail des parents», témoigne encore Andrea Spinato. Gilles Donghi, un ancien élève qui n’est resté qu’un mois dans l’établissement, parle pour sa part d’une «expérience éprouvante» faite de «moquerie continue sur certains sujets» et de «ragots» réguliers. 

Blagues homosexuelles et surnoms féminins

Le Père Martinelli, alors simple élève, était surnommé «la mère» par ses camarades, rapporte Flaminio Ottaviani, en raison de «son rôle de premier plan». Dans la Basilique Saint-Pierre, il était en revanche connu sous le sobriquet de «petit commandant», souligne-t-il, parce qu’il organisait et décidait «de tout». 

Flaminio Ottaviani parle pour sa part de «fortes pressions psychologiques». Il ajoute: «il y avait des blagues continues avec un fond homosexuel et des surnoms féminins étaient donnés».

Une relation très ambigüe et des témoignages discordants

Andrea Spinato juge le témoignage de la victime présumée «extrêmement crédible» même s’il souligne la fragilité de l’individu, notamment sur le plan familial. Gilles Donghi remarque que la victime et le Père Martinelli étaient «très proches» et «parlaient beaucoup entre eux». 

Pour Flaminio Ottaviani au contraire, il y avait une véritable «haine» entre les deux garçons. Cependant, dans le cas de la victime comme dans celui d’un autre garçon, Gabriele Martinelli ne les brimait pas, souligne-t-il. Au contraire, il leur donnait des tâches valorisantes.

L’ancien élève pense qu’il avait «peur» qu’ils parlent. Il affirme aussi avoir été témoin d’une tentative d’agression commise par Gabriele Martinelli auprès d’un autre élève, Andrea Garzola. Ce dernier aurait refusé et serait «tombé en disgrâce» au point de devoir quitter le petit séminaire. 

La responsabilité du Père Radice

Concernant la responsabilité du recteur, Don Enrico Radice, Andrea Spinato confirme qu’il procédait à des contrôles très stricts des chambres pendant la nuit. Il reconnaît aussi que la victime présumée, qu’il a rencontré des années après son passage au petit séminaire, ne lui a jamais parlé de son agression.

De son côté, Flaminio Ottaviani affirme que l’ancien recteur «savait tout, sauf s’il a fait la sourde oreille». De toute façon, impossible de lui parler, insiste-t-il: c’était «marquer contre son camp, parce que [le Père Martinelli] était son protégé». 

Le cardinal Comastri mis en cause

Enfin, l’ancien élève met directement en cause le cardinal Comastri, qui a démissionné de son poste d’archiprêtre de la basilique Saint-Pierre le 21 février dernier. Selon lui, le haut prélat « savait tout et n’a rien fait». Selon Gilles Donghi, le cardinal Comastri aurait déconseillé à l’évêque de Côme, responsable du petit séminaire, qui voulait porter plainte contre le Père Radice, de porter l’affaire devant la justice. Le haut prélat aurait décrit les accusations comme des «mensonges et des calomnies». 

Enfin, la justice a écouté le témoignage du Père Pierre Paul, actuellement maître de la Cappella Giulia – chœur d’hommes de la basilique Saint-Pierre – mais à l’époque membre de l’encadrement. Ce dernier avait fait un rapport à la Congrégation pour la doctrine de la foi en 2017 sur la situation observée au petit séminaire, mais affirme qu’il aurait aimé le faire plus tôt. Il se souvient que la victime avait l’air troublé à l’époque et «il était clair qu’il s’agissait de problèmes dans la sphère affectivo-sexuelle».

La suite des témoignages prévue le lendemain

Deux témoins convoqués étaient par ailleurs absents lors de cette séance : Matteo Borghetti (sans justification) et Andrea Garzola – cité comme une victime potentielle – (avec justification). Le 25 février, le procès devrait reprendre avec l’audition d’un témoin important: Mgr Oscar Cantoni, évêque de Côme. Mgr Diego Coletti, évêque émérite de Côme, est pour sa part dispensé pour raison médicale. (cath.ch/imedia/cd/bh)

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