Homélie du 18 juillet 2021 ( Mc 6, 30-34)

Mgr Jean Scarcella – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,
Une raison essentielle et fondamentale qui permet aux hommes et aux femmes de vivre ensemble dans un unique projet de construction, celui de l’établissement du Royaume de Dieu, c’est de chercher la paix, de vivre en paix. Et pas seulement de vivre en paix, mais d’abord de vivre la paix ; la paix qui doit être comprise comme un élément inhérent à la vie des hommes, une réalité qui permet l’épanouissement de toutes les qualités humaines appelées à donner à l’homme sa dignité dans l’ordre de la création divine.


La paix est comme un principe intangible, qui est à la base de toute action humaine, certes, mais bien sûr d’abord chrétienne. Cependant elle n’est pas immuable, elle peut se défaire et se refaire, elle est composite de tant d’enjeux de vie ; elle est forte, mais aussi fragile. Si elle est un bloc qui unit les hommes en son sein, elle peut aussi être le moyen d’unir ceux qui sont dispersés. Saint Paul nous le disait à l’instant : « Il [Jésus] est venu annoncer la Bonne Nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches ».

D’autre part, si la paix est un en-soi, si elle est une réalité à part entière, elle reste confrontée à ce qu’elle n’est pas – son contraire : l’absence de paix qui porte au chaos, l’oubli de la paix qui amène la discorde.

Dieu a mis toutes choses «en forme de paix»


Tout d’abord la paix rassemble, elle met ensemble. Cela a été la première œuvre de Dieu quand il s’est manifesté en tant que créateur face au néant, au chaos, précisément. Sa création a non seulement fait advenir ce qui n’existait pas, mais elle a aussi mis les choses ensemble ; elle a ordonné les éléments créés, en les rassemblant par affinités, comme par fonctionnalités. Il a mis toutes choses «en forme de paix», là où tout va bien de concert, où tout s’harmonise, comme les notes d’une même tonalité. Et le sommet de cette création, nous le savons bien, c’est l’homme et la femme, principes de paix, à la fois immanente et réelle.

Ensuite la paix doit, par son existence qui se déploie dans l’humanité, et par son essence-même, lutter contre tout ce qui peut la mettre de côté, dans les abîmes de l’oubli. Car alors va naître la discorde, se déployer la violence, gronder la guerre. Pour lutter là-contre, la paix doit continuellement se refaire, elle doit aller chercher au plus profond d’elle-même la force d’y parvenir à tout prix ; c’est essentiel, vital pour le genre humain auquel elle est viscéralement attachée.

L’arme de la paix c’est l’amour


Cependant, malgré tout ce que l’on vient de dire, la paix toute seule, comme ça, avec tout le potentiel d’énergie qui peut lui donner d’être, ne peut pas aller au front, pour contrer ce qui l’agresse, sans arme ; effectivement elle n’a pas d’arme destructrice, ce qui donnerait raison au proverbe :»Qui veut la paix prépare la guerre», non, mais son arme à elle, son unique arme, qui n’est pas un objet qui pousse à l’offensive, est une réalité, un don, une grâce qui vient de Dieu et sur laquelle elle s’appuie, et cette arme-là : c’est l’amour !

Vous le savez très bien, frères et sœurs, aucune paix n’est possible s’il n’y a l’amour. La paix est non seulement une manifestation de l’amour, mais encore le lieu-même de l’amour, comme le sont pour le psalmiste les prés d’herbe fraîche, les verts pâturages où le pasteur chérit et soigne ses brebis. Car une chose est sûre et imparable : là où il n’y a pas d’amour on ne trouvera que de la haine. Et puis encore, mes sœurs, mes frères, n’allons pas imaginer des degrés à l’amour pour nous disculper face à ces manques d’amour que nous excusons trop facilement. Oui, frères et sœurs, s’il n’y a pas l’amour : eh bien il y a la haine, et c’est tout ! Là où il n’y a pas d’amour vécu, le loup entre dans la bergerie et nous devenons des complices de son action ; nous devenons de mauvais pasteurs pour nos frères et sœurs, nous les chassons hors du bonheur, nous les dispersons dans des lieux ténébreux, nous les tuons avec l’épée de la haine, par manque d’amour, ni plus ni moins !

Le Dieu qui sauve c’est Jésus, l’Emmanuel, «Dieu-avec-nous»


On ne peut y aller par quatre chemins, frères et sœurs, car il n’y a qu’un chemin que nous, chrétiens, nous connaissons tous, et qui se nomme Jésus. C’est lui le « Germe juste » dont le prophète Jérémie annonce la venue, lui que Dieu suscitera pour rassembler les brebis dispersées par la haine, chassées par la jalousie ou abandonnées par orgueil. Celui qu’Isaïe a nommé l’Emmanuel, «Dieu-avec-nous», que Jérémie appelle «Le-Seigneur-est-notre-justice» et que l’ange Gabriel annonce comme le «Dieu qui sauve» : c’est lui, Jésus !
Mes sœurs, mes frères, Dieu, notre Dieu, est le Dieu qui est avec nous, notre paix et notre chemin vers le salut. Dieu est amour ; il est avec nous et nous apprend l’amour, élément premier et fondamental de notre vie chrétienne. C’est donc avec l’amour que nous pouvons vivre dans l’harmonie que procure la paix.

Les gestes, les mots et les sentiments justes pour vivre la paix

Ce Dieu est notre justice, aussi, c’est-à-dire qu’il nous apprend les gestes, les mots et les sentiments justes pour vivre la paix et être rassemblés, paisiblement, autour de Celui qui est à la fois l’Agneau et le Pasteur. Un lieu de paix total : sinon il n’en est pas un ! …
Enfin, ce Dieu est celui qui nous sauve, nous réconciliant les uns les autres avec lui en nous rassemblant « en un seul corps par le moyen de la croix », disait encore saint Paul. En effet, Jésus est venu pour nous apprendre l’amour qui sauve, en tuant la haine par son sacrifice d’amour en sa vie offerte pour nous. Par sa croix il nous apprend le pardon, le seul moyen pour nous de manifester la paix et de la vivre : le moyen essentiel pour lutter contre la haine, afin de restituer au monde l’entier de l’amour, et rassembler l’universalité des brebis autour du seul berger.

Ainsi soit-il !

16e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6 Psaume 22 / Éphésiens 2, 13-18 / Marc 6, 30-34

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