J+P juge les initiatives sur l’eau potable et contre les pesticides

La Commission Justice et Paix  de la Conférence des évêque suisses (J+P) à livré,  le 20 mai 2021, sa réflexion sur les deux initiatives populaires  pour l’eau potable et contre les pesticides. Si elle insiste sur la nécessité d’agir, elle relève que les solutions proposées par les initiatives ne sont pas la panacée.   

Dans son avis détaillé, J+P ne s’exprime pas pour ou contre les deux initiatives mais appelle à approfondir la question notamment en incluant la grande distribution et les consommateurs. D’un point de vue d’éthique sociale, une décision politique fondamentale doit être prise quant à la manière dont les objectifs environnementaux doivent être atteints dans l’agriculture.

Le 13 juin 2021, le peuple suisse est appelé à voter sur deux initiatives «Pour une eau potable propre et une alimentation saine» et «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse». Ces deux textes soulèvent un vaste débat.

Nécessité d’agir

La nécessité d’agir en matière d’eau potable et de contamination par des pesticides n’est guère remise en question, constate J+P. Avec la «Politique agricole 22+», le Conseil fédéral souhaitait limiter l’utilisation de pesticides, réduire les excédents d’azote et freiner les émissions de gaz à effet de serre. Le projet du Conseil fédéral ayant été rejeté par le parlement avec le soutien de l’Union suisse des paysans, ces deux initiatives ont aujourd’hui un poids particulier.

Demandes de l’initiative sur l’eau potable

Selon l’initiative pour l’eau potable, les exploitations agricoles suisses ne pourraient toucher des paiements directs que si elles renoncent complètement aux pesticides aux antibiotiques à titre préventif, ainsi qu’en ajustant leur cheptel au fourrage qu’elles produisent elles-mêmes. L’importation de produits agricoles n’est cependant pas concernée.

Demandes de l’initiative contre les pesticides

L’initiative contre les pesticides vise à interdire de manière générale l’utilisation de pesticides de synthèse dans l’agriculture, pour le traitement de produits agricoles et pour la gestion des sols et du paysage. Cette interdiction vaut également pour l’importation de denrées alimentaires.

Justice et Paix partage les inquiétudes et demandes du comité d’initiative. Dans de nombreuses régions de Suisse, l’eau potable est contaminée par des nitrates et des pesticides. L’orientation actuelle de l’agriculture suisse n’est pas durable sur le plan de l’éthique environnementale, et le capital naturel risque d’être durablement affecté pour les générations futures.

L’adoption des deux initiatives entraînerait une transition fondamentale dans la politique agricole de notre pays. Mais les deux initiatives se focalisent sur l’aspect de la production des denrées agricoles. Elle ne considèrent ni la distribution, ni la responsabilité des consommateurs, note J+P.

L’initiative pour l’eau potable ne vise même que les agriculteurs suisses, sans interdire l’utilisation de pesticides par les collectivités publiques ou les jardiniers amateurs. Elle ne contient pas non plus de dispositions concernant les denrées importées.

Les opposants aux initiatives critiquent avant tout cette focalisation unilatérale sur l’agriculture. Ils craignent un recul de la production agricole nationale et des pertes d’emplois. Ils arguent qu’il faudrait alors augmenter les importations de l’étranger. Ils craignent ainsi pour la souveraineté alimentaire du pays.

Transfert de la production à l’étranger

Les deux initiatives soulèvent un défi: il est évident qu’il faut agir pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement et du climat. Pour J+P, il n’est toutefois pas établi que les mesures prévues soient appropriées pour atteindre ces objectifs. Des effets de transfert de la production vers l’étranger sont possibles. La qualité sanitaire et le bilan carbone et des aliments importés pourraient donc être pires qu’en cas de statu quo.

L’initiative pour l’eau potable ne prévoyant ni une protection des importations, ni un quelconque soutien économique, le risque est que les domaines comme l’élevage de poulets ou de porcs, la culture maraichère ou la viticulture estiment plus intéressant de renoncer aux paiements directs et d’intensifier encore leur production. L’économie primerait alors l’écologie.

Pour une écologie humaine

Avec le pape François, il convient de rappeler que notre monde ne peut être viable pour les générations futures que si nous portons une attention équivalente à l’environnement et aux personnes défavorisées, souligne Justice et Paix.

Il faut notamment que les acteurs économiques riches et puissants assument leur responsabilité et adoptent une nouvelle logique. La solidarité avec la nature et les êtres humains a un coût et l’écologie humaine doit primer sur l’économie, conclut J+P (cath.ch/com/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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