L'aéroport de Zurich: un lieu spirituel, aussi en période de pandémie

Andrea Thali travaille depuis 21 ans comme aumônier à la chapelle de l’aéroport de Zurich. En ce moment, elle s’engage particulièrement auprès des employés restés sur les lieux, dont le moral est affecté par la prolongation de la crise sanitaire.

Vera Rüttimann, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

A l’aéroport de Zurich, la situation est toujours plutôt calme. Seuls quelques vols s’affichent sur les panneaux. Les restaurants et les cafés sont fermés. «Le trafic aérien a augmenté l’été dernier, mais c’est maintenant presque aussi calme que pendant le confinement, l’année passée», souligne Andrea Thali. En rencontrant les personnes dans le terminal, elle ressent une certaine lassitude. «Personne ne pensait, il y a un an, que la pandémie durerait aussi longtemps».

Après des décennies passées dans les couloirs de l’aéroport, Andrea Thali est toujours aussi passionnée par son travail. Les voyages, les avions, les passagers, c’est son univers. Elle ressent qu’elle est au bon endroit. Une conviction reflétée par la sérénité et l’assurance qui se dégagent d’elle. Cette théologienne catholique est à l’aise dans cette pastorale «du va et vient». Cela peut être une simple poignée de main avec une femme travaillant à la caisse, un échange de regards avec l’employé au comptoir d’enregistrement. Elle va vers tous avec un esprit complètement ouvert. Une approche qui lui vaut la reconnaissance de beaucoup de personnes en difficulté.

Un lieu d’inspiration

Andrea Thali est soutenue dans son travail par le pasteur réformé Stephan Pfenninger Schait, ainsi que par l’agente pastorale réformée Jacqueline Lory. Ensemble, ils forment l’équipe œcuménique d’aumônerie de l’aéroport de Zurich.

" Face à ce silence extérieur, je me suis sentie d’autant plus appelée à maintenir vivant ce silence intérieur nourricier»

La chapelle se situe au niveau 2 du complexe. Les visiteurs peuvent y prier dans des salles interconfessionnelles, rechercher le silence ou le contact avec les aumôniers. Le lieu est rarement vide. Actuellement, on peut y admirer deux nouvelles sculptures de bois carbonisé de l’artiste d’origine allemande Andreas Biank. Andrea Thali, qui a suivi une formation artistique, a déjà conçu divers événements avec le sculpteur à l’aéroport.

Podcasts de méditation

Le virus a bien sûr également bouleversé le quotidien de l’aumônier. Le vernissage de l’exposition avec Andreas Biank a par exemple dû être reporté au 20 mai. Le travail dans la chapelle a été adapté à la nouvelle situation. Le lieu n’a pas accueilli depuis longtemps d’office religieux. De nombreux membres du personnel travaillent à domicile. L’équipe a dû lancer des projets compatibles avec cette nouvelle donne.

En a notamment résulté la démarche de podcasts «Mittagsflug» (vol de midi), dans lesquels l’équipe d’aumônerie discute de sujets d’actualité. Les épisodes sont diffusés chaque samedi à midi. Chaque podcast commence par le son d’un avion. Les épisodes portent des titres tels que «Lost in Translation», «The Spirit of Flying» ou «Chairlift Flight». Un projet très important pour Andrea Thali: «Grâce à cela, je peux travailler avec d’autres personnes dans une énergie créative, à une époque où les titres des journaux sont en grande partie négatifs.»

Un nouveau silence

Le travail pastoral auprès des employés de l’aéroport constitue l’essentiel de son activité, surtout depuis le début de la pandémie. Le silence qui règne dans le terminal certains jours peut être très oppressant pour ceux qui y travaillent. " Face à ce silence extérieur, je me suis sentie d’autant plus appelée à maintenir vivant ce silence intérieur nourricier», note-t-elle. Depuis sa jeunesse, la théologienne trouve la force nécessaire à affronter le quotidien dans la méditation. Une pratique qu’elle préfère réaliser en groupe. «C’est de cette façon que l’on peut vivre les expériences les plus surprenantes et profondes».

Andrea Thali travaille depuis 21 ans dans l’équipe d’aumônerie de l’aéroport de Zurich | © Vera Rüttimann

Afin de partager ces expériences avec les employés, elle a contacté le département des ressources humaines de l’aéroport. «Ils ont été très réceptifs à mon idée de proposer une méditation de pleine conscience en ligne et m’ont soutenue», explique Andrea Thali.

