À Glaris et à Schwytz, les catholiques étrangers ne peuvent pas voter

Le principe veut qu’il n’y ait pas d’étranger dans l’Eglise. Sauf dans quelques cantons suisses, où les catholiques de nationalité étrangère n’ont toujours pas le droit de vote et d’éligibilité dans les corporations ecclésiastiques.

Barbara Ludwig, kath.ch / traduction adaptation Maurice Page

Si l’Église catholique romaine est universelle, la Suisse est un cas particulier. Dans la plupart des Eglises cantonales de Suisse, la nationalité ne joue aucun rôle dans l’appartenance à une collectivité ecclésiastique. Mais, fédéralisme oblige, les règles varient d’un canton à l’autre et parfois même d’une paroisse à l’autre. Dans certains endroits, seuls les porteurs du passeport à croix blanche sont des citoyens catholiques à part entière. Kath.ch a mené l’enquête

Dans le système dual prévalant en Suisse, les paroisses canoniques sont en effet doublées d’une corporation ou d’une association de droit civil régie selon les principes démocratiques. Ces corporations sont chargées, entre autres, des finances et de l’entretien du patrimoine. Elles perçoivent pour cela un impôt ecclésiastique. A l’instar des communes, dont elles reprennent le fonctionnement, elles sont dotées d’une assemblée et d’un conseil élu par les citoyens catholiques. Le même système se réplique au niveau des corporations ecclésiastiques cantonales avec un législatif et un exécutif. Elles s’appellent souvent de manière un peu abusive Eglise cantonale (Landeskirche).

Un permis B ou C est souvent nécessaire

L’église catholique Sts Pierre et Paul de Winterthur a été construite en 1868 | © S. Kölliker / www.artaphot.ch

Dans la large majorité des cantons, les catholiques sans passeport suisse sont autorisés à participer aux votations et aux élections des organes démocratiques au niveau paroissial et cantonal.

L’âge du droit de vote est de 16 ou 18 ans. Dans certains cas, le droit de vote et d’éligibilité est lié à un permis d’établissement ou de séjour. Soit le permis B qui s’obtient avec un contrat de travail, soit le permis C après cinq ans de résidence en Suisse. Les requérants d’asile dont la procédure n’est pas encore terminée et les migrants sans statut régulier (sans-papiers) n’ont, sauf exception, pas accès au droit de vote.

Décision au niveau paroissial

Dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, des Grisons, de Soleure et de Zoug, ce sont les paroisses qui décident de l’introduction du droit de vote des étrangers et des exigences qui y sont liées.

Il n’existe pas de vue d’ensemble de l’étendue exacte de la mise en œuvre du droit de vote des étrangers dans le canton de Soleure, admet Kurt von Arx, président du Conseil synodal. «Il s’agit d’environ 15 paroisses sur un total de 73, soit 20%», estime-t-il. La situation n’est pas claire non plus dans les Grisons.

Dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures et Zoug, toutes les paroisses ont cependant introduit le droit de vote pour les étrangers catholiques.

Pionniers et réfractaires

L’église catholique St-Fridolin à Glaris | Pfarrei St-Fridolin

Dans d’autres cantons, le droit de vote des membres d’Eglise étrangers existe depuis des décennies. À Bâle-Ville, il a été introduit en 1973, à Bâle-Campagne en 1976, puis à Lucerne en 1993 et à Berne en 1994.

Toutefois, il existe encore des cantons où les catholiques étrangers sont exclus de la participation aux organes des corporations ecclésiastiques. Dans le canton de Glaris, seules les catholiques ayant la nationalité suisse ont le droit de voter et d’être élus, a confirmé à kath.ch Stefan Müller, président exécutif de l’Eglise cantonale.

Les choses ne s’annoncent pas mieux dans le canton voisin de Schwytz. Mais la situation pourrait changer, puisque les électeurs catholiques seront appelés aux urnes le 27 juin 2021 pour décider s’ils veulent accorder ou non le droit de vote à leurs coreligionnaires étrangers. L’an dernier, l’assemblée de l’Eglise cantonale avait pris une décision en ce sens. Mais un député cantonal UDC a déposé un référendum contre ce projet.

