Jura: l'Ajoie – Clos du Doubs présente son futur «Espace pastoral»

L’Ajoie du futur: un seul «Espace pastoral» de 32 clochers conduit par 15 agents pastoraux. Prévu au 1er août 2021, le projet a été béni par l’évêque de Bâle. Interview des deux copilotes, Christophe Wermeille et Jean-Pierre Babey, qui seront respectivement responsable de l’Espace pastoral et prêtre responsable.

Le 19 mars 2021, une page se tourne pour l’abbé Jean-Pierre Babey et Christophe Wermeille, théologien en pastorale. Après 5 ans de réflexion ‘synodale’, les deux agents pastoraux jurassiens mandatés par Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, présentent la nouvelle structure pastorale pour le territoire de l’Ajoie – Clos du Doubs (civilement, le district de Porrentruy): un «Espace pastoral» qu’ils vont piloter au sein d’une Équipe pastorale de 11 personnes (4 prêtres, 1 diacre, 2 théologien-nes en pastorale et 4 animateurs-trices pastorales), avec l’appui de 4 autres membres associés (2 prêtres, 1 diacre et 1 théologienne en pastorale).

Vision globale et particularités locales

En comparaison avec d’autres parties de la Suisse romande, cet Espace pastoral est une sorte d’Unité pastorale XXL, avec la particularité d’être modérée par un binôme prêtre-laïc (selon le principe canonique de la direction extraordinaire des paroisses) et de ne pas avoir un centre névralgique déterminé. Le mot d’ordre: une vision globale dans le respect des particularités locales. Interview à deux voix.

Pouvez-vous énumérer, dans les grandes lignes, les raisons de ce renouvellement?
Christophe Wermeille: Trois axes sont à l’origine de la réflexion. Premièrement, la mise en œuvre des Orientations pastorales [promulguées en 2010, par Mgr Kurt Koch, ancien évêque de Bâle, ndlr]. Deuxièmement, la difficulté, pour les autorités diocésaines, de trouver le juste équilibre lorsqu’il faut nommer des agents pastoraux dans de petites équipes. Troisièmement, l’envie de trouver une organisation qui permette l’émergence de nouveaux projets signifiants pour les quêtes humaines et spirituelles de nos contemporains, où les bénévoles y trouvent aussi pleinement leur place.

L’abbé Jean-Pierre Babey, prêtre responsable de l’Espace pastoral Ajoie – Clos du Doubs | © Grégory Roth

«Vous voulons tenir compte des spécificités de la région: des paroisses locales dans un Espace pour se relier tous ensemble»

Abbé Jean-Pierre Babey

Pourquoi former un Espace pastoral précisément en Ajoie?
Jean-Pierre Babey: Cette restructuration pastorale essaye de tenir compte des spécificités de la région. Un territoire peu peuplé par rapport à sa surface, avec la particularité du Clos du Doubs. Il y a un centre évident qui est Porrentruy, où les gens viennent faire leurs commissions, à l’école et pour différents services et loisirs. A la patinoire, tous sont des supporters ajoulots, mais dès qu’ils rentrent chez eux, ils tiennent à leur identité locale: Haute-Ajoie, Vendline, etc. Ce projet respecte cela, à travers des paroisses locales et un Espace qui permet de se relier tous ensemble, sans gommer cette particularité.

Comment s’est passée la réflexion?
CW: Au départ du processus, le vicaire épiscopal nous a interpelés sur l’avenir pastoral de l’Ajoie: beaucoup de petites communautés gérées par des petites équipes pastorales. L’arrivée de nouveaux agents pastoraux crée des déséquilibres entre équipes. Comment y remédier? L’abbé Jean Jacques Theurillat nous a demandés de partir sur un projet de réflexion à vivre entre nous, avec les conseils et avec les communautés, afin de proposer un chemin pour la suite. Puis l’évêque de Bâle a accompagné la démarche – qui visait à adapter le nombre de paroisses à la réalité – et en a validé le rapport final.

Quels sont les objectifs de cet Espace pastoral?
CW: Deux accents forts. Premièrement, avoir de la proximité de terrain. C’est ce que le pape François appelle ‘prendre soin des périphéries’. Car cet Espace n’est pas une fusion où tout va se passer au même endroit. C’est pourquoi, il est composé de 6 paroisses nouvelles (29 jusqu’à présent). Deuxièmement, avoir de l’événementiel. Comme certaines choses ne peuvent se vivre localement, il est important d’avoir des propositions qui puissent rejoindre différents publics et leurs attentes spécifiques. C’est pourquoi, des Pôles pastoraux seront créés, suite aux expériences de collaborations fructueuses menées ces dernières années.

Christophe Wermeille, théologien en pastorale et responsables de l’Espace pastoral Ajoie – Clos du Doubs | © Grégory Roth

«On ne va pas faire du neuf pour faire du neuf.
L’idée n’est pas non plus de modifier ce qui fonctionne»

Christophe Wermeille

Quels changements concrets pour les paroissiens?
CW: Il est important de rassurer les paroissiens: on ne va pas faire du nouveau pour faire du nouveau. Le programme sera commun. Alors qu’avant, chaque Unité pastorale (UP) faisait son propre programme. L’idée n’étant pas non plus de modifier ce qui fonctionne. Entre les 5 UP d’avant et les 6 nouvelles paroisses – à l’exception de l’UP Saint-Gilles et Clos du Doubs scindée en deux paroisses –, nous avons gardé le même découpage. Les paroissiens conserveront ainsi leurs repères, avec leur secrétariat paroissial, les contacts locaux, etc.

