Brésil: des militants bolsonaristes s’en prennent à des prêtres

Alors que des dizaines de milliers de Brésiliens manifestent dans les rues depuis la fin mai contre l’impéritie de Jair Bolsonaro en matière de lutte contre la pandémie de Covid-19 qui a déjà tué plus d’un demi-million de personnes, ses partisans s’en prennent de plus en plus fréquemment à des prêtres critiques.

Des fidèles catholiques, partisans du président d’extrême droite, s’en sont pris le 4 juillet au Père Lino Allegri, un prêtre italien fidei donum de 82 ans qui donne un coup de main dans la paroisse Nossa Senhora da Paz, à Fortaleza, la capitale de l’Etat du Ceará, dans la région du Nordeste.

Le missionnaire envoyé par le diocèse italien de Bolzano-Bressanone, est actif depuis 1991 dans l’archidiocèse de Fortaleza. Il a «osé» évoquer les 500’000 personnes tuées par le Covid-19 au Brésil et la négligence du gouvernement face au vaccin, ce qui a rendu furieux un groupe de fidèles bolsonaristes. A la fin de la messe, ils ont alors envahi la sacristie pour agresser verbalement le curé. D’autres agressions ont été perpétrées au cours des messes suivantes, notamment contre le curé de la paroisse, le Père Oliveira Braga Rodrigues.

Les Pères Lino Allegri et Oliveira Braga Rodrigues, de la paroisse de Notre-Dame la Paix à Fortaleza, sont désormais inclus dans le Programme d’Etat pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (PPDDH/CE) suite au harcèlement de la part d’un groupe de partisans de Bolsonaro.

Le prêtre de 82 ans accusé d’être un «communiste»

Selon l’archidiocèse de Fortaleza, le Père Oliveira a présidé la messe de 8 heures du 11 juillet, au cours laquelle un colonel à la retraite a été expulsé de l’église après avoir hurlé contre les prêtres. L’affaire s’est produite lors de la lecture de notes de soutien au Père Lino, agressé verbalement le week-end précédent par des personnes issues de la classe moyenne supérieure, qui l’ont traité de «communiste» et lui ont conseillé de retourner en Italie.

Le président Bolsonaro parle toujours de Dieu, mais met en œuvre des politiques qui vont dans la direction opposée

Dans l’homélie, témoigne pour sa part le Père Allegri, «j’ai essayé de relier l’Evangile et la vie: dans le sillage de l’apôtre Pierre, j’ai dit que la foi professée va de pair avec l’amour des frères. Dans ce contexte, j’ai fait référence au président Bolsonaro, qui parle toujours de Dieu, mais met en œuvre des politiques qui vont dans la direction opposée, même dans le cas du Covid-19 – au Brésil, nous avons dépassé 510’000 victimes… »

Dimanche dernier, bien que le Père Lino, par prudence, n’ait pas célébré dans l’église paroissiale, «il y avait une présence dans cette église d’un groupe de partisans du président, pour la plupart d’anciens fonctionnaires et hommes d’affaires, explique le prêtre, tous portant le maillot jaune de l’équipe nationale et le numéro 17, en gros l'»uniforme» porté par Bolsonaro lors de la campagne électorale de 2018. C’était une démonstration de force. A la fin de la messe, ils se sont photographiés, naturellement sans masque, dont l’usage est ici encore prescrit, même à l’extérieur…»

Depuis 1970 au Brésil, le Père Allegri ne s’attendait pas à devenir un ›personnage’ connu dans tout le pays, mais il se déclare «serein. Le prêtre italien a reçu le soutien de diverses organisations catholiques, notamment de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) et de la Caritas brésilienne, qui dénonce les «menaces constantes [contre le prêtre, ndlr] pour avoir défendu la vie et pour s’être montré solidaire des victimes du Covid». (cath.ch/sir/ihu/adital/be)

Jacques Berset

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