Christian Thurre, un diaconat pour la Création

Le Valaisan Christian Thurre (59 ans) sera ordonné diacre le 27 juin 2021, à Saillon (VS). Ce météorologue de formation prévoit de porter sa mission diaconale principalement dans le champ de l’écologie intégrale, développée par le pape François dans Laudato si’.

La célébration aura lieu sur la place des Remparts, au cœur du village. Pour la rejoindre Christian, son épouse Marie-France et leur famille partiront de l’église même où, il y a plus de trente ans, ils se marièrent. Dieu y serait-il pour quelque chose? Ce sera en tout cas le symbole fort d’un retour aux sources, d’un renforcement d’unions anciennes, aussi bien avec le Christ qu’avec son épouse.

Le diacre, partie émergée de l’iceberg

L’ordination diaconale de Christian Thurre, qui se déroulera en même temps que les ordinations sacerdotales des deux frères Simon et Valentin Roduit, lui donne «un peu le trac». Avec Marie-France, il s’y est préparé en passant quelques jours de retraite à l’Abbaye d’Hauterive (FR), où cath.ch les a rencontrés.

Au-delà de sa légère nervosité, Christian Thurre se dit «impressionné». Par quoi? Par «la fidélité de Dieu», confie-t-il. Christian et Marie-France admettent que, dans leur parcours, ils se sont parfois détournés du Christ. «Mais nous nous sommes pourtant aperçus que, Lui, ne nous avait jamais perdus de vue. Qu’il s’était toujours tenu à nos côtés, en discrétion et en miséricorde».

«Je profiterai ‘par capillarité’ de la grâce offerte à Christian par le sacrement»

Marie-France Thurre

Il insiste sur le «nous», car son cheminement de foi s’est toujours effectué avec Marie-France. Sa nouvelle mission au service du Christ serait impensable sans son épouse. Ils vivent cet appel comme un «débordement» du sacrement du mariage. «En tant que diacre, j’ai l’impression que je ne serai que la partie émergée de l’iceberg. Les neuf dixièmes de la mission seront constitués par la partie immergée, dans laquelle Marie-France tiendra une part essentielle».

Cheminement commun

Comme c’est le cas lors des ordinations diaconales, la première question de l’évêque sera adressée à l’épouse du diacre, pour demander si elle accepte l’engagement de son mari. A cette occasion, Marie-France entend développer sa réponse, afin de «mettre en valeur ce ‘oui’ commun». «Je profiterai ‘par capillarité’ de la grâce offerte à Christian par le sacrement», espère également Marie-France.

Ils verraient d’un bon œil la possibilité d’un «diaconat de couple». «Qui sait? L’Eglise le permettra peut-être un jour», lancent-ils avec un petit sourire.

Christian et Marie-France Thurre, avec leurs cinq enfants et deux petits enfants | © DR

Un cheminement commun dont ils ne cachent pas qu’il a été semé d’écueils. Comme lorsqu’une profonde crise, sept ans après leur mariage, menace de mettre fin à leur union. Sur le conseil d’un prêtre, ils se tournent vers l’aide de Dieu. Ils ressortiront de cette démarche avec une expérience du divin très forte, «au point où l’on s’est dit, qu’on voulait le connaître davantage». Ils intègrent alors une communauté de vie chrétienne, dans laquelle ils vivront plus de quinze ans, en Suisse et en France. Ils en sortiront après avoir constaté que cette vie communautaire ne leur convenait plus.

Si cette épreuve a quelque peu affecté la confiance en l’Eglise, ils continuent à garder le Christ «à la première place», ce qui leur permet de ne pas s’éloigner d’elle.

Il y a quelques années, sur l’interpellation de Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, le couple a donc repris le chemin du diaconat.

Sous le signe de Laudato si’

Christian et Marie-France Thurre espèrent mener cette mission diaconale dans le champ de leurs charismes et compétences respectives. Celui du Valaisan s’oriente assez naturellement vers la sauvegarde de la Création. Attaché à la nature et sensible aux questions écologiques, il a été très marqué par la lecture de Laudato si’ (2015), où ce météorologue de formation à retrouvé ses préoccupations de longue date sur la dégradation du climat et de l’environnement.

«Il est temps que toutes les Eglises chrétiennes se mobilisent pour la Création»

Christian Thurre

Sa mission, il la portera ainsi principalement dans le cadre de son activité professionnelle. Il travaille en effet à plein temps pour le service de l’environnement de l’Etat du Valais. Il y évalue en particulier l’impact sur le milieu naturel des gros projets de construction dans le canton. «Je suis heureux de pouvoir conjuguer mon activité professionnelle avec mes convictions profondes», assure-t-il. Car il est persuadé que Dieu se dévoile non seulement dans la beauté de Sa Création, mais aussi «dans la grandeur de l’homme qui en prend conscience».

Prière au Groenland

Cette spiritualité liée à la nature, Christian l’a notamment développée sur la côte du Groenland. Dans sa jeunesse, il a en effet participé à une expédition de deux mois organisée sur l’île nordique par les Collèges de St-Maurice et de Sion (VS). Il est resté coincé pendant sept jours sur un coin de rivage au-delà du cercle polaire, parce que le bateau qui devait venir les chercher avait eu une avarie. En compagnie d’un chanoine et d’un médecin, il priait quotidiennement les offices avec le prêtre. Dans ces instants où l’idée de la mort est plus que jamais présente et la solidarité humaine plus que jamais nécessaire, il a tissé une forte «relation de confiance» avec Dieu, ainsi qu’avec ses compagnons d’expédition.

Pour sa mission diaconale, l’idée qui se profile est de promouvoir en Valais EcoEglise. Un réseau suisse dont l’aspect œcuménique tient également à cœur à Christian Thurre. «Il est temps, je pense, que toutes les Eglises chrétiennes se mobilisent pour la Création. L’écologie est en outre un endroit précieux où elles peuvent se rejoindre et collaborer». Face aux défis actuels, le futur diacre est persuadé que les Eglises doivent s’engager, en dépit des critiques, au nom des valeurs auxquelles elles croient. «Comme le pape François l’exprime dans Laudato si‘, les chrétiens peuvent développer dans la société cette idée que l’homme doit être pour la nature non pas un prédateur, mais un intendant avisé».

Un diaconat «de l’être»

Marie-France remarque aussi que l’encyclique parle d’une écologie «intégrale», qui prend en compte l’ensemble de la personne et de la société humaines. Le pape relie ainsi constamment le combat contre la destruction de la nature à celui contre la pauvreté. En tant qu’épouse du diacre, et même si elle est également attachée aux questions d’environnement, elle veillera à ce que ces deux dimensions, sociale et environnementale, de la mission, demeurent étroitement liées. Alors qu’elle et Christian sont parents de cinq enfants et grands-parents de deux, sa mission se déploiera aussi naturellement dans le cadre familial.

Pour l’instant, comme Christian continuera à travailler à plein temps, il exercera davantage un diaconat «de l’être» que «du faire», précise-t-elle. Présentement, le couple s’occupe de quelques missions pour les paroisses de Sion, telles que les soirées de préparation aux baptêmes. Christian espère qu’une fois à la retraite, il pourra développer pleinement ses activités en lien avec l’Eglise. En attendant, les époux sont conscients que l’ordination diaconale n’est pas un aboutissement, mais un commencement. (cath.ch/rz)

La messe d’ordination, le 27 juin 2021 à Saillon, est retransmise en direct, dès 14h30, sur Canal9.

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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