APIC- Dossier
Le point de vue de Max Thurian
Fribourg, 24janvier(APIC/Max Thurian) Accueilli avec enthousiasme par les
uns, avec méfiance par d’autres, le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique ne laisse personne indifférent. Le frère Max Thurian, de la communauté
de Taizé, qui fut observateur au Concile Vatican II et collaborateur actif
du Conseil oecuménique des Eglises à Genève, apporte ci-dessous son éclairage sur l’apport de cet ouvrage pour le dialogue oecuménique. Il y voit
deux éléments fondamentaux: un exposé clair, précis et complet de la doctrine catholique depuis Vatican II, et une occasion pour toutes les autres
communions chrétiennes de vérifier en toute liberté leur foi et d’approfondir leur compréhension de la Parole de Dieu.
La recherche de l’unité visible des chrétiens exige un dialogue oecuménique fondé sur un témoignage franc et clair des vérités de la foi. L’unité
ne se fera pas dans la confusion doctrinale ou dans la recherche d’un plus
petit dénominateur commun. L’unité visible des chrétiens ne peut se fonder
que sur la vérité plénière comprise dans la clarté doctrinale et dans la
charité fraternelle.
Les dialogues théologiques entre l’Eglise catholique et les diverses
communions chrétiennes, après Vatican II, ont toujours souhaité suivre cette méthode de la clarté dans l’ouverture. Ils sont déjà parvenu à des résultats importants. Cependant, pour fonder la position doctrinale catholique, il fallait parfois recourir à diverses sources dans la Tradition, et
il n’était pas toujours facile de mettre d’accord les théologiens sur l’importance de tel ou tel texte du magistère. Il manquait souvent un texte de
référence inclusif de toute la Tradition, où l’on puisse trouver la doctrine complète et sûre de l’Eglise catholique, dans tout son développement homogène, y compris l’étape importante de Vatican II.
Une lacune comblée
Le Catéchisme de l’Eglise catholique comble cette lacune et permet de
connaître la doctrine catholique concernant tous les points importants de
la foi. Il sera donc une aide précieuse pour les dialogues oecuméniques, où
il est toujours nécessaire de connaître les positions de chaque partenaire
pour discerner les convergences ou noter les divergences en toute clarté et
honnêteté. De nombreuses pages du Catéchisme révéleront une communauté de
foi entre les chrétiens, en particulier dans la première partie concernant
la profession de foi en Dieu, Père, Fils et Saint Esprit et dans la dernière partie sur la prière chrétienne.
Certains points délicats du dialogue oecuménique trouvent dans le Catéchisme un éclairage propre à dissiper les malentendus, tant il est vrai que
lorsque la vérité est exprimée dans toute sa clarté et selon la dimension
biblique et traditionnelle complète, elle entraîne plus sûrement la conviction.
Une grande place est faite à l’Ecriture Sainte dans le Catéchisme qui la
cite constamment pour fonder ses affirmations. L’Ecriture et la Tradition
jaillissent d’une source divine identique, elles ne forment qu’un tout et
tendent à une même fin (no 80 citant Dei Verbum). La certitude de l’Eglise
est résumée au no 135: « Les Saintes Ecritures contiennent la Parole de Dieu
et, puisqu’elles sont inspirées, elles sont vraiment cette Parole. »
(D.V.24) L’Eglise exhorte tous les chrétiens à acquérir par la lecture fréquente des Saintes Ecritures la connaissance profonde de Jésus-Christ. « En
effet ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ. » (no 133 citant saint
Jérôme et D.V.25)
L’Eglise mère de notre nouvelle naissance
Avant d’expliquer le Credo, le Catéchisme montre que le salut vient de
Dieu seul et nous est communiqué par la foi que nous transmet l’Eglise notre mère: « nous croyons l’Eglise comme la mère de notre nouvelle naissance,
et non pas en l’Eglise comme si elle était l’auteur de notre salut. Parce
qu’elle est notre mère, elle est aussi l’éducatrice de notre foi. » (no 169
citant Faustus de Riez). La grâce de Dieu suscite en nous la foi qui nous
rattache au Christ: « Mûs par la grâce de l’Esprit Saint et attirés par le
Père, nous croyons et confessons au sujet de Jésus: ’Tu es le Christ, le
Fils du Dieu vivant’(Mt. 16,16). C’est sur le roc de cette foi, confessée
par saint Pierre, que le Christ a bâti son Eglise. » (no 424 citant Léon le
Grand)
A propos de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique, le Catéchisme reprend l’enseignement de Vatican II, en particulier le décret sur
l’oecuménisme. « Cette Eglise comme société constituée et organisée dans le
monde est réalisée dans (subsistit in) l’Eglise catholique gouvernée par le
successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui. » (no
816) C’est par elle que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. (Unitatis Redintegratio 3) Cependant, ceux qui naissent aujourd’hui
dans des communautés séparées de l’Eglise catholique et qui vivent la foi
au Christ, « l’Eglise catholique les entoure de respect fraternel et de charité (…) Justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ, ils
portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Eglise catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur » (no
818, U.R.3) Beaucoup d’éléments de sanctification et de vérité existent en
dehors des limites visibles de l’Eglise catholique. (Lumen Gentium 8)
« L’Esprit du Christ se sert de ces Eglises et communautés ecclésiales comme
moyens de salut dont la force vient de la plénitude de grâce et de vérité
que le Christ a confié à l’Eglise catholique. Tous ces biens proviennent du
Christ et conduisent à lui et appellent par eux-mêmes l’unité catholique. »
(no 819) Toute la conception de l’oecuménisme catholique de Vatican II est
contenue dans cette phrase.
