Evangile de dimanche: «Silence, tais-toi!»

A l’époque de Jésus, le lac de Galilée contenait des ressources impressionnantes. Un de ses contemporains de la haute société, le rabbin Simon ben Gamaliel prétendait qu’un jour on lui amena une corbeille avec plus de 300 sortes de poissons. Le lac regorge de vie.

Mais ce soir-là les disciples, pourtant partis à l’heure de la pêche, ne se préoccupent pas de ce qui foisonnent sous leur barque. Le vent, la houle, les vagues transforment leur chemin maritime en véritable traversée du désert. La tempête réveille en eux des sentiments de précarité et la peur de mourir. Le capitaine et son équipage laissent prise à la panique.

Au fond de la barque Jésus dort. Comme Jonas jadis retiré en fond de cale. Il ne fait pas semblant, il ne dort pas d’un œil. Il dort pour de vrai. Celui qui n’a pas de pierre où reposer la tête profite même d’un coussin. Le sommeil du juste. Il dort au fond du bateau comme un homme qui fait aveuglément confiance à son équipage. Avec eux il se sent en sécurité.

Jésus ne gère pas tout. Il délègue. Le commandant du bateau, ce n’est pas lui. Lui, il dort. Comme un nouveau-né au fond de son berceau, bercé par le mouvement des eaux. Mais son sommeil a aussi quelque chose de parabolique. Il offre aux disciples désemparés une forme de miroir. Leurs yeux rivés sur les obstacles provoquent en eux une forme de léthargie dangereuse. Tétanisés, ils s’enfoncent dans le statisme. Les préoccupations de surface prennent le dessus sur l’objectif de leur voyage. La mer bouge et les inquiète au point qu’elle rend tout déplacement impossible. Plus la force de ramer.

Le monde change et l’avenir se dissimule sous un épais brouillard. La perspective de l’autre rive semble si lointaine que les disciples se découragent d’y parvenir un jour. Le fracas des flots obsède au point que tout le reste s’effondre: projets, désirs de nouveauté, soif de grand air.

«Le bruit des flots étouffe le silence où Dieu se dit. «Le tumulte exile le Verbe» disait Maurice Zundel.»

Tout est là pourtant, sous leurs pieds, ou pour le dire autrement, au fond d’eux-mêmes. Les ressources ne manquent pas. Il suffirait de s’éveiller un peu à cette vie intérieure, descendre dans ce monde sous-marin, nourricier pour trouver de quoi grandir et avancer. Mais la préoccupation est dehors. L’obstacle jugé insurmontable voile leurs faces et ferme l’horizon.

A hauteur d’homme, le regard sur un monde en mouvement, tourmenté, intrigant, peint leur ciel en noir. Le bruit des flots étouffe le silence où Dieu se dit. «Le tumulte exile le Verbe» disait Maurice Zundel. Jésus dort et rêve sans doute pendant que les disciples se racontent un cauchemar qui les paralyse.

Dans ce chaos, l’appel des disciples à Jésus ne ressemble en rien à une invocation confiante. Elle trahit l’ampleur de leur désespoir: «nous sommes perdus». La prière succombe sous forme d’accusation «ça ne te fait rien?»

La réponse de Jésus appelle au calme. Oui les vents sont contraires. Oui avancer est parfois difficile. Oui des éléments extérieurs et non maîtrisables menacent de tout faire chavirer. Mais rien de cela ne peut contraindre la vie en Dieu à s’éteindre. Le vent tancé nous renvoie en écho le son de la voix de Jésus: «Silence, tais-toi!» Ecoute en toi la vie de Dieu.

Didier Berret | Vendredi 18 juin 2021


Mc 4, 35-41

Toute la journée,
Jésus avait parlé à la foule.
Le soir venu, Jésus dit à ses disciples :
« Passons sur l’autre rive. »
Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était,
dans la barque,
et d’autres barques l’accompagnaient.
Survient une violente tempête.
Les vagues se jetaient sur la barque,
si bien que déjà elle se remplissait.
Lui dormait sur le coussin à l’arrière.
Les disciples le réveillent et lui disent :
« Maître, nous sommes perdus ;
cela ne te fait rien ? »
Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer :
« Silence, tais-toi ! »
Le vent tomba,
et il se fit un grand calme.
Jésus leur dit :
« Pourquoi êtes-vous si craintifs ?
N’avez-vous pas encore la foi ? »
Saisis d’une grande crainte,
ils se disaient entre eux :
« Qui est-il donc, celui-ci,
pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

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