Dons d'organes: une «troisième voie» est possible

Le Conseil national suisse a approuvé, le 5 mai 2021, le passage au consentement présumé concernant le don d’organes. Le bioéthicien valaisan Stève Bobillier préconise une voie alternative à celles discutées au Parlement.

Evénement rare sous la coupole fédérale, ce 5 mai: les conseillers nationaux ont approuvé aussi bien une initiative populaire sur le don d’organes qu’un contre-projet indirect mis au point par le plénum. Les deux textes sont en faveur d’un changement de paradigme: selon la législation actuelle, il n’est possible de prélever des organes que sur des personnes défuntes qui ont clairement exprimé leur acceptation.

Or, l’initiative acceptée par le Conseil national souhaite que toute donneur potentiel soit considéré comme consentant, à moins qu’il n’ait dûment exprimé son opposition. Le contre-projet est d’accord avec ce principe de consentement présumé, mais y a introduit deux «cautèles»: un droit de veto pour les proches et l’interdiction du prélèvement s’il n’est pas possible de contacter ces derniers dans le temps nécessaire.

L’Eglise encourage le don d’organes

Stève Bobillier, collaborateur scientifique de la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses (CES), travaille depuis longtemps sur le sujet du don d’organes. Soulignant que la CES devrait prochainement prendre officiellement position sur cette question, il rappelle tout d’abord que l’Eglise catholique est fondamentalement favorable au principe du don d’organes. «C’est un acte considéré par la doctrine catholique comme méritoire, charitable et fraternel». Il relève aussi la situation insatisfaisante dans laquelle se trouve actuellement la Suisse en la matière, et que des vies sont régulièrement perdues à cause du manque de donneurs.

Pas la panacée

S’il devait choisir entre les deux textes proposés par le Conseil national, Stève Bobillier aurait une légère préférence pour le contre-projet, qui lui paraît plus éthique. «Il est important que la famille puisse se prononcer sur ces questions qui touchent à l’intégrité du corps d’une personne aimée, et qui sont très émotionnelles».

Cela n’exclut pas un certain nombre de difficultés notamment liées à cet aspect émotionnel et au fait que le délai de décision soit très court. Le risque étant de provoquer des conflits dans les familles. Le problème étant aussi que, dans le cas où la position du donneur potentiel n’est pas connue, les proches refusent souvent le prélèvement «par précaution». C’est ce qui se passerait, selon les données disponibles, dans 80% des cas.

Stève Bobillier, bioéthicien pour la Conférence des évêques suisses (CES) | © Grégory Roth

L’option qui n’exige pas l’accord de la famille, comme le préconise l’initiative populaire, n’est pas non plus la panacée, selon le bioéthicien. Elle a tendance, comme cela a été démontré dans d’autres pays, à provoquer des inscriptions de masse sur les registres pour indiquer son refus de donner ses organes, par simple peur que cela puisse être imposé.

Pour un système de «déclaration volontaire»

Pour Stève Bobillier, le consentement présumé n’est donc pas efficace pour pallier le manque de donneurs. Il remarque que, depuis des années, l’Eglise propose une ‘troisième voie’, différente également du système de consentement explicite actuellement en vigueur. Cette voie repose sur un système dit de « déclaration volontaire ». La question du don serait posée de manière régulière, par exemple lors du renouvellement des assurances maladie. Le questionnaire proposerait quatre options: «je souhaite donner un ou plusieurs organe», «je refuse de donner mes organes», «je ne me prononce pas», et «je délègue ma décision à une personne de confiance».

Cette ‘troisième voie’ aurait ainsi l’avantage de laisser la pleine liberté aux citoyens et d’informer régulièrement la population sur la problématique du manque de dons. Stève Bobillier souligne que cette solution a été recommandée par de très nombreuses commission de bioéthiques consultées en Suisse, notamment la Commission nationale d’éthique et celles incluant les principales religions du pays.

Des vies humaines en jeu

Si cette troisième solution a été présentée au politique, elle n’a cependant pas été retenue. Pour quelle raison? Stève Bobillier ne veut pas répondre à la place des responsables. Il pense cependant que le rejet pourrait être lié aux ajustements techniques et administratifs qu’exigerait une telle option, telle que la mise en place du dossier électronique du patient.

Il espère ainsi que les décideurs ne laisseront pas de côté des solutions éthiquement équilibrées et efficaces en les jugeant trop compliquées à mettre en place. «Car ce sont des vies humaines qui sont en jeu». (cath.ch/ag/arch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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