Dante Alighieri, poète très chrétien et ennemi des papes 3/3

Dante a été l’adversaire de presque tous les papes de son temps, à commencer par Boniface VIII, son bourreau. Théoricien de l’ordre diplomatique du monde, il milite toute sa vie pour une réduction des pouvoirs temporels des pontifes. Ce combat, pour autant, n’en fait en rien un adversaire de l’Église et de la papauté.

Par Camille Dalmas/I.Média

Le poète italien place cinq évêques de Rome en Enfer, il en rencontre un nombre par beaucoup plus conséquent au Paradis. Et avant le troisième et dernier règne de la Divine Comédie, on retrouve de nombreuses figures religieuses dans le Purgatoire. Là, les papes y sont une denrée plus rare… La plupart du temps, pour Dante, le trône de Pierre mène soit à la sainteté la plus admirable soit à l’abime de la Géhenne.

Le seul représentant notable des pontifes dans le livre intermédiaire de la Divine Comédie est le pape Adrien V, dont le règne ne dura qu’un peu plus d’un mois en 1276. Dante le place, reprenant une tradition – historiquement sans fondements – de Jean de Salisbury, parmi les «avares et les prodigues». Cependant, sa présence au Purgatoire et non en Enfer serait liée au fait que, selon le chroniqueur anglais, son avarice avait disparu après son élection sur le trône de Pierre. Le pontife témoigne ainsi de sa repentance:

« Ma conversion, hélas, tarda.

En devenant pasteur romain,

J’ai su le leurre de la vie.

Avant cela mon âme était

Trop loin de Dieu et si cupide 

Voilà comment j’en suis puni. »

Au Paradis, Dante, accompagné de sa tendre Béatrice qu’il a retrouvée, se trouve être guidé par le premier pontife saint Pierre. Comme il avait pu le faire avec Virgile aux plans inférieurs, c’est donc avec le «détenteur des clés de gloire» que discute le poète lors de cette ultime pérégrination.

Dante et Béatrice au paradis, illustration de la Divine comédie par Gustave Doré | Domaine public

L’ancien pécheur de Galilée le fait gravir parmi les différents «cieux», équivalents célestes des cercles de l’enfer. À un moment, il en vient à discourir de la primauté de l’évêque de Rome. Il donne en exemple son martyr et celui des papes Lin Ier, Anaclet Ier, Sixte Ier, Pie Ier, Calixte Ier et Urbain Ier.

Les papes des premiers temps ne sont pas les seuls à trouver grâce aux yeux de Dante. Il en loue même un qu’il a connu de son vivant, même s’il était bien jeune à l’époque: Jean XXI (1276-1277). Le pontife portugais est désigné par son nom Hispanus, et est placé au quatrième ciel parmi les Savants, aux côtés par exemple de saint Thomas d’Aquin. Dante souligne que l’éphémère pontife est «auteur au moins de douze livres».

C’est enfin saint Pierre qui donne le fin mot du regard sévère et moral que porte Dante sur les dérives de la papauté à son époque:

« Il n’était pas dans notre but 

Que le peuple chrétien

Contre lui-même avec le pape

Ni les clés dont j’héritai

Deviennent le blason de guerre

Contre le peuple baptisé »

(cath.ch/imedia/cd/bh)

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