Discours du pape à Kampala à propos du sida (160293)

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Ce qui a été réellement dit

Traduction de la version italienne et bref commentaire de Mgr Grab

Genève/Fribourg, 16février(APIC) Les discours prononcés par Jean Paul II

les 6 et 7 février derniers en Ouganda ont suscité, dans plusieurs journaux, des commentaires peu nuancés dans lesquels, une fois de plus, l’enseignement moral de l’Eglise est présenté sous un jour partiel et partial.

Les lecteurs ont pu comprendre que l’axe principal ou même unique des propos du Saint-Père était la condamnation du préservatif. Pour corriger cette

impression erronée, « Evangile et Mission », l’hebdomadaire pastoral officiel

des diocèses suisses romands, dans sa prochaine édition à paraître jeudi,

publie les passages des discours pontificaux ayant trait au sida. La traduction à partir de la version italienne a été faite par Mgr Amédée Grab,

évêque auxiliaire à Genève. Le texte est accompagné d’un bref commentaire

de Mgr Grab. L’APIC publie in extenso tant le texte que le commentaire.

Le discours aux jeunes de Kampala

Dans la soirée du 6 février, s’adressant à plus de 60’000 jeunes réunis

au stade Nakivubo de Kampala, Jean Paul II a notamment déclaré:

« La plupart d’entre vous parcourra le chemin de la vie dans le mariage.

Le mariage aussi (comme la maturité personnelle est la contribution de chacun au développement de la nation) exige un type particulier d’éducation.

Il faut vous préparer à l’engagement merveilleux du mariage et de la fondation d’une famille, l’union la plus importante de la communauté chrétienne.

En tant que jeunes chrétiens, vous devez vous préparer soigneusement à devenir de bons époux et de bons parents. Il faut le faire avec vos familles. »

« Pour la préparation au mariage, votre vocation à la chasteté est essentielle. Je sais que les jeunes refusent l’hypocrisie. Vous voulez être honnêtes envers vous-mêmes et envers les autres. Une personne chaste est honnête. Quand Dieu nous a créés, il nous a donné plusieurs manières de « parler » entre nous. Nous nous exprimons à travers des paroles, nous nous exprimons aussi à travers le corps. Les gestes sont comme des « paroles » qui

révèlent ce que nous sommes. Les actes sexuels sont comme des « paroles » qui

révèlent nos coeurs. Le Seigneur veut que nous vivions notre sexualité selon son projet. Il attend de nous que nous « parlions » en disant la vérité.

Le langage sexuel honnête exige un engagement à la fidélité pour la durée

de toute la vie. Donner son corps à une autre personnes signifie se donner

tout entier à cette personne. Toutefois si vous n’êtes pas mariés, vous admettez que vous pourriez changer d’idée plus tard, Donc. il n’y aurait pas

de donation totale. Sans le lien du mariage, les rapports sexuels sont mensongers, et pour les chrétiens, mariage signifie mariage sacramentel.

La force de l’amour

La chasteté – qui signifie respecter la dignité des autres puisque nos

corps sont des temples de l’Esprit-Saint (cf. 1 Co 6, 19) – vous fait grandir dans l’amour envers les autres et envers Dieu. Elle vous prépare à réaliser le « don réciproque » (cf. Gaudium et spes n. 48) qui est à la base du

mariage chrétien. Et, ce qui est encore plus important, elle vous enseigne

à apprendre à aimer comme le Christ aime, en donnant sa vie pour les autres

(cf. jn 15, 13).

Ne vous laisser pas tromper par les paroles de certains qui tournent en

ridicule la chasteté ou votre capacité à une maîtrise de soi. La force de

votre amour conjugal dépend de la force de votre engagement actuel dans

l’apprentissage de l’amour authentique; il s’agit d’une chasteté qui comporte que vous vous absteniez de tous rapports sexuels en dehors du mariage. Le lien sexuel de la chasteté est le seul moyen sûr et vertueux de mettre un terme au fléau tragique du sida qui a déjà fait tant de jeunes victimes.

Aidés par la grâce de Dieu dans les sacrements de pénitence et d’eucharistie « soyez forts, prenez courage » (Dt 31, 6), le pape vous invite à vous

engager dans cette révolution spirituelle de la pureté du corps et du

coeur. Laissez la rédemption du Christ porter ses fruits en vous! Le monde

contemporain a besoins de ce genre de révolution! »

L’émouvant témoignage de Véronica

Durant cette rencontre avec les jeunes, Véronica Nakalanzi, treize ans,

a raconté son expérience personnelle à Jean Paul II. Partageant ses souffrances et son espérance avec tous les jeunes d’Ouganda, elle a dit au pape:

« Saint-Père, je m’appelle Véronica Nakalanzi. Je suis née en 1979. J’ai

13 ans. Un jour fatidique il y a deux ans, vers 17 h 30, j’ai pris un raccourci pour rentrer à la maison après l’école. Soudain un homme jaillit

d’un buisson qui se trouvait au bord du chemin et se jeta sur moi. J’appelai au secours, mais ceux qui aurait dû me tirer d’affaire arrivèrent trop

tard, quand l’homme, un voisin, m’avait déjà contrainte à faire ce que je

ne voulais pas. Ensuite l’homme fut identifié et remis à la police, ce qui

ne me libéra pas de mon état de choc, de ma peur, de ma terreur. Je n’arrêtais pas de pleurer. Quelques temps après, je tombais gravement malade. Le

test révéla que j’étais séropositive. Ensuite le sida se développa. Mes camarades se moquaient de moi. Pour échapper à ce tourment, j’ai quitté

l’école. Par la suite, j’ai vécu le rejet et la solitude.

