Simon et Valentin Roduit: vers l’ordination «en tremblant»

Valentin et Simon Roduit, deux frères de 27 et 29 ans, vont être ordonnés ensemble le 27 juin 2021 à Saillon (VS) par Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion. Valentin a choisi la voie diocésaine et son frère, la vie en communauté du Grand-Saint-Bernard. Ils témoignent à cath.ch de leur vocation et de leur parcours.

Par Bernard Hallet

«J’irai vers l’ordination en tremblant. A ce moment, je rendrai grâce pour tous ceux qui m’ont permis d’arriver à ce point de départ», indique Valentin Roduit, le plus jeune des deux frères. Simon aussi ira en tremblant devant l’autel mettre ses mains dans celles de l’évêque, Mgr Jean-Marie Lovey. «Et, ajoute-t-il, je vais voir les personnes pour lesquelles je serai envoyé. Je vais les confier au Seigneur».

Installés dans un salon du séminaire de Givisiez, les deux frères témoignent de leur vocation et de leur parcours. Le ton est réservé, mais serein. Valentin sera ordonné prêtre pour le diocèse, et son frère aîné confirme sa vocation chez les chanoines du Grand-Saint-Bernard. Il exercera son ministère comme vicaire dans le secteur de Martigny, dans la communauté du Saint-Bernard. Valentin sera vicaire pour les paroisses de Collombey et Muraz en parallèle de la poursuite de ses études de théologie.

Une Eglise rassemblée

Ils seront ordonnés le même jour. Hasard du calendrier? «Nous avons discuté avec les autorités et nous sommes tombés d’accord assez vite sur cette ordination commune». «Je ne crois pas au hasard, mais en la Providence», souligne Simon. Même si tous les regards seront tournés vers eux, ils ne seront pas le centre de cette journée, insiste-t-il, mais l’image de deux frères ordonnés en même temps – ainsi que Christian Thurre, ordonné diacre permanent – symbolisera une Eglise rassemblée. C’est ce qui compte. Plus que les personnalités.

«En suivant le Christ, on reste dans la bonne direction» Valentin Roduit | © Bernard Hallet

Les deux frères sont heureux à la perspective de leur sacerdoce dont l’ordination n’est que le début du chemin, ils le rappellent. «Je me réjouis, mais avec crainte. Ce n’est pas une charge, mais je suis conscient que c’est notamment le mystère de la célébration eucharistique, de la confession qui nous est donné. Je me réjouis de collaborer au projet du Bon Dieu, d’être son instrument». Valentin en est sûr, ce sacerdoce sera beau même s’il sera difficile. «Mais en suivant le Christ, on reste dans la bonne direction».

La foi reçue naturellement

En apprenant leur choix, leurs parents ont été surpris. «Mais pas tant que ça. Etant jeunes, l’un et l’autre avaient songé un temps à une vocation religieuse. Ils ont compris notre choix de vie». La foi a en effet été au centre de la vie familiale. Les parents évoquaient volontiers leur foi, qu’ils ont eu à cœur de transmettre à leurs enfants. «Rien d’extraordinaire, c’était vécu au quotidien et c’était beau», se souvient Simon. «J’ai reçu la foi comme j’ai appris à marcher: très naturellement», ajoute le frère cadet.

Le quotidien familial est rythmé par la prière, le soir et lors des repas. La famille – ils ont deux sœurs aînées – va régulièrement à la messe. En dehors du foyer, il y a aussi les montées vers Pâques au Simplon, les camp voc’ et les vacances au Grand-Saint-Bernard. Si les deux frères sont servants de messe, chantent dans le chœur des jeunes, participent aux rencontres de Taizé ou aux JMJ, il n’est pas encore question de vocation. «La foi était présente dans nos vies, mais nous n’étions pas des grenouilles de bénitier», précise Simon.

Latin, grec et science

Au collège de Saint-Maurice (VS), il opte pour le latin et le grec. «J’avais un intérêt pour les études mais je n’avais pas de projet professionnel clair». Valentin affiche un intérêt marqué pour les mathématiques et la physique. C’est toujours le cas lorsqu’arrive la fin du collège et que se pose la question de la formation, de l’armée et de la poursuite d’études supérieures.

«J’ai reçu la foi comme j’ai appris à marcher: très naturellement»

Valentin Roduit

La vocation se précise dans un premier temps, lorsqu’à 19 ans, il effectue une retraite chez les dominicaines d’Estavayer-le-Lac (FR), pendant les vacances de Pâques. «J’ai été marqué par le contraste entre la joie de ces religieuses et le silence dans lequel elles vivent. Je me suis dit que si je choisissais de consacrer ma vie au Seigneur, il pouvait me rendre heureux».

‘Décanter’ la foi

Réformé, il ne part pas à l’armée. Il entend parler de l’Institut Philanthropos et décide d’y passer un an. «Cela a été pour moi l’occasion de ‘décanter’ la foi que j’avais reçue étant jeune, d’en prendre clairement conscience. J’ai eu envie de bâtir ma vie sur ce pilier». Les bases étaient là, détaille-t-il, mais cette année lui permet de faire un choix. Il prend la décision d’entrer au séminaire, l’été suivant, où il est accepté en année de discernement.

