Procès Martinelli-Radice: une justice à deux vitesses?

Si ce n’est le changement de salle du tribunal opéré ce 7 juin 2021 – qui s’est installé dans un espace plus grand aménagé dans un local des Musées du Vatican – les séances du procès Martinelli-Radice se suivent et se ressemblent. Une lenteur apparente qui est imputable à la procédure judiciaire et aux modestes moyens dont disposent la justice civile du petit État; mais qui contraste avec la réactivité du pape François.

Depuis plusieurs mois les nombreux témoins – anciens responsables et élèves du Petit séminaire Saint-Pie X – sont venus chacun donner leur version des faits dans l’affaire qui met en cause un ancien élève, Gabriele Martinelli, et l’ancien recteur, le Père Enrico Radice. Le premier est soupçonné d’avoir abusé sexuellement d’un camarade pensionnaire alors que les deux étaient mineurs, le second d’avoir caché l’affaire, notamment en produisant un faux.

Deux versions opposées

Lors la dernière séance, les témoins ont une nouvelle fois dressé des portraits en miroir des acteurs de ce procès rouvert à la demande du pape François en novembre 2020.

D’un côté, deux prêtres ont mis en cause la véracité du témoignage de la victime présumée mais surtout de celui de ses soutiens, niant les violences. Un prêtre a qualifié la «relation» entre Gabrielle Martinelli et son  camarade comme une passion homosexuelle d’adolescents immatures.

En face, deux autres prêtres ont accablé les suspects, décrivant l’emprise de Gabriele Martinelli dans le petit séminaire grâce au soutien anormal dont il aurait bénéficié auprès du directeur de l’établissement, Don Radice.

Le temps des témoignages est presque terminé, affirme Vatican News. Trois personnes doivent encore apporter leur pierre à la reconstitution opérée par les magistrats lors d’une séance prévue le 15 juillet. Le 16 juillet, la défense et la partie civile s’exprimeront une dernière fois avant un verdict renvoyé au début de l’automne pour raison de vacances judiciaires au Vatican.

Le pape a déjà tranché

Cependant, si le verdict pointe enfin à l’horizon, une des questions directement liée au procès a déjà été réglée par le pape. Sans faire référence à l’instruction en cours, ce dernier a en effet décidé, le 26 mai dernier, de relocaliser le petit séminaire en dehors du Vatican.

Ce déménagement hors des murs léonins – qui sera effectif à la rentrée de septembre – doit « favoriser la proximité des jeunes étudiants » de leurs lieux d’études et de loisirs.

Cette décision a aussi été justifiée par la nécessité de faire franchir une « nouvelle étape » à l’établissement. Un argument compréhensible au regard de la dégradation indéniable de l’image du petit séminaire que renvoie depuis plusieurs mois l’instruction en cours.

Le paysage qui se dessine depuis quelques mois est inquiétant pour une institution censée encadrer de futurs prêtres: luttes de pouvoir, compétition, méchanceté, jalousies…

S’il n’est pas possible d’établir un lien direct entre la directive du pontife – plus haute autorité judiciaire du Vatican – et la procédure en cours, leur temporalité semble décrire un modus operandi face à ce genre de cas sensibles.

D’un côté, le pape François peut régulièrement devancer la Curie en gouvernant à l’aide de motu proprio ou autres formes de décisions personnelles. Pour lui, il s’agit d’intervenir au cœur des crises qui touchent l’Église et de répondre aux situations urgentes. Dans un second temps, la «machine vaticane» conclut – selon ses règles – sa mission propre. (cath.ch/imedia/cd/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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