Toutefois Dieu ne m’a pas oubliée. Il m’a manifesté son amour et sa tendresse à travers ma tante Noréenne Kalesba. Le groupe de l’Organisation

pour le soutien aux malades du sida est le groupe Philly Lutaaya. Ces personnes m’ont consolée, m’ont encouragée, m’ont aidée à retrouver la paix et

ma dignité. Elles m’ont fait comprendre que je pouvais vivre joyeusement et

dans l’espérance malgré le sida. Mieux, elles m’ont fait comprendre que je

pouvais aider d’autres personnes à apprécier le don de la vie et que jamais

je ne devais devenir une menace pour la vie de mes amis.

Saint-Père, votre jeune enfant Véronica est ici comme un défi: aux adultes que nous invitons à nous aider, à grandir dans la foi et la dignité;

aux parents que nous invitons à construire des familles saines où nous

puissions trouver amour, joie et protection; à mes frères les jeunes que

j’invite à lutter pour un comportement sain, à valoriser les bonnes amitiés

et à éviter tout ce qui pourrait les exposer à la menace du sida; à tous

les chrétiens et aux hommes de bonne volonté que j’invite à être chrétiens

dans leurs paroles, dans leur comportement et dans leurs actions.

Saint-Père vous êtes venu nous éclairer, nous, les jeunes de l’Ouganda.

Priez pour que nous puissions toujours marcher dans la lumière de Jésus. »

Un appel à tous les chercheurs

En visite le lendemain dimanche 7 février, à l’hôpital de Nsambya, le

pape s’est adressé spécialement aux malades du sida et leur a dit notamment

ceci:

« Je sais bien que depuis une décennie cette terrible maladie a déjà fait

d’innombrables victimes dans votre pays et qu’elle a privé des milliers

d’enfants des soins de leurs parents. Beaucoup d’entre vous sont déjà alités, beaucoup d’autres sont séropositifs, d’autres encore vivent dans la

crainte perpétuelle de contracter la maladie. Il n’y a qu’une personne qui

puisse vous donner espoir et confiance face à une douleur aussi grande, à

la peur et à la mort elle-même: c’est le Christ qui a dit: « Venez à moi,

vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous donnerai le

repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis

doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon

joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11, 28-30). Ne vous découragez jamais! Parfois le joug semble difficile à porter et le fardeau

lourd, mais le Seigneur vous assure comme saint Paul: « Ma grâce te suffit;

ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12, 9). Le

Christ est à vos côtés; ne doutez pas de sa présence ou de la force de sa

grâce.

Cette crise qui frappe les jeunes

Le fléau du sida est un défi pour tous. Comme les évêques de l’Ouganda

l’ont fait observer à juste titre: « La situation, qui nous frappe tous,

doit être affrontée dans la solidarité, avec beaucoup d’amour et de sollicitude pour les victimes, avec une grande générosité envers les orphelins

et un engagement généreux en vue de renouveler la vie morale chrétienne »

(lettre pastorale « fais resplendir ta lumière », n. 28). En effet, tous les

hommes de bonne volonté sont appelés à réfléchir aux problèmes sociaux et

moraux plus profonds liés à cette maladie. En même temps que le sida se

répandait, une crise diffuse des valeurs s’est développée dans certaines

sociétés parce que de nombreuses personnes grandissent mutilées spirituellement, indifférentes aux vertus et aux valeurs spirituelles qui seules

peuvent garantir le vrai bonheur et le progrès authentique de la société.

Cette crise spirituelle frappe surtout les jeunes dont dépend l’avenir du

pays.

Vous qui êtes malades du sida, vous avez un rôle important à jouer dans

cette lutte vitale pour le bien de votre pays. Offrez vos souffrances en

union avec le Christ pour vos frères et vos soeurs exposés à un risque particulier. Vos souffrances peuvent être une occasion, une grâce de promouvoir la renaisance morale de la société ougandaise.

J’invoque le don de l’amour indéfectible de Dieu, qui fortifie et qui

soutient, surtout les malades du sida et surtout ceux qui s’emploient généreusement à les soigner. En même temps, j’adresse un appel à tant de chercheurs qui travaillent pour trouver une réponse scientifique et efficace à

cette maladie. Qu’ils ne tardent pas! Et surtout, qu’ils ne permettent pas

que des considérations commerciales les distraient de leurs généreux efforts. » (apic/e+m/pr)

Le contexte

Les imperfections de cette traduction provisoire n’empêchent pas de voir

dans quelle perspective le pape a situé ses messages. Ceux-ci n’apportent

pas d’éléments absolument originaux. Un relief tout particulier vient

d’avoir été adressé aux croyants d’un pays où environ dix pourcent de la

population est séropositive. Le message du samedi a été prononcé dans le

cadre d’une liturgie de la parole dont le thème était « La lumière du

Christ ». L’appel du dimanche soir aux scientifiques a donné lieu, dès le

surlendemain mardi 9 à 23 h 15, à un débat de très haut niveau à la télévision italienne RAI Uno. (apic/e+m/pr

+ Amédée Grab

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