Mécénat azéri au Vatican : fraternité ou soft-power?

Le Saint-Siège a renouvelé le 4 mars l’accord permettant à la Fondation Heydar Aliyev, une entité dépendant de l’État azéri, d’œuvrer à la mise en valeur et la restauration des catacombes de Commodilla, à Rome. Ce partenariat culturel entre le Vatican et l’Azerbaïdjan, premier pays musulman à financer un des programmes patrimoniaux du Saint-Siège, peut poser question dans la mesure où il survient quelques mois après le violent conflit qui l’a opposé à l’Arménie. 

Le 22 juin 2012, l’Azerbaïdjan était devenu le premier pays musulman à financer un projet du Saint-Siège. Lui avait été confié le financement de la restauration des catacombes chrétiennes de Commodilla, et tombeaux de saints Pierre et Marcelin, qui se trouvent dans le quartier Garbatella dans le sud de Rome. Le 3 mars dernier, le cardinal Gianfranco Ravasi, président de la Commission pontificale d’archéologie sacrée, qui était déjà à l’œuvre lors du précédent accord, et le Dr Anar Alakbarov, directeur de la Fondation Heydar Aliyev [du nom de l’ancien président de la république d’Azerbaïdjan], ont visité cette nécropole, constaté de l’évolution des travaux et décidé de poursuivre ce mécénat. 

La Commission pontificale d’archéologie sacrée a proposé à la Fondation Heydar Aliyev un programme de conservation qui vise à mettre en valeur les catacombes de Commodilla, en vue de les ouvrir au public. Une attention particulière est accordée à deux sites exceptionnels : la «Regione di Leone" et la «Petite Basilique» dédiée aux martyrs Félix et Adautto. 

Dialogue interreligieux ou soft-power?

À première vue, cette entreprise philanthropique s’inscrit pleinement dans la dynamique d’échanges interreligieux prônés le pape François dans Fratelli tutti. Pays d’islam «modéré», dont le président s’est rendu à plusieurs reprises au Vatican, l’Azerbaïdjan est un partenaire de choix pour le Saint-Siège. C’est dans cette optique que le pape avait envisagé son voyage en 2016 en Arménie et en Azerbaïdjan, prônant à Tbilissi comme à Bakou un « dialogue sincère » pour la paix. 

Mais le mécénat effectué dans les catacombes pourrait aussi s’intègrer aussi dans une stratégie de soft-power de grande ampleur. La république caucasienne – assise sur d’importants revenus générés par les hydrocarbures de Caspienne – a particulièrement investi ces dernières années dans la restauration de biens chrétiens, finançant par exemple la restauration d’un bas-relief de la rencontre du pape Léon Ier et d’Attila de la basilique Saint-Pierre, ou encore la rénovation une église albanaise à Gabala. 

Le pape n’a pas désigné l’Azerbaïdjan comme agresseur

L’invasion du Haut-Karabagh, zone contestée, par les forces azéries pendant l’automne 2020, a d’ailleurs donné lieu à une réaction modérée de la part du Saint-Siège, qui s’est toujours abstenu de désigner l’Azerbaïdjan comme agresseur, malgré les appels de la communauté chrétienne arménienne et du patriarche suprême de tous les Arméniens, Karekin II. 

Lors d’un Angélus le 27 septembre 2020, le pape avait demandé des « gestes de paix ». Quelques mois plus tard, à l’occasion de son discours au corps diplomatique, le 8 février 2021, il a déploré la crise dans le « Caucase méridional », mais n’a pas mentionné spécifiquement l’Arménie ou l’Azerbaïdjan. (cath.ch/imedia/cd/mp)

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