Tous les jeudis de 9h30 à 10h, le «Mindfulness Moment» a ainsi lieu via Skype depuis début février. Dans un autre groupe de méditation, qu’Andrea Thali a lancé peu après le début de la crise, la méditation a lieu tous les mardis, à 6h du matin, via Zoom. «Je cherche également à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté», explique l’aumônier.

Refuge spirituel

Ces derniers mois, l’aéroport de Zurich a à nouveau enregistré un plus grand nombre de passagers en rade. «De nombreux voyageurs sont bloqués parce qu’ils ne peuvent pas présenter un test de coronavirus valide». Certains se retrouvent complètement dépassés par la situation. Elle mentionne le cas d’une Danoise qui rendait visite à son ami en Suisse et s’est retrouvée bloquée à l’aéroport. «Lorsqu’elle a appris que son test n’était plus valable, elle a couru dans tout le terminal en pleurant», se souvient Andrea Thali. Après avoir discuté avec elle dans les salles de la chapelle, elle s’est calmée. «L’autre jour, j’ai retrouvé une barre chocolatée sur mon bureau en guise de remerciement».

«Prendre l’avion est pour beaucoup un acte fort émotionnellement»

Andrea Thali a de nombreuses histoires d’aéroport à raconter. Celle de cette femme de 80 ans qui a récemment manqué son vol pour Moscou, notamment. Comme elle devait attendre quelques jours pour son vol de retour, elle a été hébergée à l’hôtel. Elle en est partie en prenant un chemin détourné vers l’aéroport de Zurich et s’est retrouvée dans les locaux de l’aumônerie. Elle ne voulait pas retourner à l’hôtel, mais n’était pas autorisée à dormir dans l’aéroport. «Nous avons donc dû chercher une solution». À titre exceptionnel et en concertation avec les autorités concernées, elle a été autorisée à dormir sur un tapis de yoga dans la chapelle. «Elle en était très heureuse et reconnaissante». Au matin, Andrea Thali est allée lui acheter un petit déjeuner.

Le vide comme une plénitude

Il est plutôt rare que la théologienne s’adresse aux personnes de façon directe, dans l’aéroport. La plupart du temps, les passagers en difficulté sont pris en charge par la police ou le service de sécurité et dans un second temps dirigés vers l’équipe d’aumônerie. «Nous pouvons nous appuyer sur un vaste réseau de structures avec lesquelles nous travaillons étroitement».

Pour Andrea Thali, l’aéroport de Zurich est plus qu’un simple lieu de travail. «Je me sens encore plus chez moi ici qu’à Bülach, où j’habite», assure-t-elle. L’atmosphère méditative qu’elle trouve parfois dans l’aéroport y est pour beaucoup. La désertion actuelle des bâtiments ne représente pas pour elle quelque chose d’uniquement négatif: " Je peux aussi vivre le vide comme une plénitude nourrissante».

L’aéroport, un lieu «entre terre et ciel»

Pour cette maman d’un garçon de 11 ans, un aéroport est définitivement un «lieu spirituel». Elle le voit un peu comme une cathédrale, avec ses nombreux signes symboliques représentant les hauts et les bas de la vie. Comme le radar de la tour de contrôle, qui tourne violemment dans le vent; les traces de dérapage, les flèches et les marques sur le tarmac; les escaliers mécaniques qui descendent ou montent. De plus, «prendre l’avion est pour beaucoup un acte fort émotionnellement», relève Andrea Thali.

Le nouveau quartier de Zurich dénommé «The Circle», créé ces dernières années aux portes de l’aéroport, lui apparaît également comme un large espace méditatif. Avec ces hôtels, ces magasins et son parc attenant, elle s’y rend parfois «pour prendre une grande respiration et recharger mes batteries».

L’aumônier de l’aéroport aime se tenir sur la «plate-forme du ciel» pour y regarder les mouvements de l’eau. En temps normal, on y entend continuellement le bruit des avions qui décollent ou atterrissent. Elle apprécie surtout de se promener dans le bois du parc le soir, lorsque la lumière baigne les arbres d’une douce couleur orangée. «Ici, je peux au mieux réfléchir à ce qui relie le ciel et la terre.» (cath.ch/kath/vr/rz)

Rédaction

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