Des voix s'élèvent pour critiquer la politique salariale au Vatican

Les récentes mesures de rigueur budgétaire décidées par le pape François ont révélé des tensions au sein de la «grande famille» des 5’000 employés du Vatican. Une pétition anonyme a été diffusée,le 19 mai 2021 demandant au pontife «un système plus encourageant et moins punitif» ainsi que la fin de certains «privilèges».

Ce cri de colère comme a pu le constater I.MEDIA, semble avoir trouvé de l’écho derrière les murs léonins. C’est sur le site italien Korazym – relais fréquent des documents internes du Vatican – que de nombreux employés ont découvert le 19 mai 2021 une lettre particulièrement revendicative, dans laquelle les rédacteurs étrillent les mesures économiques adoptées par le pontife le 24 mars dernier. 

Le pape avait alors ordonné d’importantes baisses salariales, en particulier pour les dirigeants des entités vaticanes, et annoncé le gel de l’ancienneté.

Selon une source vaticane, la lettre, rédigée en italien, aurait été écrite par une «minorité» et pourrait avoir engrangé des signatures ces dernières heures. Parmi les personnes contactées par I.MEDIA, plusieurs ont affirmé être tentées de la signer si on le leur proposait. Au sein de la Curie, ce sont les dicastères, où le personnel laïc est majoritaire – comme celui de la communication – qui seraient les plus réceptifs aux arguments de la missive.

Selon celle-ci, le Motu proprio serait «une intervention trop lourde sur les droits des travailleurs» et mettrait à mal les conceptions chrétiennes de «mérite» et de «juste récompense» ainsi que les «principes de la Doctrine sociale de l’Église». 

«Avec la masse de travail qu’on nous impose, on ressent vraiment une double peine», explique de son côté un employé. «Quand on voit les sommes folles dilapidées pour des prestataires externes ou pour des placements foireux, ça nous dégoûte», insiste-t-il encore, évoquant un vrai «ras-le-bol». Une saturation largement liée à la gestion du travail pendant la crise sanitaire par le Saint-Siège, jugée inappropriée, aggravant une situation déjà tendue.

Un rejet de certaines mesures

La lettre anonyme dénombre les erreurs commises par l’exécutif: le gel des embauches dans certains dicastères – qui provoquerait «une surcharge inévitable des employés déjà en service» – la suspension des promotions, le non-paiement des heures supplémentaires, le rattrapage gratuit d’heures passées en travail à domicile et surtout le gel de l’ancienneté. Les signataires demandent au pape de revenir en particulier sur cette dernière mesure.

Ces décisions font peser le risque, arguent les signataires, de créer un système «de plus en plus démuni, anti-méritocratique et dissuasif». Ils mettent en garde contre «un effet boomerang en termes de performance». Un constat que certains employés contactés par I.MEDIA, qui tous souhaitent rester anonymes, partagent parfois encore plus durement, un prêtre d’un dicastère parlant de «médiocrité de gestion» caractérisée par une absence totale de système de contrôle ou d’évaluation en interne. 

Pire, la lettre dénonce le «cynisme» des dirigeants du Secrétariat pour l’économie, à l’origine des récentes mesures d’austérité. Ils ne sont pas les seuls : certaines éminences jugées «incompétentes» au sein d’autres dicastères semblent tout autant aussi susciter l’indignation, comme en ont témoigné plusieurs employés du Vatican à I.MEDIA

La fin des privilèges

Le cœur de la pétition alerte sur les «disparités manifestes» dans le traitement des employés en fonction de son statut ou de son dicastère comme dans la gestion des différentes entités du Saint-Siège. Elle demande au pape d’abolir les «privilèges» sur lequel l’organisation du travail au Saint-Siège serait fondée.

En premier lieu sont visés les «contrats prétendument «hors normes»» qui iraient «de 6.000 à 10.000 euros jusqu’à 25.000 euros par mois» selon l’auteur de la lettre. Certains d’entre eux, dénonce-t-il, «occupent de splendides appartements de l’APSA, situés dans les quartiers les plus prestigieux de Rome, sans payer aucun loyer» ou encore disposent de «voitures à usage privé» et d’autres avantages divers. Pour rappel, le salaire annuel moyen d’un employé du Vatican est estimé à 20’000 euros net par la vaticaniste Inès San Martin.

La pétition révèle en outre que nombre de ces «contrats résolument onéreux pour l’État du Vatican» ont été dispensés des baisses de salaires du mois de mars dernier. Ou bien que les impositions annoncées se révèlent, dans le détail, anormalement légères pour certains hauts salaires privilégiés.

Rencontrer le pape

La lettre se conclut par plusieurs demandes importantes, notamment une sérieuse réflexion sur les ressources humaines ou la mise en œuvre d’une réforme structurelle. Ils réclament enfin qu’une petite délégation puisse rencontrer le pape François. 

Cependant, la grogne que révèle cette lettre n’est pas nouvelle, rapporte une source interne, insistant sur le fait que les questions de ressources humaines sont particulièrement problématiques depuis de nombreuses années. De sorte que la crise sanitaire et les restrictions salariales adoptées par le Saint-Siège auront été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. (cath.ch/imedia/cd/mp)

I.MEDIA

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/des-voix-selevent-pour-critiquer-la-politique-salariale-au-vatican/