Pourquoi n’avoir pas fait qu’une seule paroisse pour toute l’Ajoie?
JPB: C’est un choix qui aurait pu être fait. Mais nous voulions éviter d’avoir une seule paroisse de Porrentruy, avec le risque que toute la pastorale y soit centralisée. Avec un Espace de six paroisses, chacune d’elle garde son identité propre, un lien de proximité et une vitalité locale. C’était la volonté de l’évêque: que tout ne soit pas centralisé à Porrentruy. Et il y aura au moins un agent pastoral répondant pour chaque paroisse.

L’Espace pastoral Ajoie – Clos du Doubs et ses six nouvelles paroisses | © Pascal Tissier / cath-ajoie.ch

Certains services seront toutefois mis en commun?
CW: Certaines choses continueront d’être prises en charge de manière transversale. Par exemple, la pastorale jeunesse sera l’un de ces Pôles pastoraux. Une proposition commune sera faite à toutes les paroisses. C’est également le cas pour la communication, avec un bulletin ainsi qu’un site internet communs. Pour la catéchèse, les nouveaux parcours d’initiation à la vie sacramentelle (Eucharistie, Pardon, Confirmation) seront mis en œuvre de façon commune pour tout le territoire. Puis les offres se feront à tour de rôle dans chaque paroisse, mais en étant ouverts à tous et pour tous les âges, de 7 à 107 ans.

Des parcours «ouvert à tous», c’est à dire?
JPB: Celui qui ne pourrait pas effectuer un parcours sacramentel dans sa paroisse, pourra le faire quelques mois plus tard dans une autre, ou attendre plusieurs années s’il ne se sent pas prêt. De même des adultes qui souhaitent entreprendre un parcours d’initiation.

«L’Espace pastoral permet d’allier propositions traditionnelles et besoins nouveaux»

Christophe Wermeille

Vous évoquiez également de nouvelles propositions pastorales…
CW: Grâce à cette grande équipe pastorale, l’Espace permettra d’allier le traditionnel et les besoins nouveaux. Nous pourrons, d’un côté, continuer à proposer des Eucharisties pour ceux qui le souhaitent. Mais nous pourrons être attentifs à toute cette population qui ne se retrouve pas dans les propositions traditionnelles de l’Église. Ces dernières années, de nombreux bénévoles se sont investis dans des projets nouveaux. Parmi lesquels, de la catéchèse intergénérationnelle, des événements inter-paroissiaux, une chasse au trésor de l’Épiphanie, un chemin des chapelles, des activités œcuméniques avec la paroisse réformé, des prières de Taizé, des soirées de St-Valentin, etc. Ce sont des projets que nous souhaitons encourager.
JPB: Nous voulons être dans une posture de réception et d’accueil face à ce qui émerge. A un ou deux agents pastoraux par Unité pastorale, nous ne pouvions pas le faire. Mais dans une équipe d’une quinzaine de personnes, avec de nombreux charismes, cela devient possible.

L’équipe de l’Espace pastoral Ajoie – Clos du Doubs (de g. à dr.): Patrick Godat, Malou Langenegger, Sébastien Brugnerotto, Jean-Pierre Babey, Christophe Wermeille, Nathalie Jolissaint, Alphonse Onésime Nkadi Mukini, Jean-Marie Nusbaume, Marie-Andrée Beuret, Stephan-Emmanuel Simonin, Ursula Dörfliger | © Pascal Tissier – SCJP – photo-montage

D’où vient cette nomenclature «Espace pastoral»?
CW: Bien que cet Espace pastoral soit le premier dans le Jura pastoral [et en Suisse romande, ndlr], nous n’avons rien inventé. Il s’agit d’un modèle qui se vit depuis quelques années dans le diocèse de Bâle, appelé Pastoralraüme. S’il s’avère fructueux, il pourrait peut-être inspirer d’autres régions.

Est-ce que cette nouvelle structure permettra par exemple aux prêtres d’avoir moins d’administratif et plus de pastorale?
JPB: On espère effectivement que les prêtres puissent dégager plus de temps pour leur ministère. Quant aux autres changements éventuels, vous nous recontacterez dans une année pour faire le point (rire). (cath.ch/gr)

L’Ajoie – Clos du Doubs en transition
Le district de Porrentruy compte 25’000 habitants, dont 17’000 catholiques. La région va passer de 29 paroisses réparties en 5 UP (Unités pastorales) à 6 paroisses qui forment 1 Espace pastoral, avec une équipe pastorale de 11 personnes et 4 associés, engagée sur l’ensemble du territoire. Les messes continuent à être célébrées sur l’ensemble du territoire. Il sera également possible de vivre baptêmes, mariages et funérailles dans l’une des 32 églises de l’Espace pastoral, ainsi que d’autres prières et cérémonies, telles que les célébrations familiales, liturgies de la Parole, bénédictions de couples, célébrations d’accueil d’un enfant, marches spirituelles, entre autres. GR

Grégory Roth

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