Syrie: décès de l’archevêque Jacques Behnan Hindo

Jacques Behnan Hindo, archevêque syro-catholique d’Hassaké-Nisibi, au nord-est de la Syrie, de 1996 à 2019, est décédé le 6 juin 2021, à Paris, où il était venu se faire soigner. Le prélat a été un témoin de première ligne durant la guerre en Syrie, élevant constamment la voix pour la défense des communautés chrétienne locales.

Né en 1941 à İdil, sur le plateau du Tur Abdin, en Turquie, une région où les communautés chrétiennes syriennes sont traditionnellement enracinées, Jacques Hindo a été ordonné prêtre en mai 1969, avant d’être nommé archevêque syro-catholique de Hassaké-Nisibi en 1996. Il a conservé sa charge jusqu’en 2019.

Lettre à Barack Obama

Pasteur déterminé et avisé, restant proche des communautés chrétiennes locales accablées, comme le reste de la population, par la violence du conflit syrien, Mgr Hindo a représenté une voix libre capable de témoigner des événements de l’époque sans stéréotypes ni mystifications.
En septembre 2013, il avait écrit une lettre ouverte au président américain Barack Obama pour lui demander d’arrêter son projet d’intervention militaire en Syrie, rappelle l’agence missionnaire vaticane Fides.

Lorsque le conflit syrien avait atteint la région de Hassaké, l’archevêque avait refusé 1’700 kalachnikovs offertes par le gouvernement de Damas pour être distribuées aux chrétiens locaux, pour les enrôler dans des milices pro-gouvernementales à utiliser contre les groupes armés anti-Assad. «En tant qu’hommes d’Église, nous ne pouvons pas inciter les chrétiens à prendre les armes pour participer au conflit».

Pour la même raison, il avait sévèrement critiqué les déclarations de dignitaires du Patriarcat de Moscou qui, en octobre 2015, avaient béni les opérations militaires russes contre les milices djihadistes en Syrie comme une «guerre sainte». «C’est une manière insensée de définir ce qui se passe en Syrie. Pour nous, ces mots peuvent avoir des conséquences dévastatrices», avait-il déclaré.

Proche des souffrances du peuple syrien

Avec la même véhémence, en mai 2016 Mgr Hindo avait défini comme «une folie, peut-être inspirée par certains marchands d’armes qui n’ont pas encore vidé leurs entrepôts»" l’idée de financer avec des fonds du gouvernement américain la fourniture d’armes aux «milices chrétiennes» autoproclamées. «Dès le premier moment, j’ai pensé que la campagne visant à appliquer à la souffrance des chrétiens la catégorie de «génocide» était une opération géopolitique qui visait des intérêts concrets. Selon les procédures américaines, en utilisant la catégorie de génocide, il devient plus facile d’autoriser des opérations militaires ou autres, plus ou moins transparentes.»
Dans les phases les plus sanglantes du conflit, Mgr Hindo avait suivi de près les souffrances des plus de 250 chrétiens assyriens de la vallée du Khabour pris en otage par des miliciens djihadistes en février 2015, puis libérés groupe par groupe au fur et à mesure du versement de rançons. En 2015, alors qu’à Hassaké la contre-offensive des forces kurdes et de l’armée syrienne avait mis en état de siège les banlieues encore occupées par les milices djihadistes de l’État islamique (Daesh), Mgr Hindo n’avais pas hésité à assumer également des fonctions publiques: " Je suis devenu responsable du nettoyage, de l’urgence des ordures, de la lutte contre les parasites et de tous les services qui ont trait à la santé publique .

Au cours des années suivantes, Hindo avait critiqué les opérations menées par les miliciens des Unités de protection populaire (YPG) et les militants du Parti démocratique kurde (PYD), pour c créer une zone kurde autonome dans la province syrienne de Hassaké, désignée sous le nom de Rojava.

Même atteint dans sa santé, Mgr Hindo n’a jamais détourné le regard de la souffrance de son peuple : «Il n’est pas vrai que la guerre en Syrie est terminée. Nous continuons à gravir notre Golgotha», rappelait-il à fin mars 2018. (cath.ch/fides/mp)

Maurice Page

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