Ministère de catéchiste: «Une conversion des mentalités à opérer»

Le pape François a institué «le ministère laïc de catéchiste» par un motu proprio signé le 10 mai 2021. Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, et président de la commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat en France, décrypte les enjeux de cette décision.

Hugues Lefèvre, I.MEDIA

L’archevêque envisage la possibilité qu’en France, des catéchistes institués dans certaines zones dépourvues de prêtres puissent aider à structurer et animer la vie de la communauté chrétienne. Il reconnaît par ailleurs qu’un risque existe de voir la fonction de catéchiste se «cléricaliser» et que l’Église doit veiller concrètement à ce que cela ne se produise pas.

Comment réagissez-vous à l’institution de ce ministère?
Mgr Vincent Jordy: Cette décision du pape François s’inscrit dans un très long mouvement qui remonte aux premiers temps du christianisme. Plus récemment, avec le Concile Vatican II et le décret Ad Gentes, l’Église a rappelé que la mission n’appartenait pas seulement aux clercs mais à tous les baptisés. La «nouvelle évangélisation» lancée par le pape Jean Paul II a poursuivi le mouvement de prise de conscience d’une culture chrétienne qui s’effrite, voire qui s’effondre dans certains endroits.

Ce motu proprio [lettre apostolique expédiée par le pape, de sa propre initiative] réaffirme avec force que tous les baptisés doivent être témoins de la foi et évangélisateurs. Il offre la possibilité d’instituer des hommes et des femmes laïcs dans un ministère plus stable et plus durable afin d’annoncer, de témoigner et de permettre la rencontre entre Jésus et le monde.

Concrètement, qu’est-ce que cela va changer en France?
Nous avons une conversion des mentalités à opérer. Aujourd’hui, pour la plupart de nos contemporains, un catéchiste est quelqu’un, éventuellement un prêtre, qui s’occupe des enfants et leur donne les fondements de la foi. Cela demeure vrai. Mais cela est appelé à se déployer de manière beaucoup plus large avec ce motu proprio. Il est un élément offert aux catholiques pour structurer la dynamique selon laquelle tous les baptisés sont appelés à la mission.

«Ce motu proprio permet un renouvellement de la mission du catéchiste fondée sur la durée et la stabilité»

Nous avions déjà eu un signe de ce changement avec le pape Benoît XVI qui avait fait passer la responsabilité de la catéchèse de la Congrégation pour le Clergé au Conseil pour la Nouvelle évangélisation.

Le catéchisme ne concerne pas uniquement l’enseignement de la foi aux enfants, mais tous les stades de la vie chrétienne. Par exemple, il peut s’agir pour des laïcs de s’investir dans la préparation au mariage, en offrant une véritable catéchèse de la foi et en donnant aux futurs mariés le goût de la rencontre avec le Christ.

Jusqu’où le rôle du catéchiste laïc peut-il aller?
Le document d’Aparecida rédigé en 2007 par l’épiscopat sud-américain sous la conduite de l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, le futur pape François, parlait du catéchiste comme témoin de la foi à transmettre. Mais il en parlait aussi comme d’une personne qui aide à structurer et animer la communauté chrétienne. Dans les pays de mission, dans certains pays d’Afrique par exemple, cela est déjà une réalité.

Ce motu proprio s’inscrit dans cet esprit. Il permet à la fois un renouvellement de la mission du catéchiste fondée sur la durée et la stabilité. Et puis il rappelle que de nombreux catéchistes aujourd’hui assurent une mission à la tête de communautés dans différentes régions du monde où la présence de ministres ordonnés est insuffisante. Il peut dès lors y assurer le bon déroulement de la vie chrétienne locale.

«En France, certains diocèses ont déjà mis en place des pôles où catéchèse et nouvelle évangélisation fonctionnent ensemble»

Nous pouvons imaginer que cette réalité puisse se développer en Occident puisque nous constatons déjà des «zones blanches» où la présence des prêtres se raréfie, voire, n’est plus. Confier à des catéchistes institués la mission d’aider à structurer la vie chrétienne dans ces zones est donc envisageable.

La formation des catéchistes institués sera-t-elle prise en charge par les diocèses ou à l’échelle de la conférence épiscopale?
Dans le document d’Aparecida, il y avait eu un appel pour créer des écoles de formation des catéchistes. Peut-être cet appel va-t-il être amené à s’étendre. En France, certains diocèses ont déjà mis en place des pôles où catéchèse et nouvelle évangélisation fonctionnent ensemble.

Il est certain que le pape demande clairement que les conférences épiscopales rendent ce ministère de catéchiste effectif en établissant le programme de formation nécessaire et les critères normatifs pour y accéder.

Certains soulignent le risque de voir la fonction de catéchiste être «cléricalisée». Comment éviter cet écueil?
D’abord, en étant bien conscient que le cléricalisme est possible. Nous ne sommes jamais aussi bien préparés à éviter la maladie qu’en sachant qu’elle existe. Ensuite, il faut se rappeler qu’il existe des prêtres qui ne sont pas cléricaux et que déjà des laïcs peuvent l’être. Donc, la complexité du rapport au cléricalisme appartient à un état d’esprit qui dépasse largement les frontières du ministère ordonné et du baptisé.

Pour éviter cet écueil, il faudra passer certainement par le développement de points d’attention et de conversion, prendre en compte la qualité de la vie spirituelle des personnes instituées. Il faudra sans doute être capable de relire régulièrement l’expérience vécue en tant que catéchiste.

Cela supposera aussi certainement qu’on réfléchisse à faire en sorte que des personnes ne soient pas installées dans des missions qui finiraient par devenir des rentes de situation pastorale mais qu’elles puissent être renouvelées régulièrement dans leur ministère. Cela, en prenant bien évidemment en compte qu’il s’agit d’un ministère appelé à durer dans le temps.

Ce motu proprio est-il avant tout destiné aux jeunes chrétiens laïcs qui désireraient s’investir dans la vie de l’Église?
Il s’adresse à tous les chrétiens, jeunes ou plus âgés. J’ai été évêque durant huit ans dans un diocèse très rural, celui de Saint-Claude, et j’ai pu voir combien le fait d’être âgé n’empêchait pas d’être dynamique et tonique du point de vue de la foi. On peut très bien être fatigué à 20 ans et plein d’énergie à 70 ans.

Ce qui est certain, c’est qu’il peut y avoir des jeunes qui se posent aujourd’hui la question de se donner à l’Église, mais qui ne sentent pas d’appel particulier au ministère ordonné. Ces jeunes peuvent effectivement se sentir concernés par ce type de ministère qui marque, avec ce motu proprio, un engagement plus profond et durable dans la vie de l’Église. (cath.ch/imedia/hl/rz)

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