Voie synodale: la CES et la RKZ tentent d'aplanir leurs divergences

«Nous avons besoin les uns des autres». Tel a été le Leitmotiv de la conférence de presse conjointe de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) et de la Conférence des évêques suisses (CES), le 11 juin 2021 à Berne. Suite à leur récente rencontre, les deux institutions ont surtout cherché à aplanir leurs divergences dans le cadre du processus synodal.

L’ensemble de la CES et une délégation du même nombre de personnes de la RKZ se sont rencontrés pour la première fois le 8 juin 2021, à l’Abbaye d’Einsiedeln (SZ). La rencontre entre la faîtière des corporations ecclésiastiques et la conférence épiscopale a eu lieu sur l’invitation de cette dernière. Elle se plaçait dans le contexte du processus synodal intitulé «En chemin ensemble pour renouveler l’Église».

Les sujets principaux abordés ont été la collaboration entre la CES et la RKZ, ainsi que la question des perspectives communes pour une Église du futur pleinement présente dans la société. Selon le communiqué envoyé par les deux institutions, les discussions ont révélé beaucoup de points communs. Un aspect mis en avant lors de la conférence de presse de Berne.

Pour un «printemps catholique»

«Mais, voir ce qui était commun a aussi révélé la différence de fonctionnement entre les deux organisations», note le communiqué. Un état de fait également reflété lors de la conférence de presse, et qui a mis en lumière des divergences encore persistantes entre la CES et la RKZ.

«A la CES, nous pensons que l’on ne peut pas parler de tout ensemble»

Erwin Tanner-Tiziani

Lors d’une prise de parole franche, Roland Loos, vice-président du comité de la Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD) et vice-président de la RKZ, a regretté que la RKZ ne soit «pas considérée comme une partenaire égale par les évêques». Tout en espérant un rapprochement entre les deux institutions, il a déploré une tendance des évêques suisses à estimer que «tout va bien dans le meilleur des mondes», alors que «notre institution (Eglise, ndlr.) a mal partout». Roland Loos a finalement espéré un «printemps catholique», où la diversité et la pluralité des opinions seraient pleinement acceptées.

«Nicht nur Geld» (pas seulement l’argent)

Les divergences de vue entre la RKZ et la CES constituent un vieux serpent de mer dans le système dual particulier à l’Eglise en Suisse. En 2013, la CES avait publié un «Vade-mecum pour la collaboration de l’Eglise catholique avec les corporations de droit public ecclésiastique en Suisse». Son objectif était notamment «d’ordonner les buts des corporations et la mission de l’Église (diocèse/paroisses) de manière encore plus claire afin d’éviter non seulement les doublons et les structures parallèles, mais surtout, et autant que possible, afin d’éviter les empiétements dans les domaines de compétence propres à l’autre partie».

Erwin Tanner est le secrétaire général de la Conférence des évêques suisses (CES) | © Sylvia Stam

«Nicht nur Geld» (pas seulement l’argent), a ainsi lancé à plusieurs reprises Daniel Kosch, secrétaire général de la RKZ, lors de la conférence de presse du 11 juin. Il a voulu ainsi rappeler le souhait de la faîtière de ne pas être cantonnée dans un rôle de «trésoriers» de l’Eglise.

Quelles limites de compétences?

Même s’il s’agit d’un vieux débat, ce dernier a connu un nouveau développement avec la mise en place du processus synodal en Suisse, confie Erwin Tanner-Tiziani, secrétaire général de la CES, à cath.ch. Réaffirmant que la RKZ était une «partenaire centrale» pour la CES, notamment dans le cadre de la voie synodale, il a relevé qu’elle n’était pas non plus la seule, et que ce processus devait être entrepris par l’ensemble de l’Eglise.

