Irak: «Les musulmans sont heureux» de recevoir le pape

Le pape François a appelé des chefs spirituels d’Irak à faire l’expérience de la Fraternité, dans son discours à Ur, le 6 mars 2021. En marge cette rencontre interreligieuse, le Père Éphrem Azar, dominicain irakien, rappelle que sans l’expérience de l’altérité, «on ne peut pas avancer dans la vie».

Par Arthur Herlin, I.MEDIA

Que vous inspire la plaine d’Ur, berceau d’Abraham, choisie pour réunir le pape et les chefs spirituels des religions d’Irak?
Père Éphrem Azar: Il y a une grande dimension symbolique, pas seulement pour l’Irak et sa culture, mais au niveau spirituel de l’être humain. Quand Dieu dit à Abraham littéralement «va vers toi», cela signifie que pour construire l’être humain il faut aller vers soi d’abord, et approfondir ce que notre être à d’intime. Et si chacun le fait, vous allez voir, le dialogue va s’instaurer naturellement.

«A Mossoul, ce sont les musulmans qui ont décoré les lieux et qui ont construit un fauteuil pour le pape»

La vérité n’existe pas, pas plus que les vérités, mais chacun doit aller dans sa direction comme les fleuves vers le même océan. Et l’océan, on ne peut pas le sonder. C’est-à-dire ni Dieu ni la vérité ne peuvent être sondés. Alors on va chercher ensemble. On ne peut donc avancer dans la vie sans altérité: c’est dans la différence que nous pouvons mûrir. Le pape l’a bien dit, c’est indispensable.

Quelles peuvent être les retombées en Irak après cette visite du pape?
Ce sera déjà de pouvoir écouter un tel homme dire des choses vraies, simples, bien qu’il ait un autre accent, un autre vocabulaire. Vous n’imaginez pas dans la plaine de Ninive à quel point sont heureux les musulmans, même plus que les chrétiens! Parce qu’ils voit bien que ce n’est pas un politique. Dans les ruines de Mossoul où le pape est invité, ce sont les musulmans qui ont orné et décoré les lieux, qui ont construit un fauteuil pour le pape. Vous n’imaginez pas comme ils sont contents. 

Moi-même, enfant, j’ai été allaité par une musulmane. C’est ça l’Irak, mais tout est foutu actuellement. On le sent, vous allez le sentir dans la plaine de Ninive, lorsque nous aidons des musulmans avec mon association, nous récoltons beaucoup de critiques de la part des chrétiens. Il y a une colère à cause de Daesh mais ça ne peut pas fonctionner comme ça. C’est l’espoir que nous mettons dans cette visite.

Vous avez discuté avec un leader spirituel après la cérémonie, que lui avez-vous dit?
Il s’agit du cheikh Farouk, chef spirituel yézidi: je lui ai dit que je suis allé prier sur la tombe près d’Alqosh de son prédécesseur. J’aime beaucoup cette communauté. Elle a beaucoup souffert. Mon association a aidé 101 femmes yézidies libérées et avons le projet à la rentrée de fournir tout le matériel scolaire à 250 élèves et d’aider 250 femmes libérées. 

«Le pape a utilisé un terme que l’on a jamais entendu en Irak depuis 2003: réconciliation»

Que vous a-t-il répondu?
Il m’a remercié beaucoup et s’est tourné vers un prêtre yézidi pour lui demander d’ajouter mon nom à la liste d’invités d’une fête qu’ils donnent prochainement.

Quelle image garderez-vous de cette rencontre interreligieuse?
C’est un voyage avec une dimension qui va au-delà de tous les voyages de chefs d’État. Il n’y a ni contrat militaire ni commercial. Le pape est un homme de paix qui a utilisé un terme que l’on a jamais entendu en Irak depuis 2003: réconciliation. Personne ne l’a dit. Si vraiment on avait eu cette volonté de la réconciliation après la chute de Bagdad, rien de tout ce qui a suivi n’aurait eu lieu. (cath.ch/imedia/ah/gr)

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