Détruire pour rebâtir…mais quoi?

Voilà donc annoncée par la presse genevoise la destruction d’une troisième église catholique sise sur le territoire de notre République. Après St-Marc à Onex, Ste-Jeanne aux Charmilles, voici maintenant St-Pie X au Bouchet. Et ce programme pourrait devenir contagieux.

Sans être des chefs d’œuvres dignes de figurer au patrimoine universel de l’UNESCO, deux de ces lieux de culte voués au bulldozer sont tout de même des témoins d’une architecture qui a marqué au 20ème siècle les églises de Romandie, alors en pleine floraison. L’argent manque désormais «pour réparer des ans l’irréparable outrage» qui affecte ces relatives vieilles dames. Surtout, les fidèles font défaut, laissant des rangées de bancs et de chaises vides face à un célébrant déprimé.

Déprime passagère toutefois que des financiers, promoteurs et autres experts comptables s’emploient à guérir. Ils proposent la solution-miracle. On détruit et on reconstruit…autrement. Un immeuble locatif mettra en valeur le terrain libéré et ses revenus subviendront au déficit chronique de «l’exploitation paroissiale». Bien sûr, on pourra aménager au sous-sol ou en annexe un  «espace sacré» pour satisfaire les derniers Mohicans nostalgiques de la messe.

Sans doute, j’exagère. Si peu, à dire vrai. J’ai gardé en mémoire la formule d’un missionnaire responsable des finances d’un diocèse africain affirmant avec autorité: «On ne peut faire que la pastorale de ses finances». De quelle pastorale parlait-il? Serait-ce celle de Jésus qui n’avait pas d’argent à sa ceinture ni de pierre où poser sa tête? Peut-être, ce prêtre-économe voulait-il freiner l’endettement irresponsable de ses confrères et ramener leurs comptes aux chiffres noirs. Il ne répondait pas pour autant à la question fondamentale sur la nature et l’origine des pierres qui construisent l’Eglise. Pierres vivantes ou cubes de briques ou de béton?

«Commençons donc par bâtir la maison-église par ses fondations naturelles et non par sa flèche ou sa cheminée.»

S’il s’agit de pierres vivantes, c’est donc de la communauté qu’il est question. La forme de l’habitacle où se retrouvent des «frères et sœurs chrétiens» est secondaire. La chambre d’un malade, une maison familiale, l’ombre d’un baobab, la Basilique St-Pierre ou Palexpo, peu importe, du moment que ces lieux abritent des hommes et des femmes dont le regard est tourné vers Jésus-Christ. Commençons donc par bâtir la maison-église par ses fondations naturelles et non par sa flèche ou sa cheminée.

Quant aux cathédrales, basiliques ou églises désaffectées, que les deniers publics ou ceux de la société civile leur fassent grâce! Ces monuments font mémoire d’un peuple autrefois croyant, mais aussi d’une masse anonyme d’artisans et d’hommes de peine qui les ont mis sur pied, parfois au risque de leur vie.

Autre raison de les conserver. De même que les rives de nos lacs et nos jardins publics nous permettent de reprendre souffle, ces vaisseaux de lumière, taillés dans la pierre ou coulés dans le béton, peuvent offrir un havre de paix, de méditation et de silence aux humains toujours plus nombreux fatigués de la vie. Je ne parle pas ici de concerts et autres prestations sportives ou culturelles, ni même des défilés de touristes chinois ou japonais. Je pense simplement à nos enfants et petits-enfants affamés de silence et de beauté aussi. Si tant est que reste vrai l’adage biblique: «L’homme ne vit pas seulement de pain». 

Guy Musy

30 juin 2021

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