De son côté, Simon «n’a jamais vraiment eu l’idée de devenir prêtre». Il suit son chemin au milieu des DJP, du Chœur des jeunes, auquel il reste fidèle. Il participe à ses premières Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), à 16 ans, à Sydney, et suit les rencontres de Taizé. En quatrième année du collège lui vient cette idée de la prêtrise. «Mais je me suis rendu compte que cela ne venait pas de moi. Je ne sais comment l’expliquer, car ce n’était pas naturel… donc j’en ai déduit que c’était surnaturel».

La liberté de choix

Il en parle à son amie, avec qui il sort depuis un an, sur le ton de l’éventualité. A sa surprise, la réponse fuse: «Si c’est ce qui te rendra heureux, il faut que tu le fasses». «Elle m’a laissé très libre, je me suis retrouvé face à moi-même. Toute la suite de mon discernement s’est déroulée dans une grande liberté».

«La foi était présente dans nos vies, mais nous n’étions pas des grenouilles de bénitier»

Simon Roduit

«Mais sur le moment, j’ai retourné la question, réfléchi et suis arrivé à la conclusion que c’était une tentation du diable. En ce sens que cela tendait à vouloir me faire sortir du chemin sur lequel je pensais m’engager». La vie se poursuit. Après le collège, il a «la vocation de partir à la Garde suisse». A vingt ans, il décide de «donner deux ans de sa vie au Bon Dieu, un peu pour qu’Il me laisse tranquille».

Les deux ans passés à Rome le font mûrir. Sorti du Valais, le jeune rencontre des pèlerins. Il est témoin de leur foi exubérante, pour certains, et de la vie de prière de jeunes de la communauté de l’Emmanuel «qui ne vivent pas leur foi dans la demi-mesure». Simon «redécouvre» sa foi à travers les catéchèses quotidiennes du premier mois de service et les homélies du pape. Mais le Bon Dieu ne le laisse pas «tranquille».

«Un gros pas difficile»

La question de la vocation se repose trois ans après le premier appel. «Ce questionnement revenait. Sans doute fallait-il que j’y réponde différemment de la première fois». Simon commence un processus de discernement à partir des JMJ de Rio. En 2014, il effectue une retraite en silence à l’abbaye d’Hauterive, près de Fribourg, afin de savoir comment répondre à cet appel.

Simon s’est décidé à aller frapper à la porte du séminaire. «Un gros pas difficile» | © Bernard Hallet

«Je suis tombé amoureux de la vie religieuse. Cela me correspondait». Il décide d’aller frapper à la porte du séminaire. «Un gros pas difficile», qu’il mettra du temps à franchir. «Ma demande est restée trois mois dans les brouillons de ma boîte mail», sourit-il.

Le Bon Dieu lui montre le chemin: le Grand-Saint-Bernard s’impose, «pas tant pour le lieu que pour style de vie de la congrégation. À vues humaines, ce n’était pas la communauté qui me semblait la plus reluisante, mais j’ai vraiment senti que là, je pouvais me donner, me sanctifier et rencontrer le Christ en chacun».

L’un à la Garde, à Rome, et l’autre à Philanthropos, à Fribourg, les deux frères ne font que se croiser. Ils découvrent leur questionnement respectif six mois avant leur entrée au séminaire.

Un discernement qui se complique

Valentin n’est pas surpris du choix de son frère, mais admet qu’il s’est trouvé un peu embarrassé. «Tout d’un coup, ça compliquait le discernement! Je me suis demandé si je me retrouvais à Givisiez juste parce que je suivais mon grand frère. Ce n’était pas le cas bien sûr. Cela m’a renforcé dans ma réflexion».

«Nous nous retrouvions à quatre en année de discernement, dont deux frères!», lance Simon. «Cela m’a aussi poussé vers un discernement plus fort et plus clair pour voir ce que Dieu voulait pour moi. Je ne voulais pas me dire qu’on aurait suivi une sorte de formatage familial», précise Simon. Il ajoute que le fait de se trouver avec son frère de sang l’a aidé à «être frère avec les autres».

L’enrichissement fut mutuel, reconnaît Valentin, du fait que les deux frères ont choisi des voies différentes.

La crise que traverse l’Eglise est rude. «Il y a moins de prêtres, moins de chrétiens mais la tâche n’en est pas moins intéressante», indique Valentin. Simon ne voit pas une Eglise mourante. Il y a toujours des jeunes en demande. Tous deux vivent dans l’Eglise d’aujourd’hui et traceront leur chemin à partir de là. «Toujours avec le souci en moi de rester un serviteur du Bon Dieu», précise Simon (cath.ch/bh)

La messe d’ordination, le 27 juin 2021 à Saillon, est retransmise en direct, dès 14h30, sur Canal9.

Bernard Hallet

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