Homélie du 28 mars 2021 (Mc 11, 1-10 et Mc 14, 1 – 5, 47)

Abbé Laurent Ndambi – Église St-Nicolas de Myre, Hérémence, VS

Jésus-Christ notre sauveur, est un crucifié ! Sur la croix, sa vie semble être un échec : tous, ou presque, l’ont quitté et sa mort infamante fait de lui un proscrit. L’échec de Jésus est aussi celui de ses compagnons d’infortune…

Echec de Judas, tellement insupportable qu’il le pousse à se pendre. Echec de Pierre, qui pourtant avait juré à Jésus de le suivre jusqu’au bout. Il pleurera amèrement. Echec de l’ensemble des apôtres. Tous s’enfuient et s’enferment dans leurs maisons, morts de peur et sans doute aussi morts de honte. Même leur prière n’est pas à la hauteur : à Gethsémani, ils n’ont pas réussi à prier une heure avec le Christ.

Il y a aussi l’échec de Pilate qui évoque nos lâchetés devant Dieu et devant les hommes quand nos intérêts personnels passent avant la justice et la vérité.

A côté de ces échecs, il y a aussi de réussite des quelques personnages qui ont éclairé l’heure des ténèbres par leur courage et leur foi. C’est le cas de Simon de Cyrène qui a porté la croix aux côtés du Seigneur. Cet homme incarne nos accompagnements fraternels de ceux qui souffrent, de ceux qui tombent, de ceux qui sont condamnés de façon injuste. Il nous invite à cette présence bienveillante auprès de ceux qui sont exclus, auprès de ceux qui sont persécutés. Il y a aussi le centurion, cet officier romain qui a rendu hommage au crucifié avec foi et courage, vraiment cet homme était le fils de Dieu. Joseph d’Arimatie qui a été voir Pilate pour lui demander le corps du Christ.

L’expérience douloureuse de l’échec

Dans la Bible, le récit de la passion ne fait pas figure d’exception. Nombreux sont les récits qui relatent l’histoire d’hommes et de femmes qui font l’expérience douloureuse de l’échec.

Abraham avant de devenir le père d’une multitude, vit le drame de ne pas avoir d’enfants alors qu’il est déjà un vieillard. Moïse avant d’être le libérateur de son peuple fut un assassin obligé de se cacher dans le désert. Nous connaissons les jérémiades du prophète Jérémie, les lamentations de Job, le chant du serviteur souffrant d’Isaïe ou le désespoir du prophète Osée qui pleure l’échec de son couple. De nombreux psaumes font échos à la prière de ces pauvres qui appellent Dieu à leur secours.

Aujourd’hui comme hier, nous vivons dans la culture de la réussite. Dans le domaine professionnel, il nous faut être compétitifs si nous ne voulons pas être écrasés par la concurrence. Partout dans toutes nos relations, il nous faut être à la hauteur, répondre aux attentes, sortir du lot, être performants, montrer notre utilité, notre efficacité. Ce stress, cette obligation de réussir provoquent quelquefois chez beaucoup un « burn-out », fatigue, dépression, sentiment du vide. Si l’obligation de réussir est parfois présente, on n’a jamais vendu autant d’antidépresseurs.

L’évangile ne serait plus jamais l’évangile s’il n’avait pas cette capacité à constamment nous prendre à contre-pied et nous pousser à nous remettre en question. Le messie est mort crucifié et abandonné ! Humainement, celui que nous reconnaissons aujourd’hui comme notre sauveur a échoué !

Vivre un passage

Saint Paul le dit en ces termes : Jésus, lui qui est de condition divine, s’est dépouillé. Il est devenu semblable aux hommes. Il s’est abaissé. Il a rejoint les hommes jusqu’au plus bas de leur obscurité, non par goût malsain de la souffrance, mais pour vivre avec nous un passage.

Ce mot passage est d’ailleurs la traduction littérale du mot « Pâques » en hébreu. A Pâques, nous sommes invités à passer le Christ. Il vient nous rejoindre, là où nous sommes, empêtrés parfois dans nos épreuves, pour nous faire passer avec lui.

Il nous prend avec lui dans sa prière lorsqu’au jardin des oliviers, il s’adresse au Père en disant : « Abba, Père, tout est possible pour toi ! » Il nous prend avec lui dans sa passion pour nous faire passer de la méfiance à la confiance, de la défiance à l’espérance, du doute à la foi, et de la mort à la vie. Comme le dit saint Paul, le Christ Jésus s’est dépouillé pour nous élever. Il s’est abaissé pour nous faire passer, par lui, avec lui et en lui de l’ombre à la Lumière.

La puissance de l’amour

Oui, notre sauveur est crucifié ! La croix, cet arbre de mort, par lui est devenu l’arbre de Vie. Il nous révèle ainsi que l’unique puissance capable de renverser les portes de la mort est la puissance de l’amour et du pardon qui va jusqu’au bout pour une nouvelle alliance.

Au terme de cette célébration, disons merci au Seigneur de nous avoir tant aimés et d’avoir donné sa vie pour nous sauver. En remettant son esprit entre les mains du Père, il nous fait prendre conscience qu’en mourant, notre vie ne tombe pas dans le néant, comme voudrait nous faire croire la pensée athée, mais dans les « mains du Père ». Merci Seigneur de nous avoir tant aimés. Amen.

Lectures bibliques :
Marc 11, 1-10 ou Jean 12, 12-16 (Procession des rameaux) 
Isaïe 50, 4-7; Psaume 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a; Philippiens 2, 6-11; Marc 14, 1 – 5, 47 [ou lecture brève : Marc 15, 1-39]

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