«Nous avons tous à considérer avec plus d’empathie le point de vue de l’autre»

Erwin Tanner-Tiziani

Selon Erwin Tanner-Tiziani, l’une des pommes de discorde vient du souhait de la RKZ de participer à l’ensemble de la planification pastorale accompagnant le chemin synodal. «Mais nous, à la CES, pensons que l’on ne peut pas parler de tout ensemble, que certaines limites de compétences doivent être fixées. Notamment concernant le fait que l’Eglise de droit ecclésiastique n’est pas représentative du peuple de Dieu».

Renforcement de la confiance

Les attributions des deux institutions sont en théorie réglées par une convention rédigée en 2015. Mais celle-ci laisse beaucoup de place aux diverses interprétations, note Erwin Tanner-Tiziani. Suite à la rencontre d’Einsiedeln, un petit groupe de travail, puis le conseil de coopération, en tant qu’organe principal de la collaboration RKZ-CES, doivent évaluer la convention et identifier les pierres d’achoppement. Un rapport est prévu pour fin octobre 2021.

Quoiqu’il en soit, le secrétaire général de la CES, ainsi que plusieurs autres participants à la conférence, ont noté le progrès important qu’a constitué la rencontre entre les deux entités. «Jusqu’à maintenant, nous communiquions surtout par lettres interposées, relève Erwin Tanner-Tiziani. Le fait d’avoir pu rétablir un contact personnel nous a certainement renforcés sur le chemin de la confiance réciproque. Et je crois que le diable est finalement dans les détails, car avec la RKZ, nous avons aussi pu voir à quel point nous sommes d’accord dans les grandes lignes, avec comme objectif commun le bien de l’ensemble du peuple de Dieu. Nous avons tous à considérer avec plus d’empathie le point de vue de l’autre». (cath.ch/com/rz)

L’indemnisation des abus sexuels mise à jour
La CES, l’Union des Supérieurs Majeurs de Suisse (VOS’USM) et la RKZ ont mis sur pied, en 2016, le fonds d’indemnisation pour les victimes d’abus sexuels commis dans le contexte ecclésial et prescrits. Elles ont rédigé alors une convention et édicté les directives correspondantes, ces deux documents ayant une validité de cinq ans. Depuis lors, 140 victimes ont été indemnisées. Ces derniers mois, un groupe de travail a entrepris la révision des directives et le renouvellement de la convention avec les principaux résultats suivants: la prolongation pour cinq ans de la convention et du fonds.

Désormais, les commissions d’experts diocésaines et la CECAR pour la Suisse romande (Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation) ne seront plus les seules à pouvoir déposer des demandes au fonds d’indemnisation. Tous les services d’aide aux victimes reconnus par l’État ainsi que les instances analogues le pourront.

L’autonomie de la commission d’indemnisation par rapport à la CES, la VOS’USM et la RKZ est nettement renforcée. Les trois institutions ne doivent plus y être représentées. Seuls des spécialistes expérimentés et qualifiés pour les cas d’abus y siégeront.

Les associations de victimes écoutées
Les victimes pourront également continuer à obtenir des indemnisations d’un montant maximum de 20’000 francs. Le montant de l’indemnisation ne sera cependant désormais plus dépendant essentiellement de la gravité de la violence sexuelle subie. Il sera fixé en tenant compte en priorité des conséquences médicales, familiales, professionnelles et sociales dans la vie des victimes et, seulement accessoirement, de la gravité de la violence sexuelle subie. Des adaptations qui vont dans le sens des revendications des associations de victimes, note Erwin Tanner-Tiziani. Ces modifications entrent en vigueur au 1er juillet 2021. RZ

Les évêques suisses en novembre à Rome
Lors de la 332e assemblée ordinaire de la CES, du 7 au 9 juin, Mgr Martin Krebs, nouveau nonce apostolique en Suisse, a été reçu à l’Abbaye d’Einsiedeln. Il a confirmé que la visite ad limina des évêques suisses, prévue à l’origine début janvier, aurait lieu à Rome du 22 au 27 novembre 2021. Les évêques ont en outre rencontré les responsables d’Action de Carême. La CES les a remerciés pour l’action humanitaire de l’œuvre d’entraide et son engagement hors du commun durant la pandémie. RZ

Raphaël Zbinden

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