Henri Didon, le dominicain auteur de la devise olympique

«Citius, Altius, Fortius» (plus vite, plus haut, plus fort). La devise des Jeux olympiques, qui résonne à Tokyo en juillet 2021 est due à un dominicain français, le Père Henri Didon. Promoteur du sport scolaire, le religieux a été un grand pédagogue de son siècle.

Le Comité olympique vient d’ajouter à sa devise un quatrième mot: «ensemble», que n’aurait certainement pas renié le Père Didon, rappelle l’agence romaine zenit.
Mondialement célèbre à son époque, le nom d’Henri Didon n’est plus guère connu aujourd’hui. Il fut pourtant avec son ami le baron Pierre de Coubertin l’un des promoteurs du renouveau des Jeux olympiques modernes.

Le sport pour l’éducation

En mars 1891, le Père Didon, alors proviseur au collège dominicain Albert-le-Grand d’Arcueil, en Ile de France, organise des compétitions sportives au sein de l’établissement. Dans son discours qui clôt la manifestation, il prononce les trois mots latins citius (plus vite), altius (plus haut) fortius (plus fort). Le recteur les fera aussi broder sur le drapeau du collège et inscrire au fronton de l’institution. Cette devise fut également déclinée sous forme de chanson par les élèves d’Arcueil.
Pour le dominicain, citius se rapporte à l’esprit, aux études; altius a trait à l’élévation de l’âme, en chemin vers Dieu et fortius est le domaine du corps, façonné par le sport.

Trois mois plus tôt, Pierre de Coubertin était venu demander l’appui de Didon pour l’aider à convaincre les établissements scolaires religieux d’accepter les rencontres sportives face aux établissements laïcs. Le dominicain avait été facilement convaincu et quelques jours après l’entrevue, il avait créé dans la foulé au sein de son établissement une association sportive officielle.

Premier congrès olympique à Paris en 1894

Cette devise devient celle des Jeux olympiques en 1894 à l’occasion du premier congrès olympique, réuni à la Sorbonne, à Paris. Didon et Coubertin sont à nouveau réunis en 1896 à Athènes pour les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, où on demande au Père dominicain de célébrer la messe. Didon y vient avec un grand voyage scolaire des élèves d’Albert-le-Grand. En 1897, reconnaissant la paternité spirituelle du dominicain, Pierre de Coubertin lui demandera d’ouvrir le congrès olympique du Havre.

Le stade d’Athènes reconstruit pour les Jeux olympiques de 1896 | domaine public

Un amour d’enfance

L’amour pour le sport d’Henri Didon remonte à sa prime jeunesse. Dès l’âge de neuf ans, il avait révélé ses talents de sportif. Au petit séminaire du Rondeau, à Grenoble, en 1855, il avait remporté trois titres lors des «Jeux olympiques du Rondeau» qui se tenaient tous les quatre ans.

C’est en se souvenant de cette expérience, plusieurs décennies plus tard, qu’il instaura des jeux sportifs à Arcueil, et qu’il prit part au mouvement sportif de l’époque.

Un prédicateur de talent

La vocation religieuse d’Henri Didon s’est éveillée au cours d’un voyage au monastère de la Grande Chartreuse, près de Grenoble. En septembre 1856, il prend l’habit chez les dominicains. Le Frère Didon fait sa formation à Rome et est ordonné prêtre à Aix-en-Provence, à l’âge de 22 ans.

Promu en théologie, Henri Didon, orateur de talent, se fait vite une belle réputation, il prêche à Londres, Liège ou Paris. Aumônier militaire pendant la guerre de 1870 contre la Prusse, il est pris au piège avec l’armée française dans Metz. Il tombe malade et trouve refuge à Genève après la capitulation de Metz. Il défend alors l’unité nationale et est clairement opposé à l’abandon de l’Alsace-Moselle. La guerre achevée, il prêche pour une «régénération de la France». Il se heurte bientôt à l’archevêque de Paris qui lui conseille de modérer ses propos. Il n’en a cure, et, après un sermon enflammé à Notre-Dame, il est sanctionné et envoyé en exil en Corse en 1880.

Auteur d’une vie de Jésus

Le religieux en profite pour se consacrer à l’écriture d’un ouvrage sur la vie de Jésus. De retour sur le continent, il est nommé proviseur et prieur à Arcueil en 1890 et son livre, un pavé de 1’000 pages, est publié. Il reçoit un excellent accueil en France comme à l’étranger. Ses droits d’auteur servent à financer des travaux à Albert-le-Grand, notamment des installations de gymnastique, ou des voyages scolaires. En 1891, il amène ainsi 75 étudiants à Rome où ils sont reçus par le pape.

6 avril 1896 : le 100 m inaugure les Jeux Olympiques de l’ère moderne | domaine pubic

Au collège d’Arcueil, le Père Didon insiste particulièrement sur les valeurs du sport. «J’estime que les vainqueurs de football ont bien des chances d’être les lauréats de demain dans les concours d’intellectuels», écrit-il. Le proviseur sait que le sport scolaire possède de solides opposants. Il les classe en trois catégories: les passifs, les affectifs et les intellectuels. Tous ont droit au titre d’«éternels réactionnaires».

Expert gouvernemental et diplomate

En 1898-1899, le Père Didon effectue un voyage d’études en Grande-Bretagne pour y observer le système éducatif anglais. Il y est reçu avec les plus grands honneurs. Un mois après son retour d’Angleterre, il est invité à communiquer ses conclusions au gouvernement français. Il est reçu par la commission de l’enseignement où il expose ses orientations pédagogiques. Henri Didon meurt subitement le 13 mars 1900, à Toulouse, en route pour une mission à Rome où il était notamment chargé de remettre au pape un message de Pierre Waldeck-Rousseau, président du Conseil des ministres, afin d’aplanir le conflit Église-État.

Parmi les nombreux hommages qui lui sont rendus, celui de l’Union des sociétés françaises des sports athlétiques, salue «ce moine libéral qui ouvrit le premier aux sports athlétiques les portes d’une maison religieuse». (cath.ch/zenit/ag/mp)

En l’an 2000 La Poste rend hommage à Henri Didon

Non à la béatification postale
L’émission par la Poste d’un timbre mettant en avant la figure d’Henri Didon à l’occasion des Jeux olympiques de Sydney, en l’an 2000, avait suscité la vive réaction d’historiens rappelant l’attitude du dominicain lors de l’affaire Dreyfuss. Ils dénonçaient une ›béatification postale’.  
Partisan du ralliement la République à la réputation libérale, fondamentalement démocrate, Henri Didon avait néanmoins pris farouchement la défense du commandement de l’armée française contre le capitaine juif accusé de trahison. Il avait alors défendu la suprématie du pouvoir militaire sur le pouvoir civil. MP

Maurice Page

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