Moins de contraste en Suisse romande

Eglise Sts-Pierre-et-Paul, Marly, FR

Le paysage est moins contrasté en Suisse romande, où le principe du droit de vote des étrangers en Eglise est acquis partout. Un examen plus détaillé, livre cependant de nombreuses différences. Seuls les cantons de Fribourg et du Jura connaissent un système avec des corporations ecclésiastiques paroissiales et cantonales analogue aux cantons alémaniques. Dans le Jura, l’ordonnance précise que «tout membre de la Collectivité ecclésiastique cantonale, sans égard à sa citoyenneté, domicilié dans la commune ecclésiastique, est électeur à 16 ans et éligible à 18 ans révolus.»

Là où les paroisses existent en tant que corporations de droit public, elles doivent tenir un registre électoral et convoquer tous les membres pour chaque scrutin et élection. Elles bénéficient souvent pour cela du soutien des autorités communales.

Des associations pour Genève, Neuchâtel et Vaud

A Genève, Neuchâtel et Vaud, les paroisses sont organisées en associations de droit civil. Elles accordent le droit de vote à tous les membres de l’Église qui vivent sur leur territoire et ont un statut de résidence légale – quelle que soit leur nationalité. Elles convoquent généralement les fidèles aux assemblées paroissiales par une invitation publique générale dans le bulletin paroissial ou par un affichage à l’extérieur de l’église.

En matière de droit de vote, la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD) va même plus loin. «Les migrants catholiques vivant dans les centres d’asile fédéraux sont également membres à part entière des associations paroissiales sur le territoire desquelles se trouvent les centres», indique Cédric Pillonel, secrétaire général de la FEDEC.

Ce que dit le droit canon

Le droit de canon de l’Eglise catholique ne contient aucune mention de nationalité. Il stipule en son art 96 que «par le baptême, un être humain est incorporé à l’Église du Christ et y est constitué comme personne avec les obligations et les droits qui sont propres aux chrétiens.» Le droit canon ne connaît pas non plus de droit de vote accordé aux fidèles, mais il énonce à l’article 212 que «Selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils (les fidèles) ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles.» MP

Le cas particulier du Valais

Le Valais fait figure de véritable exception, puisqu’il ne connaît pas de structure ecclésiastique en dehors du droit canonique. Les paroisses n’y sont pas non plus organisées en associations. Elles sont placées sous l’autorité du curé, selon les dispositions du droit canon qui ne prévoit pas de droit de vote pour les fidèles.

Eglise Saint-Nicolas d’Hérémence (VS), consacrée en 1971. Exemple d’architecture novatrice, avec une utilisation artistique du béton armé | © Bernard Litzler

«La participation des membres de l’Eglise n’est pas prévue en termes purement juridiques. Cela dépend du curé s’il inclut les fidèles ou non. Par exemple, en convoquant une réunion paroissiale pour discuter d’un sujet», explique le vicaire général pour la partie alémanique du diocèse de Sion, Richard Lehner.

Les membres des conseils de paroisse ou conseils de fabrique qui traitent des questions administratives et financières sont désignés par cooptation. Le curé de la paroisse et un représentant de la commune politique y siègent d’office. Il n’y a donc pas d’élection démocratique.

Au Tessin, l’Église catholique romaine est reconnue comme une corporation de droit public, mais les paroisses s’organisent selon leurs propres règles. Il existe des droits de codétermination pour les membres – indépendamment de leur nationalité. Cela inclut le droit de voter et d’être élu au niveau de la paroisse, explique le porte-parole du diocèse, Luca Montagner.

Malgré l’avis unanime du parlement de l’Église de Schwytz favorable au droit de vote des étrangers, l’issue du vote à Schwyz reste incertaine. (cath.ch/kath/bal/mp)

Le peuple doit trancher
«Je n’ai rien contre les étrangers, mais comme beaucoup, je suis convaincu que ce sont les électeurs et non le parlement ecclésiastique cantonal qui doit décider d’un changement aussi fondamental de la loi explique Bernhard Diethelm qui a lancé le référendum sur lequel les Schwytzois sont appelés à voter le 27 juin. Il rappelle à kath.ch que l’introduction du droit de vote pour les étrangers a déjà été rejetée deux fois à Schwytz.
Pour lui, le droit de vote et d’éligibilité ne devrait être accordé qu’une fois l’intégration réussie par l’obtention de la nationalité suisse. Tout comme cela se fait au niveau politique. MP

Maurice Page

Portail catholique suisse

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