Joseph: de l'antichambre au pinacle 1.2/6

La situation peut sembler paradoxale. Joseph, l’homme qui a été le plus proche de la Vierge Marie, le père nourricier de Jésus ne bénéficie pas d’un culte officiel dans l’Eglise latine avant le XVe siècle. Retour sur la 2e partie de la longue histoire d’une dévotion qui a fait d’un témoin taciturne le no 2 dans la hiérarchie des saints.

Maurice Page

Joseph a les faveurs de Thérèse d’Avila

Au XVIe siècle, la dévotion à Joseph gagne les familles religieuses. Ignace de Loyola en parle avec modération, mais dans la Compagnie de Jésus, sa dévotion sera désormais associée à celle de Marie. Dominicains et jésuites avaient été devancés par les carmes. Un nom domine tous les autres, celui de Thérèse d’Avila (1515-1582). La réformatrice du Carmel se fit l’ardente propagatrice de la dévotion à saint-Joseph. Elle placera les deux-tiers de ses fondations sous son patronage. «Les grandes faveurs que Dieu m’a faites par l’intermédiaire de ce bienheureux saint sont chose stupéfiante, ainsi que les périls dont il m’a sauvegardée, corps et âme», écrit-elle.

Le songe de Joseph | Anton_Raphael_Meng1774

A partir du Concile de Trente, sous l’influence de l’esprit critique humaniste et des attaques protestantes, l’iconographie de saint Joseph change. On se débarrasse de traditions difficiles à défendre. L’âne familier disparaît des tableaux qui représentent la fuite en Egypte. Le grand peintre espagnol Murillo (1617-1682), illustre la simplicité de la Sainte famille et de Joseph dans son atelier. Le charpentier de Nazareth, étudié désormais pour lui-même, devient un homme de chez nous, nettement plus jeune.

A la cour de France

Le nom de François de Sales (1567-1622) est également important dans l’histoire de la dévotion à saint Joseph. Le saint évêque de Genève lui consacre l’un de ses célèbres Entretiens spirituels. Les Visitandines héritèrent de la dévotion de leur père pour l’époux de la Vierge.

C’est dans cette lignée qu’il faut situer les célèbres panégyriques de Bossuet devant la cour de France en 1661. Sur les instances d’Anne d’Autriche, qui avait imploré le saint pour obtenir un descendant masculin, la France est consacrée à saint Joseph, par Louis XIV.

Le XVIIIe siècle voit paraître un grand nombre d’ouvrages savants ou populaires sur le culte de saint Joseph. Le cardinal Prosper Lambertini, devenu plus tard le pape Benoît XIV (1740-1758), lui consacre une savante dissertation historique et théologique.

Rempart contre le communisme et l’athéisme

A peine freiné par la Révolution française, la dévotion à saint Joseph reprend de plus belle au XIXe. D’innombrables congrégations, institutions, écoles se placent sous son patronage. Face à la révolution industrielle, à l’émergence du communisme ou de l’athéisme, Joseph apparaît comme le puissant intercesseur des classes laborieuses.

Saint Joseph travailleur

Alors que le monde catholique traverse une période critique après la chute des États pontificaux, Pie IX, le 8 décembre 1870, proclame solennellement saint Joseph patron de l’Église universelle. Les papes suivants affirment à leur tour leur dévotion à saint Joseph. Notamment Pie X qui porte le prénom de Giuseppe.

En 1955, Pie XII a établi une fête supplémentaire destinée à célébrer Saint Joseph travailleur, fixée au 1er mai afin de coïncider avec la Journée internationale des travailleurs instaurée par la IIe Internationale socialiste. Joseph éjecte alors de cette date les apôtres Philippe et Jacques.

Ainsi au cours de l’histoire, de personnage secondaire n’existant que pour attester de la virginité de Marie et de la divinité du Christ, Joseph aura gravi tous les échelons de la hiérarchie des saints, pour en devenir le no 2, placé immédiatement après la Vierge, son épouse. (cath.ch/mp)

Jésus et Marie assistent saint Joseph au moment de sa mort


Joseph patron de la bonne mort

A partir des XVIe et XVIIe siècles, au moment où sa dévotion se répand largement saint Joseph est invoqué comme le patron de la bonne mort. Trois raisons principales poussent à reconnaître le saint comme l’avocat des mourants. Sa mort paisible entre les bras de Jésus et de Marie et de Jésus, selon la tradition, est le trépas le plus heureux qu’on puisse souhaiter. Sa qualité de père adoptif du Christ lui donne une autorité particulière au moment où le Père jugera du salut éternel du fidèle, vers le paradis ou vers l’enfer. Enfin, on lui attribue une puissance formidable contre les démons qui au moment de la mort donnent leurs derniers assauts. Cette dévotion privée se développera aussi à travers les confréries de la bonne mort notamment promues par les jésuites. MP

Maurice Page

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