Le baptême lien sacramentel de l’unité des chrétiens
Le Catéchisme donne également un « programme » de travail oecuménique pour parvenir un jour à l’unité visible des chrétiens – qui comprend les
éléments suivants: renouveau permanent de l’Eglise, conversion du coeur
pour mieux vivre l’Evangile, prière en commun, connaissance réciproque fraternelle, formation oecuménique, dialogue entre théologiens, rencontres entre chrétiens, collaboration dans le service des hommes. (no 821)
Dans le chapitre sur les sacrements de l’initiation chrétienne, le baptême est appelé « le lien sacramentel de l’unité des chrétiens » (no 1271),
conformément au Concile Vatican II (U.R.22). Ce sacrement est le fondement
de la communion entre tous les chrétiens, également avec ceux qui ne sont
pas encore en pleine communion avec l’Eglise catholique. Le Catéchisme affirme ainsi, avec Vatican II, que la communion entre tous les chrétiens,
même si elle est imparfaite, a un caractère sacramentel par le baptême commun qui les situe dans une communauté de vie dans le corps du Christ. C’est
là le grand progrès de l’oecuménisme et la promesse d’une unité toujours
plus profonde.
Eucharistie: action de grâce, mémorial, présence
En ce qui concerne l’Eucharistie, le Catéchisme a su unir la doctrine
traditionnelle des Pères et du Concile de Trente à l’approndissement biblique du renouveau liturgique qui a préparé le Concile Vatican II. Le dialogue oecuménique sur le baptême, l’Eucharistie et le ministère poursuivi ces
dernières années par la Commission « Foi et Constitution » (Conseil Oecuménique des Eglises (COE)de Genève, BEM) avec la participation active des théologiens catholiques, a permis un grand rapprochement dans la foi. L’Eglise
catholique a fait une réponse officielle constructive à ce dialogue universel, unique dans l’histoire.
La doctrine catholique traditionnelle exprimée par le Catéchisme montre
quels progrès ont été accomplis ces dernières années dans la réflexion
théologique concernant l’Eucharistie, en particulier en ce qui concerne « le
sacrifice sacramentel: action de grâce, mémorial, présence » (No 1356-1381)
L’Eglise catholique reconnaît sa communion doctrinale avec les Eglises
orthodoxes à propos de l’Eucharistie et du saccerdoce, ce qui lui permet
d’envisager « un certaine communion ’in sacris’ » (no 1399). Avec les communautés ecclésiales issues de la Réforme, l’intercommunion n’est pas possible à cause des divergences concernant le sacrement de l’ordre, le sacerdoce et l’épiscopat (no 1400). Cependant, l’Eglise prévoit, dans certains
cas, que les ministres catholiques peuvent donner l’Eucharistie aux autres
chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Eglise catholique, et
qui le demandent spontannément, à condition qu’ils manifestent la foi eucharistique catholique et soient dans les dispositions requises (no 1401).
L’Eglise veut ainsi témoigner de son ouverture et de son attention à la
doctrine du sacerdoce et des sacrements.
Marie est l’orante parfaite, figure de l’Eglise
Les parties sur « la vie dans le Christ » et « la prière chrétienne » seront
stimulantes pour la réflexion chrétienne commune: la liberté de l’homme, la
conscience morale, la loi et la grâce, la tradition de la prière, l’Oraison
dominicale… Sur beaucoup de points, le dialogue oecuménique pourra manifester l’accord des chrétiens.
Même sur des points qui font encore difficulté dans le dialogue oecuménique, le Catéchisme ouvre des perspectives pleines de promesses. Ainsi en
est-il du rôle de Marie dans la prière du chrétien. Il nous plaît de citer
ce beau texte : « Marie est l’orante parfaite, figure de l’Eglise. Quand
nous la prions, nous adhérons avec elle au dessein du Père qui envoie son
Fils pour sauver tous les hommes. Comme le disciple bien aimé, nous accueillons chez nous la Mère de Jésus, devenue la mère de tous les vivants.
Nous devons prier avec elle et la prier. La prière de l’Eglise est comme
portée par la prière de Marie. Elle lui est unie dans l’espérance. » (no
2679)
Ce Catéchisme de l’Eglise catholique ne pourrait-il pas être pour toutes
les communions chrétiennes, en toute liberté, une occasion de vérification
de leur foi et d’approfondissement de leur compréhension de la Parole de
Dieu? Ce serait là un service oecuménique que le Catéchisme pourrait rendre
en vue de l’unité visible de tous les chrétiens pour laquelle le Christ a
ardemment prié. (apic/Max Thurian/mp)
Les intertitres sont de la rédaction
Encadré
Max Thurian est né en 1921 à Genève. Il a pris ses engagements à vie dans
la Communauté de Taizé en 1949. En compagnie de Frère Roger, fondateur de
la Communauté, il a participé comme observateur au Concile Vatican II. Il
fut également collaborateur actif du Conseil oecuménique des Eglises. Il
est l’auteur de nombreux ouvrages portant notamment sur Marie, la confession, l’Eucharistie et le mariage. Il a été ordonné prêtre catholique en
1987. (apic/mp)
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