Homélie du 11 avril 2021 (Jn 20, 19-31)

Abbé Michel Demierre -Église Saint-Maurice, Ursy, FR



« Ecoute », entendez bien ce mot, chers amis, pas seulement parce que la radio, ça s’écoute, pas seulement parce que l’Ecoute est le thème de réflexion proposé cette année aux membres de la Vie montante et du Mouvement chrétien des retraités. Les récits de la Résurrection méritent une écoute attentive, même si nous sommes des croyants bien informés au sujet des Evangiles.


Avec l’histoire de Thomas, n’avons-nous pas le sentiment d’être très proches de ces femmes et de ces hommes qui, pour la première fois, furent confrontés au mystère central de la foi chrétienne : la résurrection du Christ. Contrairement à ce que nous pourrions peut-être imaginer, à propos de ceux qui avaient connu et aimé Jésus, il ne fut pas du tout facile de croire.


Saint Marc nous rapporte l’essentiel : « Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparaît d’abord à Marie Madeleine…Celle-ci annonce la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s’affligeaient et pleuraient…pas étonnant que lorsqu’un de nos proches décède, nous soyons nous aussi abattus…Quand ils entendirent que Jésus était vivant et qu’elle l’avait vu, ils refusèrent de croire Marie Madeleine…puis Jésus se manifesta à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. (Mc 16, 9-15) Ils tournaient le dos à Jérusalem. Ils ne supportaient pas qu’après la manifestation d’enthousiasme des Rameaux, la ville était devenue le décor sinistre du vendredi saint.
Vous vous souvenez de cet étranger qui va à leur rencontre sur le chemin d’Emmaüs. Ils le reconnaissent au geste de la fraction du pain, (puis il disparaît à leurs yeux.) Quant à eux, tout retournés, ils reviennent sur leur pas et rapportent aux apôtres leur rencontre.

Dans leur cénacle, les disciples ont eu la visite du Ressuscité. Racontant cette apparition, saint Jean commence par décrire un groupe d’hommes timides et apeurés. Au soir de Pâques, les apôtres ne sont plus que dix, puisque Judas n’est plus là et que Thomas est absent. Les portes sont closes, par peur des juifs. J’en parlais un jour à Jérusalem avec un guide de pèlerinage qui vit là-bas. Les portes closes me disait-il « ce n’est pas pour nous laisser entendre que Jésus aurait traversé les murs, (comme le passe muraille sculpté sur une maison de Montmartre à Paris) mais pour bien nous faire comprendre qu’il ne vient pas du dehors, puisque les portes sont closes, mais qu’il était déjà là, et qu’il est et sera toujours là, comme sur la route vers Emmaüs, qu’ils le voient ou qu’ils ne le voient pas ! » (1)

Faire par soi-même l’expérience du Christ

En leur disant « la paix soit avec vous » le Ressuscité leur fait voir ses mains et son côté. Puis il souffle sur eux : « Prenez l’Esprit Saint. » D’après les exégètes, c’est plus juste de traduire ainsi le mot grec original, car, à la fois, on reçoit l’Esprit, il est donné, encore faut-il le prendre ! (1). Les apôtres en eurent bien besoin pour annoncer à Thomas, de retour parmi eux, ce qui s’était passé. Sous l’emprise d’un doute résolu. Thomas ne dit pas : « ce que vous m’annoncez n’est pas possible ou impensable ». Sa demande est claire : « Je veux voir moi-même ». Si nous avions été à sa place, avec, devant les yeux, l’image du Maître sur la croix, mort après une agonie indescriptible, les mains et les pieds troués et le côté transpercé, qu’elle aurait été notre réaction ? N’est-il pas légitime, en tout temps, de vouloir faire par soi-même l’expérience du Christ ? (1)

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Pour le persuader de l’authenticité de l’apparition de Jésus en son absence, les apôtres tiennent à Thomas une sorte de langage familier : « Ecoute, Thomas, nous sommes là. Dix hommes qui te connaissent. Comment peux-tu penser que nous voulons te tromper ? Nous comprenons ta méfiance, mais nous sommes dix, tes frères, à avoir vécu la même chose. » Et Thomas de leur répondre : « Je ne mets pas en cause votre bonne foi ; je ne dis pas que vous ne l’avez pas vu. Je sens bien que vous croyez l’avoir vu et je sais que vous ne voulez pas me tromper. J’aimerais tenir compte de votre témoignage mais, que voulez-vous, je ne serai sûr qu’à condition de le voir et de le toucher ».
Nous comprenons bien cette exigence de Thomas. Elle est humaine si respectable, et tellement contemporaine… elle peut être la nôtre. Thomas ne veut pas confondre Jésus avec un esprit ou un fantôme quelconque… Jésus est à nouveau présent, l’exigence de Thomas est parvenue à ses oreilles : Il lui déclare, avec une douceur probable : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Remarquez qu’il aurait pu avoir le ton plus dur qu’il eut parfois avec les pharisiens : « Malheur à ceux qui ne croient pas sans avoir vu ! » Il n’en n’est rien.
On nous dit aussi que les apôtres furent remplis de joie… Or la joie est contagieuse, allaient-ils savoir la partager ? C’est là qu’intervient à nouveau le Ressuscité. Il souffle sur eux : ils prennent pour eux cet Esprit qui fait d’eux des témoins.

« Prenez l’Esprit Saint »

Rapidement la communauté chrétienne s’agrandit. Saint Luc nous apprend en effet que les croyants sont devenus de plus en plus nombreux à écouter l’enseignement des apôtres, à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. Une explication à cet enthousiasme communautaire? Elle se trouve dans le souffle de Jésus qui avait dit : « Prenez l’Esprit Saint ».
« Prenez », à l’origine, le mot est le même que celui qui est employé par le Christ le Jeudi Saint : « Prenez et mangez… Prenez et buvez. » L’Esprit est donné ; encore faut-il prendre ! Tout comme l’Eucharistie qui est donnée, mais que l’on peut ne pas venir prendre…

Nous qui sommes dans cette église d’Ursy en présentiel, vous également, qui êtes à l’écoute d’Espace 2, laissons le Seigneur ressuscité traverser les murailles de nos peurs. Il vient nous saluer avec ses mots : « La paix soit avec vous ! » La pandémie que nous subissons et qui nous déstabilise, implique notre responsabilité de citoyen et de chrétien. Captons notre part du souffle de vie offert par le Christ à ses apôtres, au soir de Pâques. « Mon Seigneur et mon Dieu !» peut se dire en tout temps. Enfin, accordés à ce dimanche de la miséricorde, retenons cette parole pour un temps de Pâques : c’est le vœu d’une femme créatrice d’un mouvement d’Eglise :« Que la passion de faire se rejoindre le Christ ressuscité et notre monde… brûle nos cœurs. »(2) N’est-ce pas, chers amis, la mission des chrétiens ?

(1) d’après J.D. Gullung : Dieu se dit, éd. Écouter la Parole en Terre Sainte
(2) Marguerite Ph. Hoppenot, fondatrice Mouvement « Sève »

2e DIMANCHE DE PÂQUES ou DE LA MISÉRICORDE
Lectures bibliques : Actes 4, 32-35; Psaume 117, 2-4, 16ab-18, 22-24; 1 Jean 5, 1-6; Jesn 20, 19-31

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