Sahel: comment contrer l'embrigadement des jeunes?

La clé de la paix dans la région sahélienne sera de créer la confiance entre jeunes chrétiens et musulmans avant que les groupes terroristes ne sèment la discorde. Telle a été la principale conclusion d’un atelier en ligne organisé le 30 mars 2021 par l’œuvre d’entraide américaine Catholic Relief Services (CRS).

Au Burkina Faso, des «clubs de la paix» sont actifs dans 15 écoles, de niveau lycée et collège, a déclaré Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada N’Gourma, à l’est du pays, lors de l’atelier en ligne. L’événement, relayé par le médias américain Catholic News Service (CNS), a rassemblé des représentants catholiques et musulmans de la région sahélienne.

Au Burkina, 80 jeunes, en outre, ont participé à l’une des 40 formations de renforcement des capacités pour des ateliers destinés aux femmes, s’est réjoui Mgr Malgo. Chrétiens et musulmans ont organisé 200 fêtes communes; et 30 chefs religieux ont été formés à la médiation des conflits. En outre, des conférences, des séminaires et des réunions de comités ont été organisés sur le principe de «consolidation de la paix et de la cohésion.»

«Nous sensibilisons et rassemblons les communautés»

«S’il est positif que les différents groupes religieux se réunissent et pensent à la paix, je sais qu’il y a beaucoup de difficultés et que nous avons besoin de beaucoup d’argent pour mettre en œuvre toutes les idées que nous avons», a déclaré l’évêque burkinabé. «Donc, quand nous parlons de soutenir les enfants, cela inclut la nécessité de les accueillir, de les nourrir, de leur donner des soins de santé, et aussi de les ramener à l’école.»

La caractéristique de l’un des ateliers réalisés au Burkina Faso était la présentation de rapports de quatre pays différents de la région sahélienne: le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Ghana. Pour chaque rapport, un chef religieux catholique et un musulman étaient assis ensemble, chacun présentant une moitié du rapport. Les deux dignitaires de chaque pays répondaient ensemble aux questions posées à la fin.

Toujours mettre les jeunes au centre

«Nous avons eu la participation de la jeunesse catholique, de la jeunesse musulmane et de la jeunesse protestante», s’est réjoui Mgr Malgo. Les jeunes sont chargés d’organiser des activités telles que des parades de sensibilisation à la paix.

Le but, est de renforcer la fraternité entre eux afin qu’ils puissent résister aux perspectives que les organisations terroristes leur présentent.

Le cheikh Al-Hussein Zakaria de Tamale, au Ghana, a estimé que l’opposition au terrorisme devait passer par une supervision des activités religieuses, ainsi que par la mise en place de groupes de jeunes et de femmes. «Nous voulons également marquer notre présence dans des structures fiables et dans les médias nationaux, afin de contrer tout le travail de désinformation qui rend le terrorisme attrayant pour nos jeunes chômeurs», a-t-il ajouté.

Impliquer les femmes

Pour Mgr Philip Naameh, évêque catholique de Tamale, les mères des jeunes vulnérables doivent également être impliquées.

Alors que le CRS a contribué au financement des efforts de paix au Ghana, l’aide américaine est nécessaire pour «continuer à soutenir les femmes afin qu’elles s’engagent dans des activités génératrices de revenus», a noté l’archevêque. «Nous pensons aussi que cela mènera à la paix. Les femmes voudront généralement que leurs enfants aillent à l’école et non pas qu’ils errent sans but, avec le risque d’être recrutés par les promoteurs de conflits.»

Initiatives inapplicables

Mgr Laurent Lompo, archevêque de Niamey, au Niger, et président de Caritas Développement Niger, a relevé que dans de nombreuses régions de son pays, il n’y a plus d’écoles, ni de centres de santé. Même les marchés locaux sont maintenant fermés à cause des violences.

Le cheikh Zakaria a souligné que le Centre de dialogue interreligieux de Tamale ciblait principalement les jeunes. De gros efforts ont été réalisés pour rassembler les jeunes scolarisés et non scolarisés. L’une des conséquences de cette démarche a été que les jeunes invitent régulièrement leurs collègues des autres confessions aux fêtes religieuses dans leur famille.

Le Père Alexandre Denou, secrétaire général de la conférence épiscopale malienne, a mis en avant que les populations sur la frontière entre le Mali et le Burkina Faso cohabitaient actuellement pacifiquement. Tout en précisant que 340’000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du Mali et que plus de 1’200 écoles ont été fermées en raison de l’insécurité. Le prêtre a déploré que la situation rendait les initiatives élaborées par les chefs religieux impossibles à mettre en œuvre. Et les conditions actuelles «rendent les jeunes plus vulnérables». (cath.ch/cns/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/sahel-comment-contrer-lembrigadement-des-jeunes/