Homélie du 25 juillet 2021 (Jn 6, 1-15)

Chanoine Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard

Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi.

« Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi »… Chers frères et sœurs ici présents dans cette église de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard et vous tous qui êtes en communion avec nous par la magie des ondes d’Espace 2, quel que soit l’endroit où vous vous trouvez en ce moment, à l’hôpital, en prison, à la maison, sur la route ou sur le lieu de votre travail ou encore ailleurs, cette réflexion de saint Augustin qui ouvre cette homélie veut rappeler à chacun de nous combien il est nécessaire de notre part de donner une réponse libre à l’exhortation divine de marcher sur la route avec le Christ pour accomplir pleinement notre vocation de pèlerin en marche vers le Règne de Dieu.

S’engager pour la cause du Règne de Dieu

Le récit bien connu de la multiplication des pains que la liturgie de ce jour présente à notre méditation enseigne en premier lieu que Dieu, en son Fils Jésus, révèle son dessein d’amour en désirant que tout être humain soit sauvé au point de placer toute sa gloire dans l’homme vivant.  Ce passage d’évangile présente donc un Jésus très humain, attentif à la condition de chacune des personnes venant vers lui pour entendre sa parole. « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Cette question adressée à Philippe, précise l’évangéliste, a comme but de l’interpeller et par là, d’exhorter chacun à s’engager pour la bonne cause du Règne. Travailler pour le Royaume de Dieu n’est pas une tâche réservée à un petit groupe de personnes ; chacun est appelé à se sentir impliqué pour cette cause : Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi ; il a suffisamment semé dans ton cœur les qualités nécessaires pour travailler à la venue de son Règne mais il attend ta libre réponse pour réaliser en toi son dessein de salut.

La communauté est donc appelée à s’impliquer pour répondre au commandement du Seigneur ; « Donnez-leur vous-même à manger ! » dit Jésus. Alors que les disciples s’interrogent au niveau économique pour essayer de trouver une solution, l’attention de Jésus se porte vers un petit garçon, présenté par André, le frère de Simon-Pierre, qui avait avec lui cinq pains d’orge et deux poissons. Et c’est là que Jésus attend de la part de chacun un acte de confiance : avec peu de choses, il est capable de réaliser quelque chose de grand : un signe montrant qu’il se donne abondamment à tout être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Les petites qualités qui sont signe du royaume de Dieu

Il faut souvent peu de choses pour rayonner d’une présence riche, porteuse d’espérance et de vie. Si l’on pouvait redécouvrir les petites qualités cachées dans le cœur de chacun capables d’être un signe du royaume de Dieu ! Par exemple, un sourire ne coûtant rien qui produit beaucoup, un petit geste d’attention qui restimule, un regard encourageant qui valorise. Le Seigneur n’attend pas des actes extraordinaires de notre part pour se manifester ; dans le récit de la multiplication des pains, un enfant ayant cinq pains et deux poissons suffit pour être le signe d’une espérance nouvelle.

Lors d’un pèlerinage à Lourdes durant le mois de juillet, assis près de l’entrée des sanctuaires, un mendiant recevait quelques pièces de monnaie de la part d’un prêtre qui lui faisait l’aumône. En recevant ce don, il fixa des yeux son bienfaiteur et lui  dit : « Toi, tu es un curé, moi je suis un con. Je n’ai pas besoin de ton argent, j›ai besoin de ton cœur. » Par des rencontres, d’évènements inattendus, joyeux comme douloureux, Dieu écrit droit avec des lignes courbes. Confrontés à nous-mêmes, nous apprenons petit à petit la qualité et l’importance du don. Ecoutons ces quelques réflexions du poète libanais Khalil Gibran à ce sujet :

Alors, un homme riche dit : « Parlez-nous du don. »

Et il répondit : « Vous ne donnez que peu lorsque vous donnez de vos biens. C’est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement.

Il en est de ceux qui donnent peu de l’abondance qu’ils ont – et ils donnent pour susciter la reconnaissance – et leur désir secret corrompt leur don.

Il en est qui ont peu et le donnent entièrement. Ceux-ci croient en la vie et dans la bonté de la vie et leur coffre n’est jamais vide.

Il en est qui donnent avec joie et cette joie est leur récompense.

Il en est qui donnent avec douleur et cette douleur est leur baptême.

Il en est qui donnent et ne ressentent ni douleur ni joie et ne sont pas conscients de leur vertu ; ils donnent, comme dans la vallée là-bas le myrte exhale son parfum dans l’espace.

Par les mains de tels êtres, Dieu parle et, à travers leur regard, il sourit à la terre.

(Khalil Gibran, Le Prophète)

Chers frères et sœurs dans le Christ, en ce 17ème dimanche  du Temps ordinaire où nous sommes invités à rendre grâce au Seigneur pour tant de personnes qui savent donner le meilleur d’elles-mêmes au service de la société, auprès des malades et des marginalisés, pour tant d’ouvriers œuvrant dans l’ombre dans les entreprises et d’autres établissements, alors que durant cette année, nous vivons l’année «Saint Joseph» durant laquelle le pape François invite chacun à méditer sur la vie de cet homme qui ne fut que don de lui-même pour la cause du Règne de Dieu, demandons au Seigneur la grâce de découvrir ou de redécouvrir la beauté du don de soi-même à l’image de Celui qui est venu non pas pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.

17ème dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : II Rois 4, 42-44 : Ils en mangeront et il en restera.
Ephésiens 4, 1-6 : Un seul corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême.
Jean 6, 1-15 : Il leur distribua autant qu’ils le voulaient.

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